Penser la ville comme un théâtre et la rendre spectaculaire
« Les acteurs de la ville », voilà une expression qui revient de plus en plus souvent. Serions-nous tous des comédiens agissant dans un grand théâtre qui serait la ville ? Voilà sans doute ce qui pousse architectes, designers, urbanistes et artistes à vouloir rendre nos villes spectaculaires. Au-delà du simple aspect esthétique, quels sont les véritables enjeux de cette pratique et comment ce phénomène se traduit-il ?
Rendre spectaculaire : pour quoi faire ?
Nos villes se transforment de plus en plus en terrains de jeux. De véritables mises en scène où les spectateurs deviennent parfois acteurs. Cette théâtralisation de l’espace urbain a généralement une double fonction : un pouvoir d’attraction associé à une volonté de révéler ce qu’on ne voit plus. Agir comme un révélateur c’est ce qui anime le collectif HeHe. Les fumées qui sortent de nos usines : voilà une image qui est devenue banale et à laquelle on ne fait plus attention. Les artistes ont donc décidé à l’aide d’un laser vert de mettre en valeur ces nuages de façon à rendre cette pollution visible et tangible.
Le Voyage à Nantes : révéler la ville par l’art
Depuis sa première édition en 2012, le Voyage à Nantes est en passe de devenir une institution. Le temps d’un été, les installations d’art contemporain envahissent la ville. Ces deux dernières années, la place du Bouffay, naturellement construite sous la forme d’un amphithéâtre, s’est transformée en véritable scène. Pour la première édition, Leandro Erlich a proposé sa vision de la place avec l’œuvre Monte-meubles, l’ultime déménagement. Une portion de façade rappelant celles de la place est positionnée sur un monte-charge à quelques dizaines de mètres de hauteur. L’occasion pour l’artiste de nous faire réfléchir sur le devenir de ce quartier en mutations. En 2013, faisant écho au prix Capitale verte de l’Europe, c’est Isaac Cordal qui s’est emparé de cet espace. D’un immense îlot de gravats issu de destructions d’immeubles de la métropole surgissent des personnages perdus dans cette ruine contemporaine. Spectaculaire certes, mais derrière cette première approche l’artiste nous invite à la méditation et à prendre conscience des changements qui s’opèrent dans nos villes.
À l’image d’une ville fluctuante, en perpétuelle recherche d’étonnement, le concept Park(ing) Day crée le buzz. Cette « réappropriation citoyenne et artistique de l’espace public » consiste à louer des places de parkings à l’heure ou à la journée pour les transformer en bistro de rue, en jardin éphémère ou encore en composition artistique scénarisée. Un signal fort envoyé aux voitures : vous n’avez plus le monopole du centre-ville !
Comment le design peut-il intervenir dans cette théâtralisation de la ville ?
Le travail du designer est bien souvent assimilé à l’esthétisation de la ville, de ses objets. Pourtant, comme le souligne Fuller Buckminster, imminent architecte, designer et inventeur Américain, « Un designer, est la synthèse émergente d’un artiste, inventeur, mécanicien, économiste objectif et stratège évolutionnaire ». Tout est dit ! Le designer doit avoir cette capacité d’innover, afin que l’habitant/usager interagisse avec l’installation et ne soit plus seulement spectateur. Dans cette volonté de faire « pratiquer » la ville, Julie Godard, étudiante à l’école de design Nantes-Atlantique, s’intéresse aux interactions entre équipements sportifs et pratiquants, sur un espace public que ces derniers s’approprient. La ville sportive devient alors spectaculaire à travers la mise en scène de ces acteurs du sport. Enfin, le facteur déterminant à la réussite du projet, étant son intégration au tissu urbain, la métaphore du plug-in est aussi développée.
Par Julie Godard, étudiante en 5ème année option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante.