Et si on parlait de densité urbaine ?
Croyez-le ou non mais Paris compte parmi les villes les plus denses au monde. Oui, oui, devant Tokyo, New York et leurs paysages de gratte-ciel. Mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? Bien que malléable, le concept de densité a dicté des décennies de politiques urbaines et a profondément marqué nos imaginaires. De quoi parle-t-on quand on parle de densité urbaine ? Une ville efficace doit-elle être dense ? Le bien-être a-t-il sa place dans une ville dense ? Petit récapitulatif de l’évolution de la notion de densité en France.
La densité insalubre
Quand on parle de densité urbaine, on parle généralement de densité de population, autrement dit, du nombre d’habitants par kilomètres carré. Après tout, la ville c’est ça : un espace construit et suffisamment habité. D’une certaine façon, c’est le fondement même de notre contrat social, vivre ensemble pour se protéger, partager les ressources et faire communauté. Pour autant l’utilisation du concept de densité dans l’aménagement urbain a beaucoup varié à travers le temps, opposant des visions contradictoires.
Au XIXème siècle, le centre de Paris est pauvre et dense. Autour de la Seine s’est agglutiné un tissu de petites maisonnettes connectées par un réseau d’étroites ruelles. Les travaux du baron Haussmann vont imposer un modèle homogène à la ville, influencé par les théories hygiénistes. Celles-ci voient la densité comme un synonyme d’insalubrité. La percée de larges avenues, la création de parcs et d’un réseau d’égouts permettent alors la circulation d’air, d’eau et de lumière. Cette pensée hygiéniste marque profondément l’urbanisme parisien, elle fait écho jusque dans la plume de Le Corbusier en 1933 dans la Charte d’Athènes.
Grands ensembles et densité ressentie
Alors que l’aménagement urbain semble tourner au ralenti toute la première moitié du XXème siècle, le besoin de logement provoqué par le baby-boom débloque soudainement les choses. Les progrès techniques réévaluent le rapport à l’espace : l’ascenseur a donné de la verticalité à la ville, tandis que la voiture l’étale. Un urbanisme fonctionnaliste s’impose. Il voit la densité comme un simple instrument de mesure, pour rationaliser les espaces vierges de la petite ceinture. Alors que naissent les premiers grands ensembles, on calcule ainsi la répartition des services publics en fonction du nombre d’habitants sur le territoire.
Cette architecture de tours incarne en peu de temps le nouveau visage de la densité, à nouveau connotée négativement. Pourtant associer tours et densité est une erreur : « les grands ensembles ont une densité très faible, de l’ordre de 0,75 en moyenne, à l’instar de la cité des 4 000 à La Courneuve » remarque l’architecte Eric Lapierre. À titre de comparaison « le Paris du XIVe siècle avait une densité de 2,7, les habitations à bon marché (HBM) de la ceinture des Maréchaux atteignent 4 et le bâti haussmannien culmine à 4,5 ». Autrement dit, l’immeuble haussmannien typique, avec ses six étages, sa chambre de bonne et sa courette intérieur est un modèle insoupçonné de forte densité.
L’îlot haussmannien ou la densité désirable
60 % du tissu parisien actuel a été construit entre 1850 et 1914, par le baron Haussmann et ses successeurs. Cent ans après, le schéma haussmannien est un modèle de résilience. L’îlot tel qu’il a été conçu et systématisé résiste au temps et au changement en évoluant sur lui-même. Le bâtiment a survécu à l’arrivée de l’ascenseur qui a revalorisé les derniers étages les plus lumineux. Il a prouvé son adaptation aux critères environnementaux contemporains grâce à l’isolation thermique de la pierre de taille. Il a su se transformer d’habitat à bureau et inversement selon les besoins. Tout cela, laissant la place à un espace public généreux : la voiture a pu s’y épanouir dans un maillage serré, agréable aux piétons.
Le plus surprenant est bel et bien la conciliation d’une densité intramuros parmi les plus élevées au monde, avec un sentiment de bien-être relativement bon pour une telle densité. Pour l’urbaniste Umberto Napolitano et l’ingénieur Franck Boutté, tous deux commissaires de l’exposition « Paris Haussmann, modèle de ville » qui a eu lieu début 2017 au Pavillon de l’Arsenal, « le modèle haussmannien est porteur d’un ensemble de caractéristiques qui rendent possibles plusieurs équilibres fondamentaux ».
Réinventer la densité
A la fin des années 80, le rapport Brundtland publié par l’ONU en 1987 impose l’expression de développement durable au monde entier. L’avènement de cette notion remet sous le feu des projecteurs la notion de densité urbaine. Depuis, la recherche d’une densité importante en zone urbaine a été érigé comme l’alpha et l’oméga du développement durable des villes. Développer les transports en commun, mutualiser la gestion des déchets sont des exemples d’axes pour un développement urbain optimal et respectueux de l’environnement. Mais la saturation du réseau oblige à réinterroger les qualités mêmes de la densité. En effet une gigantesque métropole de quartiers spécialisés (affaire, résidentiel, industriel, commerçant) nécessite soit un réseau de transports tout à fait exceptionnel, soit de permettre aux citadins de travailler là où ils vivent. Une planification urbaine courageuse, favorisant une mixité fonctionnelle à l’échelle locale pourrait contribuer à atténuer les effets secondaires de la densité. La perspective des Jeux Olympiques et du Grand Paris sont des opportunités uniques de faire de Paris une capitale viable, durable et égalitaire.
Vos réactions
« Tout cela, laissant la place à un espace public généreux : la voiture a pu s’y épanouir dans un maillage serré, agréable aux piétons. »
Bonjour, on parle bien de Paris??
Je vous invite par exemple à constater la générosité des trottoirs rue du faubourg montmartre ou pire, rue de Trevise. Ou alors a flâner dans la rue du faubourg poissonnière a 9h du matin pour passer un moment épanoui, agréable et serré dans le diesel et les klaxons.
A part cela, votre article est pertinent et intéressant, dommage.
Haussman ne voulait pas de parcs, la verdure c’est de l’espace perdu!
heureusement qu’à Lyon nous avons le plus grand parc urbain de France