Parkings vides, un avenir radieux ?

Comme une envie de sauter à cloche-pied
11 Sep 2018

Jusqu’au 2 septembre 2018, le Pavillon de l’Arsenal accueillait l’exposition Immeubles pour Automobiles. Elle avait pour objet cette forme si particulière du parking qui foisonnait à Paris pendant l’âge d’or de l’automobile mais qui, aujourd’hui, appelle une réflexion sur les reconversions possibles de ces lieux de plus en plus vides. Parce que le sujet de l’exposition nous a passionné, nous voulions faire un point sur la reconversion de ces hôtels pour voitures.

Le playground de demain ?

Le playground de demain ? – Crédits Dean Hochman sur Flickr

Vers une ville post-automobile

Les villes connaissent des problèmes croissants liés à la pollution et les alertes liées à la mauvaise qualité de l’air font désormais partie du quotidien de tout citadin. La voiture a été identifié comme un facteur de pollution aggravant grand nombre de métropoles ; aussi,  les villes expriment de plus en plus une volonté de réduire les usages de la voiture en ville au profit du vélo, de la marche ou des transports en commun. Nous connaissons déjà les exemples iconiques de villes sans voitures comme Pontevedra en Espagne ou Amsterdam. À l’occasion du Sommet des élus locaux pour le Climat en 2015, la tendance se dirigeait clairement vers des mobilités différentes. Même si, en France, le nombre de voitures à l’échelle du territoire national est constant depuis plusieurs années. Il est même parfois en augmentation dans certaines zones. Dans les grandes villes en revanche, le nombre de ménages possédant un véhicule diminue. D’après le Pavillon de l’Arsenal, à Paris en 2018, 65% des ménages n’ont plus ou pas de voitures. En plus des réglementations contre le diesel ou les véhicules trop anciens, des offres spéciales et des projets de transports en commun toujours plus performants rendent obsolètes les voitures dont l’entretien pouvait être par ailleurs très coûteux.

Si la présence et la visibilité des voitures en ville s’amenuisent, il est des infrastructures liées à ces engins qui persistent : les parkings. De moins en moins utilisés, ces bâtiments se vident et ils sont nombreux. Le chercheur américain Eric Scharnhorst a publié une étude sur les parkings dans les villes américaines et leur utilisation. Parmi ses observations, l’une des plus intéressantes portait sur le rapport entre l’occupation au sol des parkings dans des villes comme Seattle, Philadelphie ou Des Moines, par rapport à leur utilisation effective par les citadins. Les conclusions, dans la lignée de celles du gourou des parkings Donald Shoup, sont sans appel : cartes à l’appui il montre que la plupart des parkings américains sont vides alors qu’ils occupent une grande partie de l’espace urbain. À Des Moines, par exemple, il y a 3,7 fois plus d’espace consacré aux parkings qu’aux habitations. Et pourtant, trop chers à utiliser et à entretenir, le taux d’occupation de la plupart d’entre eux est très faible. Ce constat américain diffère de ce que l’on observe souvent dans nos centres-villes où  trouver une place pour garer sa voiture relève parfois du casse-tête. Dans les villes sondées par Eric Scharnhorst, la place existe, mais l’offre n’est pas adaptée à la demande.

Un format parfait pour la reconversion ?

Que faire de ces édifices maintenant que leurs usages diminuent de façon encore  plus visible ? La plupart de ces grands espaces sont laissés à l’abandon par les usagers. Mais fort heureusement, certains ont donné lieu à des reconversions intéressantes !

Parfait pour un cache-cache entre amis

Parfait pour un cache-cache entre amis – Crédits Victor sur Flickr

Dans un premier temps, quelles sont les qualités qui rendent les parkings propices à une deuxième vie ? Détaillées dans les projets présentés par le Pavillon de l’Arsenal, elles sont nombreuses, en voici quelques-unes. Tout d’abord, ils font preuve d’une grande souplesse. En effet, soutenus par une structure en ossature réduite à sa plus simple expression, les parkings sont des exemples en matière de neutralité. Ils se composent de larges plateaux non hiérarchisés dont l’aménagement est modulable à l’infini. L’aboutissement du plan libre, d’une certaine façon. Ensuite, leur taille. Les parkings sont grands et vides à l’heure où l’espace en ville est de plus en plus cher. Il n’est donc pas étonnant que les villes cherchent à revaloriser ces constructions. Enfin, l’emplacement. Passant souvent inaperçu mais situé à des endroits stratégiques, le parking peut se nicher en cœur de ville. Associé à la taille évoquée précédemment, c’est une combinaison gagnante.

La reconquête des parkings est en marche

Parmi les beaux projets que nous avons repérés, le site Pop-up City signalait l’année dernière l’existence d’un parking ludique à Peckham (sud de Londres). La fondation Bold Tendencies, qui y réside, en a fait un espace public ouvert à tous. Agence de programmation culturelle, elle a commandé au studio d’architecture Cooke Fawcett l’aménagement du toit en espace ludique avec des terrasses supplémentaires, des structures dédiées au jeu, et même un café. Le projet, intitulé Peckham Observatory, s’est inséré dans une démarche de dynamisation du quartier avec une volonté de qualifier au mieux les lieux.

Comme une envie de sauter à cloche-pied

Comme une envie de sauter à cloche-pied dans un parcours de pneus – Crédits Peter Landers Photography (Photo à retrouver sur le site de Bold Tendencies, via Pop-up City)

Avec un réel souci esthétique, ils ont réussi à aménager un espace qui permette aux habitants de respirer. Bold Tendencies accueille également des résidences d’artistes pour l’année, un orchestre est présent, et des ateliers d’art y sont organisés. Bien que les autorités locales aient pour objectif de rediriger à terme le projet vers une activité plus commerciale, ce parking devenu centre d’art en même temps qu’espace public nous a vivement séduit.

Petit cours de yoga pendant que les voitures ne sont pas là

Petit cours de yoga pendant que les voitures ne sont pas là – Crédits Android 6699 sur Flickr

En 2016, la Mairie de Paris a modifié le PLU afin de supprimer l’obligation de créer des parkings pour chaque programme de logement. En outre, de nombreuses reconversions de garages et parkings en logement sont en cours dans la capitale. D’après le Parisien, depuis 2010, treize opérations de ce type ont été achevées. L’une des plus précoces a été le déménagement du département de géographie du CNRS dans un parking niché juste à côté du Panthéon en 2006. D’autres projets plus axés vers le logement ont vu le jour comme celui du 151, boulevard Poissonnière où le bailleur Elogie-Siemp a géré l’opération pour créer une trentaine de logements sociaux. C’est un projet du même type mais à une échelle autrement plus importante qui sera bientôt réalisée près de la Porte de Pantin : les garages de la préfecture de police accueilleront plus de 150 logements gérés par Paris Habitat. La livraison du projet est attendu pour 2021 et on a pu voir s’exprimer en plus une volonté écologique de la part des acteurs investis.

Nous sommes aussi certains que les défis posés par une pollution chimique ou industrielle potentielle causée par les rénovations de parking ne sont pas insurmontables. C’est ce qu’a prouvé La Caverne, projet de ferme urbaine réalisé dans un parking délaissé à Porte de la Chapelle. Mené en partenariat avec ICF La Sablière (le bailleur des immeubles situés au-dessus) cette opération souhaite dynamiser le quartier en employant en priorité des habitants des bâtiments surplombant les champs de champignons souterrains…

Démolition d’un parking à Gateshead au nord de l’Angleterre

Démolition d’un parking à Gateshead au nord de l’Angleterre… – Crédits Ian Britton sur Flickr

Dans les petites et moyennes villes, le problème des parkings se pose différemment. En effet, ils se présentent moins sous la forme de grandes infrastructures inhabitées que sous celle de la grand-place abandonnée. Qu’il s’agisse de Potigny à proximité de Caen ou de Villeparisis en Ile-de-France, les municipalités veulent se réapproprier les parkings de friches commerciales. Pour construire une nouvelle école ou densifier un centre-ville avec de nouveaux commerces, les espaces laissés par les parkings inoccupés peuvent avoir un fort potentiel.

De fait, on remarque qu’aujourd’hui les villes exprimant une volonté de se renouveler (comme Lyon avec son projet Lyon 2050, ou encore la capitale avec la version souterraine de Réinventer Paris), passent à un moment ou un autre par la case reconversion de parcs de stationnement. On peut tout de même souligner que les projets de reconversions d’infrastructures et de dépollution sont principalement mis en place dans les grandes métropoles… Là où les pouvoirs publics et les acteurs immobiliers ont évidemment les moyens suffisants pour ce type de travaux. Pour autant, parmi nos recherches, on constate que ces projets inspirent beaucoup de travaux d’étudiants en architecture ou apprentis urbanistes. Ce qui témoigne donc que, malgré les éventuelles difficultés techniques, une certaine aspiration à la réutilisation du patrimoine bâti s’implante petit à petit dans les esprits des professionnels.

Cette volonté de mettre en valeur les traces laissées par l’héritage automobile est commune à toute un génération d’élus locaux, urbanistes et promoteurs. Plutôt que de détruire des bâtiments qui ne sont plus dans l’air de temps, il s’agit d’en tirer le meilleur pour les besoins actuels de la société. A l’instar du recyclage des stations-services, le cas des parkings est aussi une victoire contre les stéréotypes négatifs dont ils souffrent forcément. Même s’ils ont la vie dure, l’imaginaire associé à cette forme urbaine évolue petit à petit du glauque interlope vers le mystérieux plein de promesses. Finalement, les parkings et leurs reconversions diverses montrent la capacité de certaines villes à se transformer, à muter en conservant un certain squelette. Mieux que de faire table-rase, elles jouent ainsi avec une partie de leur Histoire et réorientent les décisions du passé vers les usages en vogue.

Pour aller plus loin :

{pop-up} urbain
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Vos réactions

Bémont
4 novembre 2018

Bizarre de ne pas parler de la conversion des parkings en dépôts de colis et base de drones ou autre robots assurant la livraison sur le (ou les) derniers kilomètres.

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