Quand les objets connectés font leur justice
Les objets intelligents, témoins idéaux des procès du futur ? Alors que de plus en plus d’objets du quotidien sont connectés et enregistrent nos moindres faits et gestes, ils fournissent des indices et preuves inédits aux enquêtes policières. Aux États-Unis, les méthodes d’investigation commencent à évoluer et des criminels se retrouvent trahis par leur montre, leur pacemaker ou leur cafetière connectée.
Avez-vous remarqué comme le nombre d’objets connectés explose autour de vous ? Une montre Fitbit, ce coach sportif électronique qui mesure en permanence vos mouvements, un pacemaker avec surveillance à distance, un GPS dans votre voiture, des cafetières capables de faire le café automatiquement à heure déterminée, des sonnettes de maison avec caméra intégrée branchée à votre smartphone…. Une nouvelle génération d’objets du quotidien est capable d’enregistrer les données d’utilisation et de les communiquer. C’est ce qu’on appelle l’Internet des Objets (IdO), qui crée et accumule une quantité de données phénoménale sur nos moindres faits et gestes. A priori bénignes, ces données racontent en fait beaucoup de notre vie personnelle, et peuvent devenir des sources d’informations, notamment pour les services de police.
Objets mouchards
Prenez par exemple Nest, une entreprise rachetée 3,2 milliards de dollars par Google, dont le produit phare est un dispositif qui s’occupe de votre maison en contrôlant thermostats, détecteurs de fumée et systèmes de surveillance à distance. Combinez-la avec l’Amazon Echo, assistant intelligent virtuel qui répond aux commandes vocales. Vous obtenez les seuls témoins d’un crime commis dans l’Arkansas en 2015, retracé dans un article du Guardian : un ami d’un dénommé John Bates, le propriétaire des lieux, avait été retrouvé noyé dans un jacuzzi. Ces outils ont enregistré l’heure et la quantité d’eau utilisée pour le jacuzzi. Et leur compte-rendu d’activité contredit le récit d’une simple soirée foot donné par John Bates.
Si ce procès est encore en cours, le quotidien britannique en évoque un autre, qui s’est terminé par la condamnation de l’apparente victime d’un incendie. Ross Compton déclarait à la police s’être réveillé au beau milieu de la nuit dans sa maison en proie aux flammes, a été condamné pour fraude à l’assurance après qu’un cardiologue a examiné l’historique de son pacemaker pendant la nuit de l’incendie : les pics d’activité enregistrés par l’appareil ne correspondaient pas au témoignage de Compton.
Geek : les experts Miami
Andy Kleinick, chef de la section cyber-criminelle du département de police de Los Angeles, expliquait au Guardian que les objets connectés – et notre vie numérique dans son ensemble – rendent plus difficile d’échapper à la justice quand on a commis un délit ou un crime. « Nous traitons de plus en plus de cas d’homicides où les coupables laissent beaucoup d’informations derrière eux, en recherchant comment se débarrasser d’un cadavre ou en ‘googlant’ le mot poison ».
Mais si le traitement généralisé des données numériques par les enquêteurs promet de changer radicalement le travail policier et judiciaire dans les années à venir, les criminels ont encore un peu de répit. Aujourd’hui, seuls quelques programmes précurseurs prennent en compte l’Internet des Objets dans les méthodologies et techniques d’enquête. Les policiers les plus âgés ont beaucoup de mal à prendre le pas, et c’est à la nouvelle génération – née avec ces technologies – d’insuffler le changement dans la recherche d’indices.
« La plupart des policiers ne penseraient même pas à regarder une [montre connectée] Fitbit ou un thermostat », signale à Phys.org John Sammons, ancien policier et désormais professeur à l’université Marshall. Ce travail d’extraction et d’analyse des bases de données numériques est d’ailleurs chronophage et gourmand en ressources informatiques. L’obtention d’une information utile au sein de celles-ci peut prendre jusqu’à plusieurs semaines de traitement.
Andy Kleinick est d’ailleurs en charge d’une formation pour apprendre aux détectives à manipuler les preuves digitales. « Nous n’arrivons plus à répondre à la demande. Bientôt je serai enseignant à plein temps, le chef du département de police de Los Angeles veut que tout le monde soit cyber-entraîné. » Une formation exigeante et compliquée à mettre en place pour de petits départements qui ne sont parfois fois pas suffisamment équipés en ordinateurs. En France, la propagation des objets connectés est certainement différente du marché américain, et la question ne se pose peut-être pas encore en ces termes. Mais il est certain que le grand public, très friand de ces objets, est très peu informé de leur potentiel.
La prochaine fois que vous devez enterrer un cadavre au beau milieu de la forêt, réfléchissez-y à deux fois avant de demander le parcours à votre GPS…