Mobilité et habitat
La galère. C’est ainsi que l’on peut qualifier dans nos grandes villes, au moment de rentrer chez soi, la quête du Saint Graal : une place de stationnement. Car pour ceux qui n’ont pas la chance de posséder une place de parking, trouver une place pour se garer peut s’avérer une véritable épreuve. La place de plus en plus grande accordée aux piétons a, en effet, généré une diminution des places de stationnement, dans des villes déjà saturées et congestionnées. Et parallèlement, nous n’avons pas, ou peu, changé nos habitudes et nous restons dépendants à la voiture individuelle : 53 % des urbains déclarent utiliser la voiture tous les jours et 48 % ne prennent jamais les transports en commun. Alors pour résoudre ces conflits, peut-on repenser les relations entre mobilité et habitat ?
Mobilité et habitat : des relations complexes
La vision de la ville pour la voiture développée à partir des années 1950 a eu pour conséquence de pouvoir éloigner notre lieu de travail de notre lieu de vie. Cette conception de la ville a bien évidemment montré ses limites et, aujourd’hui, la voiture est en passe de devenir persona non grata de nos centres-villes. Pourtant, notre habitat n’a pas forcément évolué en conséquence : peu de places pour les mobilités douces, et notamment le vélo, peu d’infrastructures en capacité d’accueillir les innovations en matière de mobilité (comme la voiture électrique), une place par logement pour plusieurs véhicules, etc.
Et il est également un paradoxe à souligner : si l’espace public est saturé, les parkings des immeubles collectifs sont, eux, bien souvent, quasi vides : trop chers, pas pratiques, pas adaptés, place de parking mais pas de véhicule … Dans certains pays, comme au Japon, des solutions drastiques ont été mises en place : pour pouvoir jouir d’une place de parking, vous devez prouver que vous possédez un véhicule personnel.
L’économie de partage : repenser les relations entre mobilité et habitat ?
Optimiser possession et usage : voilà l’un des credo de l’économie de partage. Et, en matière de mobilité, cela prend tout son sens : la voiture est aujourd’hui utilisée à 10 % de sa capacité et, même quand elle roule, elle n’est utilisée qu’à 25 % de sa capacité. Et quand notre voiture dort tranquillement au bureau, notre place de parking à la maison, elle, est inutile. L’application Zenpark a choisi de faire le lien entre usagers à la recherche d’un stationnement et places libres dans les hôtels ou supermarchés, une solution qui a tendance aujourd’hui à s’étendre aux places privées dans les immeubles collectifs.
Cette économie de partage amène aussi au déploiement des véhicules en libre-service, mais le maillage du territoire incomplet fait que cette solution n’est pas toujours applicable partout.
La mobilité comme prolongement de l’habitat ?
L’économie de partage, malgré ses limites, invite donc à repenser les relations entre habitat et mobilité. Mais dans une vision prospective, pourrait-on imaginer que la mobilité fonctionne comme un prolongement de l’habitat ? C’est en tout cas de ce postulat qu’est parti Jérôme Chabot, étudiant en deuxième année de cycle master Ville durable à L’École de design Nantes Atlantique pour son Projet de Fin d’Études. Et si, lorsqu’on loue un appartement, on pouvait y louer le mode de transport qui nous est le mieux adapté ? C’est autour de cette question que Jérôme a conçu « LIBO-IMMO », une mobilité partagée en libre-service intégrée à l’habitat. L’idée réside dans une flotte de mobilité en libre-service, incluant des voitures électriques à deux ou quatre places selon le besoin des utilisateurs, quelques voitures à haute autonomie de manière à créer des covoiturages au sein de l’immeuble et de ses habitants ainsi que des vélos. Selon le lieu, sa capacité et le nombre d’utilisateurs, la flotte serait dimensionnée et choisie en fonction de la demande et du besoin spécifique de l’utilisateur. Ce service permettrait alors de pallier des besoins d’appoint dans le quotidien afin d’incrémenter le réseau de mobilité public sans pour autant vouloir le remplacer.
Le service serait géré par un groupe privé qui s’occuperait des abonnements et de la maintenance. Cette flotte ne serait pas livrée à elle-même dans la rue ni utilisée par n’importe qui, ce qui permettrait aux abonnés de s’approprier ces véhicules tout en y accordant de l’attention. Commence alors une réflexion sur le moyen d’interagir avec l’usager et de récolter de la data qui pourra déterminer comment gérer la demande et pourquoi pas même la prévoir. Pour Jérôme, « les objectifs de cette hypothèse design visent à permettre à tous ceux qui le souhaitent d’agir pour la réalisation d’une ville durable ». Complémentaire à l’offre de service de transports collectifs, vélos en libre-service, covoiturage, etc, le but est de favoriser l’abandon de la voiture personnelle, sur le principe que la voiture de demain ce n’est plus un objet de possession mais un service.
Ainsi, on peut espérer que les trajets du quotidien en agglomération deviennent plus fluides car ils auront été optimisés et adaptés afin de réduire les congestions. Et réduire ainsi notre impact sur l’environnement.
Par Zélia Darnault, enseignante