Marketing territorial : quand les petites villes font les yeux doux aux urbains
Cet été, les couloirs des métros parisiens se sont retrouvés placardés de campagnes publicitaires aux slogans aguicheurs vantant les qualités de vie de plusieurs petites et moyennes villes françaises. Après un premier confinement éprouvant pour les urbains, ces villes à “taille humaine” ont changé leur fusil d’épaule et n’ont pas hésité à investir le champ du marketing territorial pour attirer de nouveaux habitants. Décryptage.
En mars dernier, à l’annonce du premier confinement, de nombreux citadins s’exilaient à la campagne. Un phénomène commun à de nombreux centres urbains, qui se sont vus en quelques heures vidés d’une grande partie de leur population : la crainte d’être enfermé dans un petit appartement sans possibilité de sortir avait frappé. Pour une grande majorité de ces exilés, l’annonce de la fin de ce premier confinement a également sonné la perte d’une qualité de vie acquise pendant ces semaines passées à la campagne. Mais elle a surtout confirmé et affirmé le désir de changement chez de nombreux citadins : celui de quitter définitivement les grandes métropoles.
Chiffres à l’appui, les recherches immobilières qui ont eu lieu durant la période de confinement et de déconfinement ont largement été portées sur des villes de moins de 100 000 habitants. Selon un sondage réalisé par la start-up Paris je te quitte, le nombre de franciliens désireux de quitter la capitale à court terme, aurait augmenté de 42% depuis le 1er confinement : stress, prix de l’immobilier, petites tailles des logements, pollution, manque de nature… autant d’éléments qui ont réussi à convaincre ceux qui hésitaient déjà.
Suite à ces mois de confinement, les petites et moyennes villes, longtemps boudées par les plus grandes, se sont donc retrouvées sous le feu des projecteurs. D’abord, parce que la mise en place massive du télétravail à l’échelle du territoire a permis de réaliser qu’il était possible de travailler dans ces territoires tout en étant employé par des entreprises situées dans ces grandes métropoles. Mais également, parce que les petites et moyennes villes se sont montrées plus agréables à vivre lors de cette crise sanitaire, loin des foules et des conditions de vie spécifiques aux grandes villes.
Face à ce revirement de situation, chacune de ces villes nouvellement désirées, a tenté de tirer son épingle du jeu. Placardage publicitaire dans les métros des grandes métropoles, clips vidéo et slogans originaux, de nombreuses petites et moyennes villes ont mis en place une stratégie de marketing territorial dans le but d’attirer de nouveaux habitants. Qu’est-ce que cette tendance révèle-t-elle ? Toutes les villes sont-elles égales face à ces nouvelles pratiques de communication ?
Quand les petites et moyennes villes se mettent au marketing territorial
Les petites et moyennes villes ont longtemps eu mauvaise presse auprès des habitants des grandes : manque de dynamisme économique, culturel, ou encore commercial, depuis plusieurs décennies, elles avaient plutôt tendance à perdre des habitants qu’à en gagner. Poussées par la volonté étatique de se redynamiser, notamment via des investissements publics comme “Action cœur de ville ou le récent programme Petites villes de demain, les petites et moyennes villes cherchent aujourd’hui à attirer de nouveaux habitants.
Dans un contexte de compétitivité, chacune tente de se démarquer en investissant le champ du marketing territorial longtemps prisé des grandes métropoles (comme la ville de Lyon et sa marque OnlyLyon) ou de l’échelon régional. Le but est désormais de véhiculer une image dynamique, attractive, performante d’une ville à un maximum de public afin de bousculer les imaginaires communs liés à cette même ville.
Le déconfinement, un atout marketing pour les petites et moyennes villes
Quel est le point commun entre Alès, Béziers, Mazamet, Vierzon ou encore Evreux ? Ce sont toutes des villes qui ont choisi de surfer sur la vague du déconfinement pour leurs campagnes publicitaires respectives. Avec comme première cible les urbains fatigués d’un premier confinement en centre-ville ou heureux d’un confinement en campagne, les villes n’ont pas lésiné sur les moyens de communication pour être visibles.
C’est le cas de la ville d’Alès, capitale des Cévennes d’environ 40 000 habitants, qui dès le 15 juin dernier, a investi les couloirs du métro parisien avec plus de 705 affiches dispersées dans une centaine de stations les plus fréquentées de la capitale. Avec une audience totale estimée à 4,9 millions de personnes, la petite ville du Gard a tapé fort. Et son slogan en dit long sur ses intentions :
. La ville a choisi un slogan évocateur qui s’inscrit pleinement dans une logique de déconfinement : un petit pic à la capitale parisienne, polluée et bétonnée, dont nombreux sont les habitants qui en ont fui pendant le confinement.
La ville de 10 000 habitants de Mazamet dans le Tarn a quant à elle opté pour un slogan encore plus explicite : “
. Comme pour Mazamet, à Evreux en Normandie, c’est sur la qualité de vie que la ville a souhaité communiquer : . Plus incisif, Béziers a choisi pour sa campagne publicitaire affichée dans les métros parisiens comme slogan .Toutes de ces municipalités misent par ailleurs sur des atouts communs : la ville à taille humaine, verte, peu polluée, aux loyers accessibles et où la qualité de vie est meilleure que dans les grands centres métropolitains. Des arguments qui résonnent d’autant plus dans le contexte sanitaire actuel.
Des petites et moyennes villes toutes égales face à ces nouveaux modes de communication ?
Dans la course à l’attractivité, ces collectivités locales ne semblent pas être toutes égales. D’abord parce que la mise en place d’une stratégie de communication marketée coûte cher, c’est d’ailleurs pour cette raison que le marketing territorial a longtemps été réservé aux villes et collectivités les plus peuplées, ayant des ressources économiques plus développées. La ville d’Alès n’a d’ailleurs pas souhaité communiquer sur le coût d’affichage des 705 publicités dans le métro parisien. Par comparaison, le Conseil Départemental de Saône et Loire pour sa campagne publicitaire post confinement a investi 310 000 euros (affichages dans le métro parisien, spots télévisés et radio…). Un coût que certaines petites villes ne peuvent assumer.
Un investissement dont la pertinence peut être remise en cause. En effet, quelques fois, les imaginaires collectifs géographiques viennent freiner les effets d’une campagne de communication. Toutes les villes ne renvoient pas les mêmes images aux cibles : c’est le cas des villes qui ont longtemps été en crise. Et ce malgré des années de travail employées à redorer son image. Par exemple, la ville de Saint-Etienne peine aujourd’hui à retirer son étiquette d’ancienne ville industrielle en perte de dynamisme. C’est également le cas pour la grande majorité des villes des bassins miniers, pour lesquelles il est plus compliqué d’attirer autant d’habitants que des villes à taille similaire, mieux situées, comme celles du sud de la France, baignées de soleil.
Vers une standardisation de ces villes “à taille humaine” ?
En cherchant à attirer de nouveaux habitants, les petites et moyennes villes entrent dans un jeu de concurrence entre elles, où elles cherchent à attirer un public identique (des urbains en quête de verdure) et de fait utilisent les mêmes arguments. Après le phénomène de métropolisation, décrié par certains pour sa tendance à homogénéiser les espaces urbains, ne sommes-nous pas en train d’assister à un phénomène identique pour les petites et moyennes villes ? Image de marque, développement de nouveaux pôles d’attractivité, rénovation des centres-villes, chacune réussira-t-elle à garder sa propre identité ?