Maîtriser la qualité de l’air intérieur ?
La pollution. Pour la majeure partie des gens ce terme se rapporte à l’air de nos villes. Pourtant, l’air intérieur de nos bâtiments est cinq à dix fois plus pollué que l’air extérieur, et nous sommes très peu à en avoir conscience.
Selon une étude récente menée sur trois régions françaises, 88 % des personnes interrogées ne connaissent pas le niveau de pollution de l’endroit où ils habitent. Et ce, alors même que nous passons la majeure partie de notre temps à l’intérieur, ce qui fait du bâtiment le premier environnement humain. Alors, problème secondaire ou question taboue ? Face à l’accroissement des pathologies dites « environnementales », il est temps de faire le point sur ce phénomène, résultat des matériaux, peintures, meubles…, mais également de nos activités.
Des enjeux sanitaires de taille
Bien sûr, l’air que nous respirons est transporté dans notre corps. Et celui-ci ne fait pas la distinction entre air pollué ou air sain. Il y a deux types de contamination : des concentrations élevées pendant une courte durée et des concentrations faibles pendant une longue durée. Chacune peut développer différents types de pathologie allant d’un simple mal de tête au développement d’un cancer. Les faits sont là, la croissance des symptômes d’allergies ou d’asthme est très préoccupante. En 20 ans, on estime que le nombre de personnes allergiques a doublé, atteignant désormais près de 25 % de la population. Et parmi les personnes exposées, les enfants sont non seulement plus vulnérables, mais aussi, bien souvent, plus contaminés. C’est notamment dans leurs lieux d’accueil qu’ils font face à des doses de polluants bien supérieures aux réglementations. La qualité de l’air intérieur est donc un enjeu sanitaire de taille. Et si la santé publique s’améliore, cela ne peut être que bénéfique pour l’économie !
Qualité de l’air intérieur VS efficacité énergétique ?
Les bâtiments actuels sont conçus dans une démarche BBC (Bâtiment Basse Consommation). La pression des politiques et des nouvelles exigences énergétiques oblige les acteurs à concevoir des bâtiments à forte isolation (principalement thermique). On utilise donc des matériaux de plus en plus isolants pour réduire au maximum les consommations énergétiques des appareils de chauffage, d’éclairage et de ventilation. Le bâtiment est donc parfaitement hermétique à l’air extérieur tandis que l’air intérieur, lui, est prisonnier dans un espace clos. De ce fait, les concentrations augmentent, les polluants stagnent, certains se développent mais ne sont pas détruits. Qualité de l’air intérieur ou efficacité énergétique, à l’heure actuelle il semble qu’il faille faire des choix. Est-il possible de concilier les attentes en matière de santé et de développement durable ?
Quels moyens pour améliorer la qualité de l’air intérieur ?
Aujourd’hui de nombreux moyens sont mis en place pour améliorer la qualité de l’air intérieur. Le premier d’entre eux est l’information : les matériaux de fabrication et d’ameublement disposent d’une étiquette présentant leur degré d’émission en polluants. Des purificateurs et des matériaux dits absorbants voient également le jour depuis quelques années, mais il faut être méfiant. Souvent, ils constituent un mal pour un bien et peuvent même être la source d’une autre pollution. De plus, on manque aujourd’hui de recul pour juger de l’efficacité de ces moyens à long terme. Chaque polluant étant différent, il nécessite un traitement différent. Mais pour bien combattre son ennemi, encore faut-il le connaître. De plus en plus de techniques émergent donc pour évaluer cette qualité de l’air. Mais pour le moment, seuls les scientifiques et experts sont capables de comprendre ces éléments. Savoir que la concentration de l’air intérieur est de 614 ppm de CO2 c’est bien, mais pour le grand public ça reste du chinois. La connaissance de son environnement doit-elle être réservée seulement aux experts ? Comment communiquer efficacement, et particulièrement pour le jeune public ?
Rendre tangible l’invisible : le rôle du designer
Plutôt que créer une fois de plus un purificateur d’air dont l’action sera réduite et sera une source potentielle de nouveau polluant, Simon Viau, étudiant en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique, s’intéresse à la sensibilisation du grand public. Comment susciter de l’intérêt pour ce sujet ? Comment répondre à une attente de sécurité́ sanitaire ? Comment connaître la qualité́ de notre air intérieur sans être expert ? Pour Simon, « le problème réside encore dans l’incapacité́ à définir un espace pollué ou non. Le savoir des chercheurs progresse mais il est impossible d’affirmer qu’un espace est totalement sain et on doit se contenter de rendre l’espace le plus qualitatif possible, et de prendre du recul dans l’élaboration de chaque projet ». Pour que chacun puisse participer et ne pas subir, le designer doit donc s’attacher à rendre tangible l’invisible. Il constitue une sorte de traducteur nous permettant de visualiser l’état de l’air dans lequel nous vivons et de comprendre l’impact de nos modes de vie sur la qualité de l’air intérieur. Car c’est bien par des gestes simples, comme ouvrir régulièrement nos fenêtres, et un changement dans nos habitudes que nous pouvons agir, en attendant les progrès de la technique.
Par Simon Viau, étudiant en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante
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Rendre visible l’ennemi invisible, c’est exactement le sens de notre projet à l’aide de l’internet des objets. A découvrir sur notre campagne de crowdfunding http://www.indiegogo.com/projects/alima