Lu², la mise en œuvre du lien entre l’urbain, l’art et l’humain
La compagnie lu² repense l’art et la fabrique urbaine grâce à une lecture contextualisée du lieu dans lequel elle produit ses œuvres. Privilégiant les lieux « non dédiés » à l’usage artistique, elle engage une réflexion sur l’espace public et son appropriation par les habitants.
3 questions à Lucile RIMBERT, directrice artistique de lu² et du Festival des Arts de la Rue de Strasbourg (FARSe) pour en savoir plus sur ce projet qui offre un nouveau point de vue sur la vie des quartiers.
Pouvez-vous nous présenter lu² et sa raison d’être ?
« Créée en 2013, lu² est une compagnie artistique dédiée à l’espace public qui initie des projets de territoire, se mettant au service de celles et ceux qui vivent et font vivre leur quartier. Nous sommes implantés dans plusieurs lieux des régions d’Île-de-France et du Grand Est.
Notre équipe pluridisciplinaire, composée notamment d’artistes, techniciens, géographes et enseignants-chercheurs en urbanisme, mène une démarche d’écriture contextualisée selon les endroits dans lesquels nos œuvres s’insèrent. Celles-ci sont des « portraits de quartier » qui ont pour vocation de remobiliser certains sites. Nous cohabitons avec les villes, c’est pourquoi nous ne faisons pas d’œuvres dans les espaces privés, tels que les théâtres ou galeries, et aucun lieu ne nous est spécifiquement consacré dans l’espace public.
L’espace public est en perpétuel renouvellement : il y a des lieux de vie démolis, reconstruits, qui se déplacent, se réinventent… Il est nécessaire de valoriser le point de vue des personnes qui y habitent et sont les premières concernées par ces changements. À travers lu², nous voulions répondre à cette problématique, qui survient, selon nous, d’un défaut d’accompagnement de ces changements de territoire et forces vives.
L’intention première de la compagnie dépasse donc la simple création artistique : il s’agit de mettre en œuvre des liens et bénéficier à ceux qui vivent dans le quartier. »
Quels œuvres produisez-vous ?
« Nos œuvres sont diverses et variées mais s’inscrivent toujours dans une démarche d’accompagnement au changement auprès des habitants.
Cette démarche se divise de trois façons : une démarche in vivo, tout d’abord, à travers la production d’œuvres sur l’image d’un quartier et son évolution temporelle liée au projet urbain. Cela se concrétise notamment par le Streetalbum, un album de vignettes autocollantes qui répertorient les lieux de vie, sites remarquables et souvenirs propres à certains quartiers. Ces images ont été choisies après des rencontres et diagnostics avec les habitants concernés. Dans la suite de ce projet, nous avons édité un jeu de cartes nommé Légendes urbaines. Par le choix de lieux et d’actions, ce jeu permet de raconter des histoires qui se seraient déroulées au quartier de la Meinau, à Strasbourg. Nous produisons également des événements dans l’espace public, dans lequel s’insère notre projet de Constellation d’entresorts qui sont des représentations de danse-théâtre portées par une écriture contextualisée (Ce qui est tu, par exemple).
Une démarche in situ, ensuite, via la réactivation de lieux vacants dans une perspective d’urbanisme solidaire de transition. Pour cela, nous prenons en compte les différentes typologies de la vacance urbaine, sa logique réversible ainsi que la capacité des partenaires et habitants à s’approprier ces lieux.
Une méthode au service des habitants, enfin, par des actions d’intermédiation sociale telles que la facilitation des formalités administratives, la valorisation de la parole des habitants dans la presse et les conseils en insertion professionnelle. »
Quelle est votre définition de l’espace public ?
« On associe souvent l’espace public à la voirie publique, mais cette image est réductrice. L’espace public est un lieu gratuit où s’exerce la liberté d’aller et venir. Ces espaces sont dits « publics » en raison de leurs usages, leur appropriation et leur capacité à être ouverts à un maximum de classes sociales et diversité. Certains endroits dotés d’une gouvernance privée sont parfois plus proches d’un espace public que des lieux dont la gouvernance est publique. C’est le cas, par exemple, des cafés. Dans les quartiers, ces points de rencontres et d’échanges représentent une version moderne de l’agora. »