Logements en conteneurs : simple mode ou véritable exemple à suivre ?
Depuis maintenant un peu plus d’une décennie, l’utilisation de conteneurs recyclés pour la construction de logements est un phénomène de plus en plus fréquent, si bien qu’on semble ne plus pouvoir l’arrêter.
Le principe est de réutiliser les contenants qui ne sont plus utiles pour les transformer en de nouveaux logements. Le concept novateur, est apparu aux Pays-Bas au début des années 2000. Celui-ci s’est depuis répandu dans d’autres pays (Australie Allemagne…) et semble très prometteur pour un grand nombre de ses acteurs (concepteurs, utilisateurs…). Il s’inscrit dans une logique de recyclage des matériaux et de transformation des ressources disponibles, et est en général proposé à des prix plus abordables que d’autres logements de surface équivalente.
Regards techniques ou sensibles, regards perçus ou vécus, chacun peut s’en faire sa propre idée. Mais l’utilisation des conteneurs est-elle réellement une solution de construction durable ou une simple tendance ? Si l’architecte en a une conception bien particulière, et une méthode de modelage adaptée, qu’en est-il de l’usage des habitants de logements en conteneur ? En termes d’utilisation de l’espace ou en termes d’énergie, cette alternative est-elle réellement une solution d’avenir ? Cet article sera l’occasion de discuter avec Catherine Rannou, architecte et artiste ayant un regard expérimenté et tranché sur ce type de logements. Quelle est la place de ce type d’habitat dans l’environnement urbain de demain ?
Un conteneur pour qui ? Un conteneur pour quoi ?
L’utilisation des conteneurs recyclés a commencé au début des années 2000. Le principe était alors de pouvoir réutiliser un contenant qui transportait toutes sortes de marchandises (par voie maritime, par voie terrestre…), et d’en concevoir un logement digne de ce nom au lieu de devoir le détruire. L’intérêt principal est donc de faire usage du recyclage et de gagner du temps sur la construction. De la même manière, le prix du logement peut être largement réduit, du fait de son utilisation antérieure.
Un argument de poids qui attire les locataires, les acheteurs, voire les auto-constructeurs qui souhaiteraient investir dans ce mode d’habitat. En effet, il est souvent plus abordable pour ces derniers d’adopter cette technique de construction, non seulement en termes de prix, mais également en termes de procédés architecturaux. Avec un esprit bricoleur, une main agile, et un regard global mais précis sur l’ensemble du projet de la part du constructeur, le conteneur peut rapidement être adapté pour y recevoir une activité humaine.
Le logement en conteneur peut en outre être une option provisoire pour certains. Au Havre, l’apparition de logements étudiants en conteneurs à proximité de la zone portuaire a largement été médiatisée en 2010. Cette solution qui était alors innovante en France pouvait paraître amusante, esthétiquement intéressante et relativement insolite. Toutefois, l’architecte et artiste Catherine Rannou met un point d’attention sur cet engouement qui peut parfois poser question. « Quand on manipule cet objet qu’est le conteneur, il faut faire très attention à sa symbolique. L’homme devient-il une marchandise ? Qu’est-ce que le conteneur a bien pu transporter ? Peut-être des migrants ? Je pense qu’il faut prendre du recul sur la signification de l’objet », prévient-elle.
La conception d’un logement à partir d’une boite en métal
Si la question éthique qui peut être soulevée est donc comprise et acceptée par le futur habitant, il s’agit par la suite de procéder à la construction du logement. Initialement, les conteneurs ont une forme qui leur était imposée pour pouvoir être utilisés dans le transport de marchandises. Avec des dimensions définies de manière réglementaire et donc des dimensions égales, l’assemblage, comme pour les Lego, devient facile. La conception d’immeubles s’effectue assez simplement. « Beaucoup d’architectes ont travaillé sur des concepts de villes utopiques, idéales. Ce sont des questions d’architecture qui datent des années 60 – 70 où on imaginait des villes infinies composées de modules. Avec les conteneurs, c’est pareil. On pourrait les comparer à des étagères sur lesquelles ils sont tous assemblés. »
Pourtant, la contrainte imposée par la morphologie de l’objet complique en réalité largement les choses. Par exemple, les coins ISO qui permettent de soulever et de déplacer les conteneurs lorsqu’ils sont en service empêchent ces derniers de se coller les uns aux autres. Les conteneurs sont donc séparés sur une certaine épaisseur qu’il est nécessaire de devoir combler pour garantir une bonne isolation. Selon Catherine Rannou, « il faut refaire une structure quasiment dans son ensemble pour isoler les logements. On ne se retrouve donc plus vraiment dans une logique d’économie d’énergie et de matière. En fin de compte, la construction n’est pas moins chère qu’un immeuble classique parce qu’on est obligé de pallier à plein de défauts. En plus, il ne faut pas oublier que ces logements doivent respecter les différentes réglementations, qu’elles soient thermiques, d’accessibilité… »
Si la conception de logements collectifs réalisés en conteneurs maritimes a un grand nombre d’inconvénients à corriger, la réalisation de maisons individuelles peut en revanche s’avérer très intéressante, notamment pour les auto-constructeurs. D’ailleurs Catherine Rannou a accompagné certains d’entre eux dans leur démarche de construction : « c’est intéressant et rassurant pour les particuliers qui souhaitent investir dans un projet immobilier. Il n’y a plus qu’à assembler les conteneurs entre eux parce que la structure porteuse est déjà existante. »
L’architecte tempère toutefois son propos, et insiste sur le fait qu’il ne faut pas non plus négliger les nombreuses imperfections nécessaires à corriger. Celles-ci concernent en particulier l’étanchéité du plafond ainsi que l’isolation thermique. Par ailleurs, certains constructeurs préfèrent habiller et camoufler l’aspect industriel des conteneurs. C’est un « non-sens », estime Catherine Rannou. « Si on fait le choix de vivre dans un conteneur, c’est parce qu’on accepte l’image qu’il véhicule. Si on veut camoufler cette image, alors autant construire une structure métallique dont les dimensions seraient moins contraignantes que celles d’un conteneur. »
L’intégration paysagère du conteneur maritime
En effet, les conteneurs ont de manière générale une image relevant du domaine du transport maritime lié à un contexte industriel. On les imagine sur les ports, attendant d’être embarqués dans des bateaux en direction des quatre coins du globe. Il semble donc tout à fait cohérent de les recycler sur leurs lieux d’usage, ou en tout cas sur des lieux liés à cette perception mentale, comme ce fut le cas au Havre à proximité de la zone portuaire.
Pourtant, ces boîtes métalliques sont également utilisées dans le transport ferroviaire, le transport routier, etc. Ces différents modes portent donc les boites métalliques dans les lieux les plus improbables, jusque dans les coins les plus reculés. Catherine Rannou, qui a d’ailleurs expérimenté la vie en conteneur en Antarctique (oui, les conteneurs sont également présents en Antarctique !) donne son point de vue : « On trouve les conteneurs partout, dans le monde entier. On en trouve sous les hangars des agriculteurs bretons, au cœur de la Russie, sur les toits de New-York… Bref, ils envahissent la Terre. » Il est donc difficile dans ce contexte de penser à une intégration paysagère adéquate aux conteneurs, dans la mesure où ils sont déjà présents partout. « Ils sont déjà intégrés au paysage puisqu’ils ont tout envahi, par la mer et par les camions », conclut l’architecte-artiste.
Quel avenir pour ce concept ?
Ce phénomène maintenant tant répandu dans le paysage mondial est-il donc simplement une mode ou une solution durable de logement ? À cette interrogation, Catherine Rannou propose un avis particulièrement tranché : Recycler les containers pour en réaliser des logements ne doit pas être une fin en soi. « C’est bien pour les artistes, pour en faire des ateliers. C’est bien aussi pour les choses provisoires, ou pour les extensions. Si on aménage des conteneurs dans un contexte de loisirs, alors l’idée est intéressante. En revanche, si il ne s’agit que de logements en tant que tels, il faut se poser des questions de symbolique de l’objet, sur son utilisation antérieure et sur ce qu’il représente ».
Certaines collectivités font pourtant le choix de proposer ce type d’alternatives pour répondre à des besoins particuliers. Les personnes à faibles revenus ou les étudiants sont demandeurs de ce type de logements. Dans certaines villes françaises, l’offre en logements sociaux (ou en tout cas de bon marché) n’est pas à la hauteur des besoins du territoire, et la recherche d’un toit peut être fastidieuse. Rapides à fabriquer, simples de conception et proposant une solution insolite, on comprend bien le choix de ces communes qui ont fait le pas.
Catherine Rannou reste pourtant récalcitrante : «Lorsqu’il s’agit de populations qui sont moins fragiles et qui peuvent être moins perturbées par la symbolique, comme les auto-constructeur dans le cadre de leur maison individuelle, c’est intéressant. Mais dans le cas de collectivités qui imposent cette solution à des habitants dans le besoin, cela pose beaucoup de questions, principalement éthiques ».
« Je pense que c’est une erreur de la part des collectivités quand elles recyclent les conteneurs, parce que les possibilités architecturales sont beaucoup trop limitées. En plus, le prix est bien trop élevé par rapport à ce que ça rapporte. J’ai l’impression que c’est seulement pour l’image : c’est sympa, c’est joli, mais ça s’arrête là ».
On le comprend, cette solution ne semble pas faire l’unanimité. Il serait pourtant important de remettre certains éléments en perspective. Si cette alternative ne révolutionne pas nos modes d’habiter pour demain, elle permet pourtant de faire évoluer d’autres secteurs. Par exemple, l’utilisation de ces conteneurs s’inscrit dans une logique de recyclage, la réflexion mérite maintenant d’être approfondie pour trouver un juste équilibre entre éthique, économie, et plaisir d’habiter.
Vos réactions
lol
je pense que Catherine Rannou se trompe…
Bonjour,
A transmettre à qui de droit. Merci!
Je me demandais si pour toutes ses personnes sans logis, il ne serait justement pas intéressant d’installer sur un site de la ville des logements en conteneur dont l’intérieur serait aménageable et personnalisable par l’occupant.
de cette façon, ils seraient intéressés et occupés.
Ils pourraient être aidé dans leur entreprise par par exemple d’anciens profs et ainsi en même temps apprendre plusieurs métiers de la construction ( menuiserie, électricité, peintre,…) car il construiraient tout à l’intérieur
La ville pourrait créer un compte sur lequel on pourrait verser librement de l’argent afin que les personnes puissent
aménager leur logement. Ce compte serait accessible avec une carte spécifique qui ne servirait qu’à ça et qui serait liée aux magasins de bricolage, pour payer les matériaux.
Il pourrait y avoir un autre compte pour l’alimentation. 🙂
Je vous remercie pour l’attention que vous avez accordé à cette proposition de solution sur la mendicité et les sans logis.
Bien cordialement
Rita Antoine
Merci pour cette aide précieuse pour mon travail de techno
l’analyse d’Antoine Rita est très intelligente et sensible
elle doit être divulguée et prise en compte par les décideurs qui vivent dans des châteaux aux frais des contribuables…