L’impensable survie des cybercafés
On les pensait complètement disparus, les cybercafés sont encore en vie. À travers le monde, quelques poignées subsistent encore : de la salle de jeux vidéo aux services d’impression, en passant par le centre social ou la garderie, ils ont fait de drôles de mutations pour survivre.
Comme chaque mois, plongez dans le futur de la ville avec notre série “Habiter 2035”, où l’on vous dresse des scénarios possibles pour la prochaine décennie. Retenez votre souffle, immersion dans 3, 2, 1 …
Retour vers le futur
En s’ouvrant, la porte fait sonner une mélodie électronique et tourner la tête du caissier. C’est la première fois que Jeanne entre dans le cybercafé en bas de chez sa mère. La décoration est un peu dans son jus, mais elle est surprise par l’ambiance cosy. On entend le bruit des claviers, des ventilateurs et quelques éclats de voix. Jeanne a été chargée d’imprimer un mail que sa mère refuse de lire sur son ordinateur : « C’est ce que j’ai toujours fait, c’est pas une cheville foulée qui va m’en empêcher ». L’endroit est gratuit pour une table simple, un euro de l’heure pour un ordinateur et un euro de plus si l’on a besoin d’une connexion. Jeanne jette un coup d’œil autour d’elle : un groupe d’adolescents se déchaîne sur League of Legends. Autour d’une table, quelques retraités jouent aux cartes en buvant le thé et au fond du magasin, un jeune couple enlacé regarde Netflix.
Scénario possible ou récit de science-fiction ? Analyse.
Diversification totale
Raconter la vie d’un cybercafé dans le futur, c’est d’abord rappeler qu’ils existent dans le présent. Apparus avec internet au milieu des années 90 et portés par le doux rêve que l’ADSL fournisse une fenêtre sur le monde, les cybercafés ont fait un boom dans les années 2000 puis ont largement disparu avec l’arrivée des smartphones et de la 3G. Mais selon les contextes locaux, certains ont survécu en diversifiant leur activité. Ces reliques sont l’objet d’un long format sur le média Rest of the World qui est parti à la recherche des derniers cybercafés du monde. Dans une mosaïque bigarrée, l’article explore les évolutions de ces commerces nés dans les années 2000, dont on annonce la mort définitive depuis plus de 15 ans.
En Argentine, la crise économique de 2001 a contribué à favoriser la multiplication des cybercafés car les ordinateurs personnels coûtaient trop cher. Aujourd’hui, presque tout le monde a un téléphone et un accès à internet, mais pas un ordinateur. « Les cybercafés seront là tant que nous serons en crise, parce que de nombreuses personnes ne peuvent pas se payer un ordinateur, une imprimante, ou même réparer leur matériel lorsqu’il tombe en panne » explique un gérant de cybercafé. La survie de ces lieux raconte alors la disparition des services publics ou les zones blanches rurales.
Futuro-nostalgie
À Hong Kong, où les appartements sont trop petits et trop chers, le cybercafé offre de l’intimité : certains y font leur pause, d’autres des rencards ou appellent la famille au bout du monde. Certaines personnes précaires y passent même leurs nuits dans des box privés, faute de pouvoir se payer un logement fixe. En fermant les commerces, la pandémie a mis tout ceux-là à la rue et mis en lumière ce problème de sans-abris des cybercafés.
Outre le gaming et la reprographie, on découvre des activités assez inédites. Café où trouver de la chaleur humaine pour les retraités, centre social pour faire ses démarches administratives en ligne… À Champigny-sur-Marne, un cybercafé a installé une borne de téléconsultation pour lutter contre la désertification médicale. Quelque part, prendre le poul des cybercafés, c’est raconter un peu de notre réalité.