L’habitat autonome en milieu urbain
Indépendant, auto-suffisant, générateur de ses propres biens et services. Voici quelques mots qui permettent de qualifier l’habitat autonome, un habitat qui produit lui-même l’énergie dont il a besoin pour fonctionner, qui dispose de son propre système de gestion de l’eau, et qui peut même aller jusqu’à combler les besoins en nourriture de ses habitants. Et généralement, on associe ce type d’habitat à des milieux isolés comme la campagne, car cela va souvent de pair avec un mode de vie plus lent et plus respectueux de la nature. Pourtant, la ville a tout intérêt à s’inspirer de certaines alternatives offertes par l’habitat autonome afin de véritablement muter en ville durable. Alors est-il possible d’adapter l’habitat autonome aux exigences du milieu urbain ? Comment favoriser de telles pratiques dans nos villes ?
Un type d’habitat en inadéquation avec le milieu urbain ?
L’espace urbain est de manière quasiment intrinsèque un espace dépendant. Tout d’abord, la ville est un espace de socialisation, un espace de rencontres. Nous dépendons de ces rencontres pour générer des activités économiques, sociales, culturelles, politiques… En un mot, la ville dépend de nos interactions. De plus, la ville est structurée de telle manière que nous dépendons d’infrastructures, de réseaux. Et plus la ville s’étale plus cette dépendance augmente. L’habitat autonome en milieu urbain ne doit donc pas se penser isolément des activités de la ville mais doit épouser ses contraintes et son fonctionnement. De plus, l’habitat autonome est souvent vu comme utopiste, voire rétrograde. On l’associe à des modes de vie alternatifs, voire marginaux. Il faut donc redorer le blason de ce type d’habitat en apportant une image plus positive, centrée sur des résultats concrets. Enfin, le milieu urbain n’est pas l’endroit le plus simple pour mettre en place ces solutions alternatives. Si l’on prend l’exemple de la gestion de l’eau, difficile pour un particulier habitant un immeuble collectif de récupérer l’eau de pluie ou d’installer des toilettes sèches. L’autonomie doit davantage passer par la petite action individuelle pour s’accorder avec les législations et spécificités normatives de nos villes.
Une alternative à prendre en compte
Si la ville n’est pas le lieu naturel de l’habitat autonome, celui-ci peut (et doit) aujourd’hui être considéré comme une alternative intéressante à prendre en compte dans le cadre d’une transition vers une cité plus durable. Dans le domaine de l’énergie, on a déjà vu fleurir des immeubles pourvus de panneaux solaires ou d’éoliennes, ou encore des habitats à énergie positive. Des alternatives existent, donc, elles permettent de ne plus dépendre des systèmes traditionnels et ainsi de pouvoir pallier leurs déficiences. En revanche, si ces systèmes ne s’accompagnent pas de véritables changements de comportements de la part des usagers le résultat escompté est parfois contraire : gare à l’effet rebond ! Comment alors rendre l’usager pleinement acteur de la conduite du changement ? Comment sortir la transition écologique de l’image bobo qui lui colle trop souvent à la peau et généraliser les initiatives privilégiant des solutions alternatives ? Le design peut alors s’imposer comme un intermédiaire, un levier d’action indispensable pour engager ces mutations en s’intéressant aux réels besoins des usagers et en les adaptant au contexte particulier de la ville durable.
L’autonomie en eau : un enjeu particulier
Et c’est un à des enjeux de l’habitat autonome que Marie Pommeret, étudiante en deuxième année de cycle Master à L’École de design Nantes Atlantique, s’est intéressée pour son Projet de Fin d’Études : le cas de la consommation d’eau. « En allant à la rencontre des usagers et en me documentant, j’ai pu établir que la question de l’eau est primordiale en milieu urbain. En effet, les Français sont généralement conscients des problématiques engendrées par la consommation de l’eau, ils y sont parfois attentifs, mais surtout ils sont désireux de bien faire et d’apprendre des éco-gestes ». Marie a donc cherché à trouver des solutions pour sensibiliser la population à l’autonomie en eau en milieu urbain. Elle a ainsi proposé des solutions alliant le ludique à la pédagogie, comme un espace d’expérimentation et de mise en situation sous la forme d’un escape game pour induire des comportements responsables. Elle a également pensé à un kit d’outils et d’apprentissage des éco-gestes afin d’inciter à la réduction de la consommation d’eau sous la forme d’un challenge entre différents foyers. Enfin, elle a pensé à une installation manifeste prenant place dans les centres-villes sous la forme d’une fontaine qui retranscrirait en direct la consommation d’eau à travers la ville et rendrait lisibles des informations généralement abstraites. Il ne s’agit donc pas d’amener à l’autonomie complète mais plutôt d’induire des changements de comportements à petite échelle et de générer une prise de conscience globale mettant en avant des autres futurs possibles.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique