L’Espagne se piétonnise à grands pas
Après plusieurs expérimentations réussies et l’ouverture d’une zone sans voiture à Madrid fin novembre, le gouvernement espagnol a décidé de passer à la vitesse supérieure. Dans son projet de loi sur le changement climatique et la transition énergétique, il prévoit de limiter le trafic automobile dans les villes de plus de 50 000 habitants.
Rue piétonne – Pixabay
Vers des villes moyennes piétonnes ?
Avec 2050 dans le viseur, l’Espagne souhaite prendre des mesures audacieuses pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, notamment en terme d’urbanisme. Le pays, encore fébrile depuis la motion de censure de l’été dernier qui destituait le gouvernement Rajoy au profit du socialiste Pedro Sanchez, attend une loi sur le changement climatique et la transition énergétique. Celle-ci doit établir une feuille de route pour atteindre les objectifs de la COP21. C’est Teresa Ribera, ancienne directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) en France et désormais ministre de la transition écologique qui est en charge de projet de loi.
Dans sa dernière version, le projet de loi énonce que : « les villes de plus de 50 000 habitants intégreront dans leur planification urbaine des moyens d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre liés à la mobilité ». Autrement dit ces villes moyennes devront mettre en place d’ici 2023 des zones où la circulation des véhicules polluants est limitée. Une telle mesure impacterait 138 villes et 23 millions de personnes, soit la moitié de la population espagnole selon le journal El Mundo. En France, 125 villes seraient concernées si une législation comparable était votée.
Retour sur expérience
Baptisées « zones de basse émission », ces zones existent déjà dans quelques villes espagnoles. Depuis novembre 2018, le coeur de Madrid est limité à la circulation. Les seuls véhicules autorisés sont ceux appartenant aux résidents, les véhicules de livraison ou de tourisme à zéro-émission, les taxis et transports publics. Selon les chiffres, environ 1,8 millions de véhicules sur les 4,8 millions immatriculés dans la communauté de Madrid sont polluants. Ainsi, 38% des véhicules de la région sont concernés par l’interdiction. Le plan drastique recouvre une large superficie du cœur de la ville : 472 hectares ce qui représente environ la superficie des quatre premiers arrondissements de Paris.
Si un peu partout en Europe des mesures se mettent en place pour réduire la place de la voiture, l’ampleur du programme madrilène en fait un pionnier en la matière. L’Espagne peut en effet se vanter d’une certaine expérience en la matière : depuis 1999, la ville de Pontevedra a vidé son centre historique de voitures. D’abord meurtri de travaux, le coeur de cette ville de plus de 80 000 habitants a progressivement vu les émissions baisser de 67%. Ce réaménagement urbain massif a remplacé les chaussées et les feux de circulation par de larges voies piétonnes. Couplée à une interdiction des centres commerciaux, cette stratégie bénéficie largement aux petits commerces et a revitalisé le centre.
Chacun sa transition
Aujourd’hui d’autres villes, à défaut de se piétonnier comme Pontevedra, emboîtent le pas à Madrid. « Nous vivons aujourd’hui une révolution du vélo », a déclaré à El Pais le maire de Valence, Joan Ribó, pour promouvoir son vaste plan en faveur des voies cyclables. Un « anneau vélo » connectant entre eux les différents quartiers de la ville a été aménagé et 17 kilomètres de voies sont sortis de terre en un an. Parallèlement, la vitesse des voitures a été limitée à 30 km/h.
Un peu plus au nord, Barcelone a vu les choses en grand. Si elle emboîte le pas de Madrid en mettant en place une zone à basse émission, ses ambitions sont sans commune mesure. Aux 472 hectares du centre madrilène, la zone de basse émission barcelonaise atteindra 9 500 hectares, soit 20 fois plus. C’est simple, la quasi totalité de la ville est concernée. Pour y parvenir, la municipalité se laisse jusqu’au 1er janvier 2020, date à partir de laquelle les véhicules sans vignette (essence avant 2000 et diesel avant 2006) ne pourront pas circuler dans la ville.
Un large engouement
Avec ses 1,6 millions d’habitants, la capitale catalane prend assurément le taureau par les cornes. Elle peut heureusement compter sur un réseau de transport en commun solide, mais le défi n’en est pas moins grand. Des voix s’élèvent contre cette marche forcée, mais chose étonnante, l’Espagne y est globalement favorable : un sondage Ipsos publié en novembre estime à 63% la proportion d’espagnols en faveur des restrictions automobiles en centre-ville. En Galice, région de Pontevedra, les chiffres atteignent 78%. Parmi les moins favorables, l’électorat du Parti Populaire (PP) atteint tout de même les 42%.
Pour le journaliste américain Feargus O’Sullivan, ce large engouement pourrait être lié à la densité des villes espagnoles. Celles-ci sont en effet parmi les plus denses d’Europe après Paris. D’une part, l’exposition à la pollution y est certainement plus grande, mais les alternatives sont déjà concrètes pour les habitants. Ils trouvent déjà des transports en commun et des commerces à proximité.
Vos réactions
C’est parfois un peu léger… Dire que « les villes espagnoles (…) sont (…) parmi les plus denses d’Europe après Paris » demandent démonstration. En effet, pas davantage que le nuage radioactif de Tchernobyl, pour le sujet qui est traité, la pollution liée au trafic routier ne s’arrête aux limites municipales. Or, considérer Paris dans ses modestes 105 km2 est sans intérêt, si on ne lui ajoute pas les communes limitrophes et un peu au delà, au moins jusqu’au second périphérique que constitue l’A86. Il convient ici d’évaluer puis de comparer les densités au niveau des agglomérations françaises et espagnoles : les agglomérations toulousaine et bordelaise regroupent chacune quelques 750000 habitants mais Toulouse y pèse pour près de 500000 h, quand Bordeaux atteint à peine la moitié.
De même, c’est de cette définition des limites de la ville que découle le fait que l’article annonce qu’avec 47000000 h, l’Espagne compterait 138 villes de plus de 50000h (concernées par le projet gouvernemental), quand la France avec 20000000 h de plus n’en compterait que 125 ! Sauf à avoir un taux d’urbanisation inférieur à l’Espagne (ce n’est pas le cas), on ne voit guère comment on arrive à un tel nombre.