Les “trucks” dans la pop-culture #2 : le camion comme symbole de la ville agile ?

Derrière chaque truck se cache un réaménagement possible - Crédits Gerry Dincher sur Flickr
16 Fév 2016

Dans un premier billet, on vous présentait la place du truck – ce gros camion à l’américaine – dans la pop-culture traditionnelle locale. Si nous avons souhaité commencer par le film de zombie, véritable pilier du genre, nous ne pouvions évidemment pas nous arrêter là, tant le cinéma fourmille d’exemples à creuser. Le camion / forteresse que nous évoquions n’est en effet pas le seul archétype qui nous intéresse. D’autres tout aussi créatifs y voient le jour, et c’est ce que nous nous apprêtons à découvrir avec notre deuxième exemple…

Derrière chaque truck se cache un réaménagement possible - Crédits Gerry Dincher sur Flickr

Derrière chaque truck se cache un réaménagement possible – Crédits Gerry Dincher sur Flickr

#2 “The Mammoth Car” dans Speed Racer, par les Wachowski

L’autre figure culte incarnée par les trucks dans la pop-culture est celle du camion lambda d’apparence, mais dont l’intérieur cache un aménagement particulier. De ces véhicules coffres-forts, la culture populaire raffole. L’artifice scénaristique fonctionne toujours, et si cela permet d’être créatif, pourquoi les cinéastes se l’interdiraient-ils ?

Dans cette catégorie, nous n’avons ni choisi le camion à glace / armurerie vu dans Southland Tales (2007), ni le semi-remorque / studio de films érotiques aperçu dans The Divine Move (2014). C’est finalement le long camion rouge de Speed Racer (2008), accommodé en bureau par l’un des méchants du film, qui nous a tapé dans l’œil.

Quoi de mieux, en effet, pour un magnat de l’industrie automobile, que d’installer son Quartier Général dans un véhicule ? Si le concept n’a rien à envier à l’architecture-canard la plus sommaire, l’ameublement intérieur est pour le moins détonnant. D’apparence, le rutilant “Mammoth Car” est on ne peut plus kitsch : images de synthèse, néons et fentes mitrailleuses sur le pare choc à l’appui. A l’inverse, son intérieur témoigne d’un certain goût. Décoré comme un bureau bourgeois traditionnel, ses boiseries, peintures classiques et appliques murales dégageant une lumière tamisée lui donnent une allure chaleureuse de boudoir. Le contraste est donc inattendu et ne fait qu’ajouter une touche d’humour au vernis « pop » de ce film haut en couleurs.

Le truck transformiste pour la ville (française) de demain ?

Au-delà de leur fonction première, les trucks se voient donc travestis de différentes manières dans les œuvres de fiction. Rappelons que si le phénomène est purement américain, les États-Unis ne sont pas les seuls à avoir exploité cette figure mobile toute particulière. Et si la France possédait dans ses archives télévisuelles l’une des plus belles réappropriations de camion jamais réalisées ? Nous ne pensons pas ici à un film mais à une émission de TV lancée sur nos écrans en 1993 et achevée en 2014 : “C’est pas sorcier”, bien évidemment. Tous les enfants des années 1980-1990 (et plus) connaissent ainsi ce prodigieux magazine de vulgarisation scientifique hebdomadaire…

Les générations concernées reconnaîtront le générique entêtant de “C’est pas Sorcier”

A la fois mascotte et lieu de tournage d’une grande partie des séquences de l’émission, le camion y jouait un rôle primordial. En effet, les scènes d’explication et d’expérimentation opérées par l’un des présentateurs sont bel et bien censées se dérouler à l’intérieur de ce truck à la française. Le principe est donc simple :

Frédéric Courant ou Sabine Quindou, sur le terrain, visitent des laboratoires, des mines, des monuments, interviewent des spécialistes et introduisent les questions auxquelles Jamy Gourmaud devra répondre. Jamy présente les explications théoriques à l’aide de maquettes et d’expériences à bord d’un camion-laboratoire de la marque américaine Kenworth” – sur Wikipédia

Pour des raisons pratiques, il semblerait que certains épisodes aient en fait été tournées en studio, et non dans ce labo mobile… Quoiqu’il en soit, C’est pas sorcier a vivement alimenté l’imaginaire du truck français, et demeure encore de nos jours une référence incontestable. Du reste, le camion venu des États-Unis est une tendance on ne peut plus en vogue depuis quelques années dans l’Hexagone, notamment d’un point de vue commercial :

«“Les premiers trucks avaient un côté branchouille, très événementiel”, souligne Vincent Grégoire, tendanceur à l’agence Nelly Rodi. “Mais ces solutions alternatives ont de plus en plus de succès. Depuis la crise, le consommateur s’ennuie dans les boutiques, il a besoin qu’on vienne le chercher en ayant envie aussi de proximité.” Les food trucks sont implantés dans toutes les grandes villes de France, les estafettes qui vendent de la «beauty» ou de la «fashion» font des tournées à travers le pays… Et le principe se décline à l’infini. Glacier, flower truck et même arty truck qui propose des expositions d’artistes et créateurs. “Les trucks offrent des possibilités multiples, qui peuvent répondre aux désirs du consommateur quand il veut, où il veut. A l’avenir, on va voir se multiplier ces services en camion…”»

Ces observations recueillies par Libération en 2014 vont plutôt bon train, encore aujourd’hui. L’année dernière, la Mairie de Paris accordait notamment l’exploitation commerciale à 56 food trucks sur ses trottoirs. Dans ce contexte, le prochain appel à proposition se déroulera en mai prochain, date anniversaire de l’opération. Les camionnettes à burgers n’ont certes rien à voir avec les poids lourds étasuniens mais, au moins, le vocabulaire et l’imaginaire entrent petit à petit sur notre territoire !

Pour aller plus :

{pop-up} urbain
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