Les tendances socioculturelles liées à « Réver(cités), villes recyclables et résilientes »
Face à la croissance démographique mondiale, l’exode rural — notamment dans les pays émergents — et la pression migratoire, la ville de demain va devoir répondre à différents défis qui détermineront ses capacités à s’adapter et se réinventer.
Premier défi : la ville étalée
L’accroissement exponentiel de la population urbaine entraine l’inexorable étalement de ce que l’on appelle la « ville diffuse », ville caractéristique du tournant du XXe siècle. L’étalement urbain distend et spécialise les liens sociaux, enclave et isole les territoires, ronge les terres agricoles et les massifs forestiers. Il réduit la biodiversité et accroît les pollutions. Il dissout même la culture urbaine.
Deuxième défi : la ville écologique
Avec l’accélération du réchauffement climatique et l’épuisement des ressources naturelles,l’écologie est devenue une question cruciale qui demande aux villes de se monter résilientes* pour réussir une transition écologique désormais nécessaire et urgente. La « course aux ressources naturelles » est la face noire de la compétition entre les métropoles.
Troisième défi : la ville des flux spatio-temporels
L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi que l’apparition des nouveaux modes de vie engagent nos sociétés vers des dimensions spatio-temporelles inédites qui se superposent et auxquelles la ville doit s’adapter : temps longs, temps courts, gestion des flux en temps réels. Le « court-termisme » accélère les mutations des espaces urbains au détriment de leur dimension culturelle ou historique, qui relèvent nécessairement du « temps long ».
Quatrième défi : la ville collaborative
L’ère de la post-industrialisation a favorisé une tertiarisation urbaine sans partage. Mais aujourd’hui les nouveaux modèles économiques participatifs et collaboratifs qui émergent dotent la ville d’un nouveau tissu productif plus flexible, humain et collaboratif.
Face à ces paradigmes socio-culturels émergents, la ville contemporaine devient un écosystème évolutif, toujours plus complexe et qui doit plus que jamais faire preuve d’agilité : s’adapter, évoluer en permanence pour répondre à ces enjeux majeurs, comme aux besoins de la condition humaine. Nous présenterons dans cette étude, un panorama de quelques tendances prospectives qui montre, à travers des initiatives innovantes, comment la ville en mutation s’adapte pour répondre à ces défis.
En voici quelques extraits :
LA VILLE FLEXIBLE A PLUSIEURS RYTHMES : ACCÉLÉRATION VS SLOW
Les nouvelles technologies de l’information nous affranchissent des contraintes spatio-temporelles et accélèrent nos rythmes de vie. Communication instantanée, information en « temps réel », notre rapport temporel à la ville est en train de changer radicalement. La ville devient « fluide » pour mieux répondre aux besoins du citadin nomade et hyper-connecté. Grâce à l’utilisation des données urbaines (Big Data), l’environnement devient « intelligent » et permet de prévoir et d’anticiper le futur (itinéraires, gestion des flux, etc.). En quête à la fois d’un futur mieux « contrôlé » et d’un présent flexible, les individus souhaitent planifier mais aussi pouvoir bifurquer, ré-agencer et garder les options ouvertes à tout moment. Face à cette dictature de l’urgence et de l’immédiateté, le mouvement Slow fait de plus en plus d’adeptes. Ralentir, renouer avec des rythmes naturels et humains, prendre le temps de faire une pause, la ville doit aussi offrir aux citadins des espaces de déconnexion, de contemplation pour mieux jouir de l’instant présent. Elle doit aussi maintenir les liens culturels avec le passé.
LA VILLE VERTUEUSE POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
L’urbanisation actuelle est arrivée à un tournant décisif. Devenues des véritables gouffres énergétiques, les villes contemporaines sont en pleine mutation écologique. Face au changement climatique, les Etats se sont engagés à réduire, dès 2020, de 20 % la consommation d’énergie.
Pour répondre à ces nouveaux enjeux d’une manière efficace et performante, la ville durable doit créer une pratique de solutions résilientes, à la fois évolutives et adaptables, autour de trois axes majeurs :
- La ville verte. Réinsérer de la nature en ville pour recréer de la biodiversité et donner aux êtres urbains un lien avec la nature.
- La ville frugale. Stop au gaspillage, la ville se révèle dans la sobriété énergétique, et dans une moindre empreinte sur les espaces naturels des alentours.
- La ville résiliente*. S’adapter aux changements climatiques (montée des eaux, hausse des températures, grande sécheresse, etc.)
LA VILLE CREATIVE & RÉCRÉATIVE
Basée sur des rapports horizontaux entre les individus, l’économie collaborative change les règles traditionnelles du commerce pour offrir plus de flexibilité. Initiatives collectives ou individuelles, les acteurs se multiplient et deviennent protéiformes. De nouvelles dynamiques spontanées se mettent en place à laquelle l’espace urbain va devoir répondre. Parallèlement, inspiré par la Silicon Valley californienne, l’esprit « Start-Up » ravive le caractère émancipateur de l’entreprise : celle qui crée et permet d’avoir un impact positif sur la société et qui assure l’autonomie et l’épanouissement des individus. Des micro-entreprises apparaissent, grandissent ou disparaissent comme des organismes vivants à l’intérieur de l’espace urbain.
Portées par la connectique, elles rendent obsolètes les espaces spécialisés, inspirés – mais mal appliqués – par la Charte d’Athènes, que sont les centres commerciaux et les zones industrielles des « Trente Glorieuses ». Le commerce retrouve les centres villes et porte le développement des circuits courts, il réduit l’empreinte écologique de l’économie libérale, il renoue le lien entre le producteur et le consommateur.
Un nouveau cadre évolutif sur lequel la ville devra miser demain si elle veut être attractive. De plus, les évolutions technologiques ouvrent l’ère des Makers où tout un nouveau tissu de production industrielle à petite échelle est en train d’émerger. Inspiré par l’innovation Jugaad, de nouveaux modèles ingénieux se développe avec comme motto « faire mieux avec moins » où l’art de la débrouille et de l’expérimentation sont à l’honneur. Enfin, la « ville créative », elle aussi interroge la capacité de la scène artistique à conférer une plus-value symbolique et économique à la ville. De la « ville patrimoniale » à la « ville créative », l’histoire — une histoire révélée et partagée — est un chaîne dont la ville résiliente est un maillon. Des enjeux pour lesquels la ville devra s’adapter demain.
* La résilience urbaine, est définie par « la capacité des individus, des communautés, des institutions, des entreprises et des systèmes à survivre, s’adapter et croître, quels que soient les types de tensions chroniques et de crises aiguës qu’ils subissent. » Source