Les téléphériques urbains, la mobilité de demain ?
Brest, Medelìn, La Paz, New York ou encore Londres, le téléphérique urbain a séduit de nombreuses municipalités : désenclavement de quartiers, désengorgement des flux, le téléphérique semble avoir beaucoup d’avantages. De nombreuses métropoles françaises, comme Toulouse, Grenoble ou encore le Grand Paris ont d’ailleurs choisi d’investir dans cette mobilité. Alors, le téléphérique urbain, une solution pour demain ?
De l’Amérique du Sud à Brest, le téléphérique urbain comme modèle vertueux
En plus d’une cinquantaine d’années, le téléphérique semble bien avoir changé de vocation première : traditionnellement installé dans les stations de ski ou utilisé pour desservir des monuments historiques, comme la Bastille de Grenoble, le téléphérique faisait office d’attraction touristique, transportant skieurs et visiteurs d’un point A à un point B. Désormais, le téléphérique se fait de plus en plus urbain. Il est devenu dans un certain nombre de métropoles mondiales un mode de déplacement indispensable à de nombreux urbains. Mais alors, pourquoi le téléphérique urbain a-t-il réussi à séduire des villes aux particularités variées ?
Tout d’abord, parce que dans une époque où les questions de mobilités sont au cœur de nombreuses politiques urbaines, le téléphérique urbain possède de nombreux avantages. C’est l’un des modes de transport les plus écologiques au monde : il émet en effet aucune émission de CO2 puisqu’il fonctionne exclusivement à l’énergie électrique. Les cabines qui transportent les passagers sont tractées par des câbles actionnés via des mécanismes électriques. Il ne participe qu’à un minimum à l’artificialisation des sols, souvent l’un des principaux fléaux de l’aménagement urbain, puisque son emprise au sol se limite aux pylônes et aux gares d’arrivée et de départ.
De plus, son coût d’installation et de fonctionnement est l’un des plus faibles, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord. L’installation d’une ligne de téléphérique est en effet 30% moins chère que la construction d’une ligne de tramway.
Mais le téléphérique est surtout l’un des seuls modes de transport qui permet de s’affranchir de fractures urbaines, qui peuvent parfois se révéler être de réels obstacles dans l’aménagement et la mise en place de système de transport performant au sein des villes. C’est par exemple le cas à La Paz, capitale Bolivienne la plus haute au monde, où l’installation de son premier téléphérique en 2014 a permis de relier le centre de la capitale (3500 m d’altitude) à la ville voisine d’El Alto (4000 m d’altitude et son million d’habitants) jusqu’à présent déconnectée de son territoire. Aujourd’hui, La Paz possède le plus grand réseau de téléphérique du monde avec 5 lignes et 160 000 passagers quotidiens desservant les banlieues de la capitale dissimulées dans un relief escarpé.
Sa voisine, Medellìn en Colombie, a elle-aussi misé sur le téléphérique urbain pour désenclaver certains des quartiers les plus défavorisés : avec 40 000 voyageurs quotidiens, la liaison avec le centre-ville a donné un second souffle à ses quartiers autrefois reclus.
Plus proche de chez nous, en France, c’est la ville de Brest qui a été la première à installer un système de transport en commun dans les airs. En effet, en 2016, la ville se dote d’un téléphérique permettant la traversée du fleuve Penfeld et reliant les quartiers de Siam et des Capucins, autrefois coupés du reste de la ville. Brest reste cependant une exception française dans l’adoption de ce mode de transport urbain. Pourtant, lors de son inauguration, de nombreux élus, dont la ministre de l’Ecologie, avaient vanté ses nombreuses qualités vertueuses, s’inscrivant dans la logique de transformation des mobilités initiée par la loi Grenelle de l’environnement de 2009.
Une solution pour les mobilités françaises ?
Quatre ans après son apparition sur le territoire français, le téléphérique commence à séduire de plus en plus de municipalités : en effet, ce sont actuellement une vingtaine de projets d’installation de téléphériques urbains qui sont à l’étude, dont 13 en Île-De-France, où la densité d’infrastructures routières et ferroviaires empêche bien souvent la mise en place de transports communs efficaces pour relier les différents équipements répartis sur ce vaste territoire. Le projet de Cable A-Téléval est l’un des plus emblématiques : inauguré fin 2021 ou début 2022, ce téléphérique permettra la liaison de 4,5 km, de Créteil à Villeneuve-Saint-Georges, en moins de 17 minutes dans des cabines transportant une soixantaine de passagers, de quoi gagner du temps sur les embouteillages récurrents du périphérique parisien.
Plusieurs métropoles françaises investissent également dans l’installation d’un téléphérique comme à Toulouse et son Aérotram, Grenoble et sa liaison avec le Vercors à Orléans, ou encore à Saint-Denis de la Réunion avec son projet de Cinor. Mais la mise en place d’un téléphérique est souvent un fastidieux projet : les projets de liaisons sont la cible de nombreuses contestations, notamment habitantes. L’installation de pylônes dans le paysage ne plaît pas forcément à tous, d’un point de vue esthétique, mais également pour le respect de la vie privée, les cabines passant au dessus des jardins des riverains. C’est d’ailleurs pour ces raisons que la ville d’Issy-Les-Moulineaux avait dû, en 2008, avorter son projet d’installation.
L’installation d’un téléphérique et son bon fonctionnement impose aux municipalités, ce qui peut parfois en freiner certaines, de la concevoir au sein d’un plan multimodal performant : les gares du téléphérique doivent être reliées à d’autres modes de déplacements (tramways, lignes de bus, pistes cyclables…) et d’équipements (parkings à voitures, gares…) permettant alors aux passagers de continuer leur trajet.
Et si demain, c’est par les airs que nous nous déplacerons ?
Les espaces urbains sont plus que jamais saturés et denses et il devient de plus en plus difficile d’aménager la ville. Une nouvelle tendance s’empare donc des systèmes urbains, celle de la course à la verticalisation. Il n’y a plus de place au sol ? Construisons dans le ciel. Et si cette logique ne serait-elle pas aussi en train de s’emparer de nos modes de déplacement ? Lignes de trains suspendus à Tokyo, téléphériques en France, nous nous emparons des airs pour promouvoir une mobilité plus fluide et agréable. Ces nouveaux modes de déplacement offrent surtout un nouveau point de vue sur la ville, un point de vue en hauteur, qui peut permettre aux usagers de se déconnecter de l’effervescence présente au sol des métropoles. Encore faut-il que ces modes de déplacements vertigineux n’en effraient pas plus d’un !