Les « super-îlots », l’astuce de Barcelone pour rendre la ville à ses habitants
Les « super-îlots” sont des quartiers dans lesquels la voiture est interdite et qui permettent aux habitants de se réapproprier l’espace public, notamment aux intersections, en multipliant la surface des zones piétonnes dans la ville.
Toutes les grandes métropoles, dans le monde, sont concernées par l’obligation de réduire la pollution atmosphérique en ville. Avec une population estimée à 1,6M d’habitants, une densité automobile d’environ 7 000 véhicules par km2 et 60% de son espace public dédié à la voiture, Barcelone ne fait pas exception à la règle.
Face à ce sujet, la capitale catalane a réagi au début des années 2010 avec un nouveau plan de mobilité urbaine ayant pour objectif de diminuer le trafic automobile de 21%. Pour y parvenir, la métropole a misé sur un large panel de mesures. Celles-ci comprenant, par exemple, l’extension de son réseau de transports en commun ou encore la suppression de certaines places de stationnements. Mais une des mesures phares de ce plan concerne surtout le déploiement du modèle des “super-îlots”, qui permet à la ville de capitaliser sur son urbanisme atypique, la ville étant composée d’axes routiers formant une multitude de carrés.
Les super-îlots, qu’est-ce que c’est ?
Le concept de super-îlots a été développé dans le cadre du plan de mobilité urbaine de Barcelone pour encourager un modèle de ville plus durable, avec moins de dépendance à l’égard de la voiture et plus d’espaces publics conviviaux. Ils sont considérés comme un moyen innovant de repenser l’utilisation de l’espace urbain et de promouvoir la mobilité durable dans les zones urbaines denses.
Au sein d’un super-îlot, la circulation reste autorisée mais est limitée à 10 km/h. Elle est globalement réservée aux résidents, aux services d’urgence et aux véhicules de livraison. D’autre part, le stationnement en surface y est banni, seules les places de parking en souterrain ou dans les bâtiments étant autorisées. De fait, ces espaces sont majoritairement piétons et favorisent des aménagements doux : des places publiques, des espaces culturels, des terrasses de café, des aires de jeux pour enfants, des jardins, des bancs et autres espaces permettant la rencontre, la création de lien social et le bien-être en ville.
Il existe actuellement 6 super-îlots à Barcelone, mais la municipalité a déjà identifié plus de 120 intersections qui pourraient être pertinentes pour déployer ce modèle à l’avenir. Au total, cela permettrait de multiplier par dix la surface des aires piétonnes à Barcelone, de 74 à 750 hectares. Un véritable gain de bien-être en ville et une manière de faire respirer les habitants avec davantage d’espaces verts, mais aussi beaucoup plus de points de rencontre. Et ce sont là les deux principaux avantages de ces îlots piétons.
Favoriser la convivialité en ville
Prenons l’exemple du super îlot de Poblenou, à quelques pas de la Sagrada Familia. Depuis sa création, la surface des espaces verts a doublé dans ce quartier, tandis que les espaces piétons ont gagné 13 hectares. La création de cet îlot a permis de diminuer le trafic automobile de 58% dans le quartier. Grâce à celà, des espaces de vie ont pu être mis en place et le nombre de commerces locaux a grimpé de 30%. Des conséquences intéressantes qui ont permis à ce quartier de recevoir le Prix européen de l’espace public urbain en 2018.
Évidemment, pour que celà fonctionne, il faut aussi adapter correctement les infrastructures de la ville en dehors des fameux “îlots”. L’une des principales craintes des opposants à ces projets étant notamment que le trafic automobile soit beaucoup plus dense sur les axes restant ouverts au trafic à cause d’un effet mécanique de report.
Cependant, ce report n’est jamais systématique en raison de ce que les urbanistes appellent “l’évaporation du trafic” qui veut que de nombreux automobilistes soient simplement opportunistes. Autrement dit, lorsque la circulation automobile est facile d’accès, ils prennent leur voiture, mais si les conditions sont plus faciles autrement, ils se reportent sur d’autres modes de transport.
En l’occurrence, les urbanistes de Barcelone ont calculé qu’une baisse de la part modale voiture de 13% à l’échelle de la ville était suffisante pour atténuer le report du trafic sur les axes principaux. Raison pour laquelle la mise en place de ces zones piétonnes doit s’accompagner d’efforts sur l’offre de transports en commun et de mobilités douces.