Les parkings urbains : comment passer d’une logique mono-fonctionnelle à un équipement multi-usages ?

Sven Mieke sur Unsplash
27 Jan 2022 | Lecture 4 min

La mobilité urbaine est encore aujourd’hui grandement rythmée par les voitures, et, de fait, l’aménagement d’une ville doit systématiquement intégrer de nombreux parcs de stationnement. De la nécessité d’ancrer nos territoires dans des dynamiques de transition à la réinvention de nos espaces urbains intégrant de plus en plus une logique multi-fonctionnelle et évolutive, les parkings tendent à se transformer dans leurs formes et par le rôle qu’ils entretiennent en ville. Entre nouvelles mobilités décarbonées et intermodalité, à quoi pourraient bien ressembler les parkings urbains de demain ? De quelle manière  les politiques publiques et les projets urbains peuvent-ils accompagner leur évolution ?

Repenser la place de la voiture en ville et le stationnement

En France, l’automobile est assurément le mode de transport le plus utilisé. Mais qui dit voiture, dit stationnement et c’est pourquoi le marché français compte parmi les plus développés d’Europe avec plus de 2,7 millions de places de stationnement régulé, dont 1 300  000 places payantes sur l’ensemble du territoire métropolitain. Avec 52% de places sur voiries, les automobiles stationnées sont omniprésentes dans nos villes. Pourtant,  l’urbanisation croissante et l’augmentation du nombre de véhicules en circulation ces dernières années nécessitent encore de développer le marché du stationnement. C’est pourquoi, de plus en plus de villes misent sur la création de nouveaux parkings.

Parallèlement, en lien avec les enjeux de transition écologique, les élus locaux invitent, sinon contraignent, à la réduction de l’usage de la voiture dans les centres urbains. La densification urbaine et l’évolution des usages favorisent de nouvelles formes de mobilités, multimodales et hyperconnectées. Dans ce nouveau contexte, le stationnement devient un enjeu stratégique pour réduire la congestion automobile en ville, favoriser la santé des citadines et citadins et fluidifier les parcours habitants. Les parkings se transforment ainsi en de véritables hubs de stationnement. Plus sûrs, propres et lumineux, ils doivent désormais constituer des relais entre la périphérie et la ville, être des halls d’échange vers d’autres modes de transport et diversifier leurs offres afin de répondre plus largement aux besoins des urbains.

Concevoir les parkings comme de véritables espaces publics

Le marché du stationnement en France se renouvelle ainsi progressivement et les parkings changent particulièrement de forme et de nature. Jusqu’ici réservés aux automobiles, ils intègrent désormais des espaces de stationnement pour les mobilités douces (portes-vélos/trottinettes, casiers à caques, espaces poussettes…) et des bornes pour le rechargement des véhicules électriques (automobiles, vélos, trottinettes…). Ces derniers font également leur révolution numérique. Des détecteurs optimisent l’occupation des places et les parcours des usagers sur les différents niveaux de stationnement. Les parcs sont recensés sur des applications et plateformes d’inter-mobilité.

StephanieAlbert sur Pixabay

StephanieAlbert sur Pixabay

L’emplacement et la morphologie des nouveaux parkings sont eux aussi optimisés par les urbanistes et architectes. Ainsi, les parkings silo et parc relais (P+R) fleurissent par dizaine en périphéries des villes, sur des entrées urbaines stratégiques, à proximité de stations de transports en commun. Ces nouveaux parkings participent ainsi à la construction de quartiers apaisés. En outre, pour lutter contre la vacance temporaire des parkings, les places font de plus en plus souvent l’objet de conventions de mutualisation, entre particuliers, entre copropriétés et entreprises ou par le biais de concessionnaires. L’occupation des places s’accorde ainsi aux rythmes des migrations pendulaires : en quittant sa résidence au matin un habitant du quartier laisse son stationnement à une personne travaillant sur place, et en fin de journée, il le reprend pour la nuit tandis que l’autre regagne son foyer.

Les parkings contemporains invitent ainsi à de nouveaux usages, plus diversifiés, apaisés et décarbonés. En cela, le parc de stationnement, propriété publique à 85%, devient plus inclusif et renoue avec son caractère oublié d’espace public. Et pour marquer ce renouveau, les parkings contemporains adoptent une nouvelle esthétique : plus lumineux et aérés, ils se parent de nouvelles couleurs et de matériaux plus riches et qualitatifs. La rénovation du parking musée de Saint-Gervais-les-Bains en Haute-Savoie, véritable galerie d’art, en témoigne, les parkings ne se résument plus à des aires bitumées, grises et monotones.

(Re)Découvrez la vidéo de Fenêtre sur la Ville sur la reconversion des parkings en cliquant juste ici !

Rendre possible de nouvelles appropriations des espaces de stationnement

En plus de permettre une mobilité plus diversifiée et décarbonée, les parkings font également l’objet de reconversions pour permettre des appropriations urbaines qui dépassent le secteur de la mobilité. Aussi, en lien avec l’impératif de réduire la place de la voiture en ville et l’enjeu d’offrir aux citadins des services de proximité, les parkings accueillent de nouvelles activités et favorisent le déploiement de nouveaux usages.

L’immeuble inversé du Grenier Saint-Lazare à Paris, lauréat de l’appel à projet Réinventer Paris 2, a par exemple été reconverti en un espace de logistique vélo tourné vers le quartier. Les étages en sous-sols font désormais office de lieux de stockage, une aire de manutention mutualisée entre diverses entreprises locales a été installée. Dans les étages supérieurs une déchetterie et une recyclerie ont pris place. Avec le développement d’activités décarbonées, l’agriculture fait également une apparition en ville. La ferme urbaine La caverne a pris ses quartiers dans un parking désaffecté à Porte de la Chapelle. Elle propose aux Parisiens des champignons et des endives, cultivés à Paris, en agriculture biologique.

Zones logistiques, fermes urbaines, dépôts-vente, espaces de coworking, lieux de création artisanale, artistique et culturelle, le développement de nouveaux usages laisse à voir la diversité des reconversions possibles pour les espaces de stationnement, et plus que cela, il guide  la conception des nouveaux parkings. Car si la demande de stationnement continue à croître, les villes demandent déjà que les nouveaux parkings puissent s’adapter à la progressive réduction de la place de la voiture en ville et puissent aisément accueillir d’autres activités. Dans cette perspective, les expérimentations de reconversion sont une richesse pour la conception de parkings évolutifs.

En effet, des difficultés liées à l’isolation thermique et acoustique des sites, l’éclairage, le chauffage et l’accessibilité des anciens parkings sont au fondement de la nouvelle architecture des parkings en construction aujourd’hui. Ces derniers doivent ainsi être plus lumineux, aériens et vitrés, prévoir un raccordement en eau, électricité et chauffage et permettre une reconversion rapide pour l’isolation, l’aménagement de sanitaires et l’habitation des lieux. Les parkings neufs sont ainsi déjà conçus pour évoluer et accueillir des usages diversifiés. Certains parkings sont d’ailleurs multifonctionnels dès leur livraison. À ce titre, l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes (ENSAN), imaginée par les architectes Lacaton et Vassal, est à la fois un parking silo, un espace public et un lieu de formation, de création et d’exposition.

Pexel sur  Pixabay

Pexel sur  Pixabay

Et les parkings urbains de demain ?

Finalement, pour accompagner la transition écologique des villes, les parkings changent de formes et accueillent de nouveaux usages, tournés vers une mobilité décarbonée et des activités de proximité. Adaptables, multifonctionnels et appropriables, ils répondent à des demandes citadines plurielles, qui dépassent le besoin périssable d’espaces de stationnement automobile en ville. Pour accompagner l’évolution des parkings, les villes développent leur offre en transports alternatifs, fondent des espaces publics continus et esthétiques et travaillent sur la qualification des besoins de demain des habitants. Aussi, dans la reconversion et la conception des parkings de demain, le recours aux dispositifs de concertation usagers et sociétés d’assistance à maîtrise d’usage (AMU) s’impose comme un mode de travail prospectif nécessaire pour servir au mieux les appropriations habitantes et usages urbains futurs.

LDV Studio Urbain
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