Les nouvelles formes du logement étudiant
Face à l’augmentation massive du nombre d’étudiants (plus 75% entre 1990 et 2023), les politiques publiques lancent, en partenariat avec le CNOUS, une campagne d’expérimentations pour rendre le logement étudiant plus désirable et plus abordable.
Comme chaque mois, plongez dans le futur de la ville avec notre série “Habiter 2035”, où l’on vous dresse des scénarios possibles pour la prochaine décennie. Retenez votre souffle, immersion dans 3, 2, 1 …
Le cours du CROUS
Comment dire au directeur du CROUS qu’en pleines vacances d’été, un afflux soudain de candidatures a fait planter la plateforme d’inscription et que le site sera en panne jusqu’à la rentrée ? Il faudrait d’abord lui expliquer que pendant les congés, la vidéo d’une étudiante vantant le design de sa chambre a buzzé sur TikTok. Certes, cela voudrait dire que les rénovations mises en œuvre depuis un an avec des architectes ont été un succès auprès des résidents. Mais alors, il faudrait aussi révéler au directeur ce qu’a découvert l’administrateur : face à la très forte demande, des étudiants ont mis en ligne des annonces sur Leboncoin sous-louant leur chambre à prix d’or. Ce matin, un couple de trentenaires a même débarqué devant la résidence étudiante St-Jacques avec un camion de déménagement chargé à ras bord…
Scénario possible ou récit de science-fiction ? Analyse.
Lieu de travail, de repos, d’alimentation et de sociabilité, le logement étudiant est un tout pour ses résidents. Il détermine leur bien-être et la qualité de leurs études. Si la surface minimum des chambres était traditionnellement de 9 mètres carrés, elle évolue avec les réglementations et jurisprudences. La région Île-de-France fixe un seuil minimum de décence à 14 mètres carrés tout en conseillant plutôt 18 mètres carrés. L’OMS fixe le sien à 12 mètres carrés. Mais comment adapter une vieille résidence aux nouvelles obligations ? Alors que le nombre de demandes ne baisse pas et que le portefeuille des étudiants ne grossit pas, regrouper les chambres pour en augmenter la taille signifierait perdre une partie de la capacité d’accueil et fragiliser le modèle économique des CROUS.
Bien-être et bien étudier
C’est pour répondre à cette équation qu’en 2019, l’École des Arts Décoratifs inaugurait sa chaire « mutation des vies étudiantes » en association avec les CROUS. Depuis quatre ans, deux designeuses et une architecte pilotent un travail de recherche action autour de l’habitat étudiant et de ses transformations sur le campus de Cachan et la résidence St-Jacques à Paris. Résidents et personnels du CROUS sont actifs dans l’expérimentation, ils contribuent à repenser les espaces et les rôles de chacun.
Avec l’accord de leur occupant, trois chambres ont servi de laboratoires pour tester des ambiances ou des systèmes de rangement modulables et ainsi mieux comprendre les ressorts de l’appropriation d’une chambre. Des espaces autogérés ont été créés, pour réviser, faire du sport ou se détendre… Des postes de designer-régisseurs ont été testés auprès du personnel, pour accompagner les étudiants dans leur nouveau lieu de vie. Après tout, les jeunes adultes arrivent tout droit de chez leurs parents et ne savent parfois pas faire le ménage, la cuisine ou leurs lessives. L’idée ici est d’inverser le prisme habituel qui veut que l’occupant détériore son logement, alors qu’il peut tout à fait être celui qui l’entretient et l’améliore. Et qui sait, peut-être qu’un jour les logements du CROUS seront à la pointe de l’architecture ?