Les nouvelles formes de travail : quel(s) impact(s) sur l’espace urbain ?
Aller au bureau. Si pour une grande majorité de Français aller au travail demeure un déplacement vers un lieu fixe, il se pourrait que dans les années à venir ce phénomène tende à décroître. Car le salariat classique a de moins en moins le vent en poupe. L’augmentation de la précarité de l’emploi couplée aux facilités accordées par le régime d’auto-entrepreneur pousse de plus en plus de Français à envisager le travail autrement. Qu’on les appelle multi-actifs, slashers ou encore serial-jobers, ce sont aujourd’hui 4,5 millions de Français qui cumulent plusieurs activités, dont 500 000 sont à la fois salariés et indépendants. Mais l’arrivée de ces nouvelles formes de travail se fait-elle sans conséquences ? Comment impacte-t-elle notre espace urbain ? Pourrait-on davantage s’adapter à ces modes de fonctionnement émergents ?
Ville et travail : des liens très forts
L’organisation d’une ville ne dépend pas que de volontés politiques ou d’envies urbanistiques. Nos modes de travail sont eux aussi des ingrédients essentiels à la fabrique des villes. Ce sont eux qui génèrent des flux, qui sont à l’origine de la création de quartiers (qu’ils soient dédiés au secteur industriel ou au tertiaire), qui favorisent les services et activités annexes. Dans certaines villes, le lien entre mode de travail et espace urbain est si fort que la crise professionnelle entraîne une crise urbaine, on pense bien sûr à Detroit et à son déclin suite au recul du secteur industriel. Aujourd’hui, le travail est en (r)évolution. Et de fait, la ville mute pour correspondre aux nouvelles attentes. Le travail se fait plus diffus et moins concentré dans un lieu fixe : on travaille de chez soi, on investit les tiers-lieux, les espaces de co-working… Pour d’autres, le travail est synonyme de mobilité et ce sont les temps de transport ou de transit qui deviendront autant d’heures d’activités. La frontière sphère professionnelle/ sphère privée s’atténue et, avec, c’est la séparation entre lieux dédiés au travail et les autres lieux qui s’amenuise.
Nouveaux lieux, nouvelles fonctions
Les révolutions dans le monde du travail amènent à repenser les espaces. Nos traditionnels bureaux sont les premiers à muter, pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, on voit apparaître, par exemple, les multi-spaces (espaces de travail centrés sur le bien-être des usagers pour favoriser l’intelligence collective). D’autres entreprises font le choix de mêler complètement vie privée et vie professionnelle, comme Google ou Facebook et leurs complexes hybrides qui peuvent autant faire rêver que rebuter. Pour les travailleurs indépendants, les solutions se multiplient et un certain nombre d’espaces adaptés voient le jour, permettant ainsi de répondre à des besoins en termes de mobilité ou encore de services. L’apparition de ces tiers-lieux est même désormais vue comme une opportunité pour les territoires ruraux : ils pourraient pallier le manque d’activités en permettant à des entrepreneurs de s’y installer, règleraient des problèmes de mobilité et garantiraient un meilleur maillage du territoire.
Le designer au service de ces nouvelles formes de travail
La ville et ses traditionnels espaces de travail sont donc amenés à évoluer face à l’apparition de nouvelles formes de travail. Quels rôles peut jouer le designer dans ces changements ? Comment peut-il contribuer à la meilleure qualité de vie de ces usagers ? C’est à ces questions que Margaux Le Gal, étudiante en deuxième année de cycle master Ville durable à L’École de design Nantes Atlantique, tente de répondre dans le cadre de son Projet de Fin d’Études. Elle s’est particulièrement intéressée au cas des travailleurs multi-actifs et, suite à des rencontres et ateliers en mode design thinking, elle a constaté qu’une de leurs problématiques récurrentes était la gestion du temps. « L’articulation entre vie privée et vie professionnelle ainsi que la mobilité liée aux nombreux déplacements ou à l’absence de bureau fixe génère des problèmes d’organisation. J’ai ainsi choisi d’axer mon travail autour de la question de l’amélioration de la relation au temps des multi-actifs pour mieux articuler vie professionnelle et vie privée ». Son travail s’organise autour de plusieurs axes : l’acceptation du rythme particulier par l’entourage pour réduire la charge mentale, la meilleure organisation du temps en passant par la rééducation aux pauses, l’adaptation aux temporalités et spatialités de chacun des travailleurs. Il s’agit donc de faire en sorte que ces évolutions inéluctables du monde du travail s’intègrent davantage dans nos quotidiens spatio-temporels.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique
Vos réactions
Superbe sujet d’étude !
En tant que multi-active, cela me parle.
Margaux Le Gal, je vous souhaite plein succès dans vos recherches.
Très intéressant sujet. J’aimerais en savoir plus sur vos travaux, et peut être contribuer à alimenter la réflexion.
Y a t il possibilité d’en parler?
Merci beaucoup.