Les maisons anglaises sont-elles adaptées au dérèglement climatique ?
Un rapport vient de mesurer que 55% des logements britanniques surchauffent par temps chaud. Avec la montée progressive des températures liées au dérèglement climatique, la Grande-Bretagne commence à s’inquiéter : les maisons typiques d’avant-guerre – conçues pour garder la chaleur – seront-elles adaptées pour les grosses canicules à venir ?
Comme chaque mois, plongez dans le futur de la ville avec notre série “Habiter 2035”, où l’on vous dresse des scénarios possibles pour la prochaine décennie. Retenez votre souffle, immersion dans 3, 2, 1 …
2035, cottages tropicaux
Dans un sursaut nauséeux, Charlie ouvre les yeux pour regarder l’heure. Encore une de ces foutues nuits… Les draps trempés et le front ruisselant, il n’arrive pas à dormir à cause de la chaleur. Fenêtre ouverte et ventilateur à fond braqué sur un pain de glace, il pensait avoir pris toutes les précautions en voyant le thermomètre monter. La veille il s’était même retenu de boire de l’alcool au dîner et avait arrosé son jardin en fin de soirée pour le refroidir. Mais rien n’y fait. Il fait 34 degrés dans sa chambre et le mois de juin est à peine entamé. Hagard, il se lève du lit moite pour prendre une douche. Son frère l’avait prévenu de ne pas acheter cette maison typique des suburbs londoniens. Construite avant la guerre, elle date d’une époque où il fallait retenir la chaleur. Aujourd’hui, impossible de la dissiper, c’est un four. Instinctivement, il attrape son smartphone et tape fébrilement dans la barre de recherche d’Amazon. C’est décidé, il lui faut une climatisation.
Scénario possible ou récit de science-fiction ? Analyse.
Londres en nage
Au Royaume-Uni, le parc de logement est très exposé à la surchauffe. C’est la conclusion d’un rapport publié en octobre 2022 par le Climate Change Committee (CCC), un organisme public britannique chargé d’éclairer le gouvernement sur le dérèglement climatique. Les chiffres de l’étude sont inquiétants : aujourd’hui 55% des logements anglais ont des chambres en surchauffe par temps chaud. C’est particulièrement vrai dans le sud du pays et à Londres. Dans un scénario de hausse des températures moyennes de 2°C, les auteurs estiment que toutes les maisons (hors Écosse) seraient en surchauffe. Selon Climate Action Tracker, en 2030, la fourchette d’augmentation des températures sera comprise entre +1,9°C et +2,9°C, selon que les gouvernements tiennent leurs engagements ou non.
Marche à l’ombre
À quoi c’est dû ? « La plupart de ces maisons ont été conçues pour un climat totalement différent » explique Anna Mavrogianni, professeur à l’University College de Londres au magazine Wired. Plus d’un degré sépare 2023 et la deuxième moitié du vingtième siècle, les maisons devaient retenir les rayons du soleil et minimiser les pertes de chaleur pendant les hivers froids et les étés doux. De plus, près de 38% des maisons anglaises datent d’avant 1946, un taux plus élevé que dans n’importe quel autre pays de l’Union Européenne. Pour la chercheure, « il est important de privilégier les stratégies de refroidissement passif ». Le rapport met en avant différentes solutions de retrofitting comme la pose de volets extérieurs, de fenêtres complètement ouvrables, de film pare-soleil sur les vitres ou encore une meilleure isolation du toit. Il encourage aussi la sensibilisation des habitants sur les bons gestes à adopter pour rafraîchir leur intérieur.
En France, ça n’est pas plus reluisant. La Fondation Abbé Pierre a alerté sur la situation en juin dernier. La protection des logements contre la chaleur n’est pas assez prise en compte selon elle, notamment lors des rénovations énergétiques. Rappelons tout de même que la chaleur dégrade la qualité du sommeil, ce qui peut affecter notre santé mentale. Elle peut également être mortelle, souvenons-nous des 70 000 morts en Europe lors de la canicule de 2003. Un scénario de surchauffe très probable pour les maisons anglaises donc, à surveiller de près dès aujourd’hui.