Les halls d’immeubles, des espaces à (re)conquérir ?
Les rez-de-chaussée sont des espaces stratégiques de nos villes. Interfaces entre privé et public, ils structurent nos pieds d’immeuble, accueillent diverses activités et activent de nombreux usages au sein de nos quartiers. Et parmi ces mètres carrés à investir, les halls d’entrée sont des espaces communs souvent délaissés et peu prisés.
Pourtant, ne pourraient-ils pas devenir de nouvelles centralités urbaines et participer à réinventer des formes de proximité en ville ? Dans un contexte où les espaces communs deviennent des lieux désirés et support d’usages de plus en plus riches, comment appréhender ces surfaces d’entre-deux ?
Les rez-de-chaussée : seule vitrine de nos villes ?
Composante essentielle de la ville durable et de la ville vivante, le rez-de-chaussée englobe aujourd’hui de nombreux enjeux et usages. Dans la fabrique urbaine, la conception de rez-de-chaussée adaptés au territoire et aux besoins locaux, participe généralement, de manière non négligeable, à faire rayonner, tout du moins à rendre plus attractif un territoire. Parfois surnommés “vitrines urbaines”, la morphologie et les fonctions des rez-de-chaussée de nos villes impactent nécessairement le dynamisme et la vie de nos quartiers.
Supports d’activités diverses et variées, commerciales principalement, mais également associatives, artisanales ou encore sanitaires, les rez-de-chaussée urbains peuvent être de réels vecteurs d’animations et d’interactions. Ils activent et habillent nos villes, de couleurs, de terrasses, de végétation et de lumières. Inversement, les centres-villes dépourvus de rez-de-chaussée actifs, ou recensant un grand nombre de rez-de-chaussée vacants ou insalubres, sont bien souvent qualifiés d’éteints et de vides.
Des startups, collectifs d’habitants ou structures associatives, ainsi que le service public, se sont, depuis quelques années, emparés du sujet et développent des actions, projets, innovations afin de repenser l’aménagement actuel de nos pieds d’immeubles et la manière dont ils sont implantés dans nos villes et influent sur les dynamiques urbaines. Le plan national Action Cœur de Ville, initié en 2017 et concernant 222 villes moyennes, prévoit par exemple des actions et mesures structurantes autour de la revitalisation des centres-villes par la requalification des rez-de-chaussée actifs.
Dans la même logique, des acteurs et actrices de la fabrique urbaine expérimentent des innovations dont l’objectif est de réinventer les modèles actuels. L’année dernière, les coopératives Plateau Urbain et Le Sens de la Ville ont imaginé la foncière solidaire à impact social Base Commune. L’idée principale étant de remédier à la vacance immobilière des rez-de-chaussée de nos villes, en centrant l’identité de la coopérative sur l’intérêt collectif et sur l’accompagnement qualitatif et expert de chaque porteur de projet.
Les problématiques liées à l’impact des rez-de-chaussée sur nos territoires sont de plus en plus fréquemment intégrées au cœur des nouveaux projets urbains. Dépasser la seule fonction d’habitat, innover dans la création d’usages, revitaliser un quartier, les défis sont nombreux. Mais qu’en est-il des halls d’immeubles, ces espaces au sein desquels les habitantes et habitants d’un même bâtiment se croisent quotidiennement, se saluent, voire interagissent ?
Les halls d’immeubles : un fort potentiel d’impact social
Le hall d’immeuble est un espace commun à chaque habitante et habitant d’un bâtiment de logements collectifs. Il regroupe les fonctions premières et services collectifs de l’habitat : local vélo, local poubelles, boîtes aux lettres, parfois conciergerie. Il permet d’accéder aux cages d’escaliers ou aux ascenseurs. Étroit ou imposant, sombre ou lumineux, sobre ou densément aménagé, le hall d’immeuble est presque exclusivement un lieu de passage, plus qu’un lieu de destination. Pourtant son potentiel est immense, notamment son caractère de liant.
Le hall d’immeuble est en effet l’espace qui lie le partagé à l’intime, l’entrée commune au logement individuel. Dans cette logique, il peut tout à fait être vecteur de lien social, de rencontres, de discussions entre les habitants d’un même bâtiment. Pendant les périodes de confinement, le hall d’immeuble a permis à de nombreux voisins de communiquer, de proposer ou demander des services, et simplement d’afficher des messages de gentillesse, de soutien et de solidarité. En temps normal également, le hall d’immeuble est un lieu d’échanges auquel on ne prête pas forcément attention, au sein duquel chacun est libre de partager des petites annonces pour des cours de guitare, des ventes, du troc ou des dons. Cette visée sociale et conviviale est déjà présente dans nos halls d’immeuble et pourrait être particulièrement renforcée à l’avenir.
Le hall d’immeuble est enfin l’espace qui lie l’intérieur à l’extérieur, le bâtiment au quartier, voire l’habitant à l’usager. Il n’est pas rare d’observer en ville des curieuses et curieux jeter un coup d’œil sur l’intérieur d’une entrée d’immeuble. Une forme extérieure singulière, un aménagement intérieur authentique ou de grandes baies vitrées qui rendent visible le cœur d’îlot et qui créent une relation visuelle entre le dehors et le dedans : tout peut être sujet à attirer le regard ! Cela est d’autant plus flagrant au sein de projet urbains tels que les Cités Radieuses, de Marseille ou de Rezé, de l’architecte Le Corbusier, dont la construction sur pilotis permet d’ouvrir complètement le hall d’immeuble sur son environnement extérieur et enrichit le paysage d’un nouvel usage, créateur de liens sociaux et urbains.
Finalement, la diversité des usages et des fonctions au sein d’une entrée d’immeuble est aujourd’hui essentielle, à la fois pour répondre aux nouveaux besoins des urbains, mais aussi pour transformer des lieux devenus problématiques dans certains quartiers. C’est dans cette logique que Nantes Métropole Habitat, accompagné d’un cabinet d’architectes spécialisé dans le traitement des lieux squattés, souhaite requalifier de nombreuses cages d’escalier concernées par des dynamiques de deal. Récemment, ce sont les quartiers du Breil et des Dervallières qui ont vu apparaître sur leur territoire les premières expérimentations. L’agence d’architecture Qualia a pour cela opté pour un rétrécissement des espaces du hall et l’insertion d’un treillis métallique bloquant les vues sur rue. L’objectif premier de ces requalifications est d’engager un réel processus de réappropriation des halls d’immeuble. Et pour ce faire, d’autres idées, projets et innovations émergent depuis quelques années, partout en France !
Innovations d’usages dans nos halls d’immeuble !
À l’image du rez-de-chaussée actif, le hall d’immeuble peut en effet lui aussi être vecteur de vitalité en ville. C’est d’ailleurs un sujet que s’est pleinement approprié l’accélérateur de projets architecturaux et urbains innovants Faire Paris. Lors de sa première année de lancement par le Pavillon de L’Arsenal, en 2017, cette plateforme a permis de faire émerger, entre autres, le “Hall contributif”. Mené par l’équipe d’architectes Majma et MNAi, l’idée est de renouveler le hall d’immeuble traditionnel par l’activation de “
C’est en prenant conscience de la contribution de ces lieux à une “culture quotidienne du partage de l’espace privé [pourtant] peu exploitée” que l’équipe s’est lancée dans ce projet. Ouverture sur l’espace public, nouvelle programmation, innovation sociale, le hall contributif rassemble diverses idées, de potentiels aménagements pour renouveler ces espaces communs bien souvent délaissés. Plus largement, et pour sortir du seul cadre parisien, le hall d’immeuble peut être le support d’une multitude d’usages.
Par une identité visuelle qui attire l’œil, une signalétique ludique qui informe sur les services proposés au sein de la copropriété ou un espace d’expression interactif et accessible à toutes et tous, intégré à l’entrée d’un immeuble, le hall peut soudainement devenir le support d’usages artistiques et culturels.
Par l’aménagement végétalisé d’un mur ou du mobilier, par la praticité et l’accessibilité d’un local poubelle le hall d’immeuble peut également accompagner l’émergence de gestes éco-responsables et intégrer des usages en faveur d’une approche écologique et environnementale. L’inventivité d’acteurs engagés dans le développement durable peut venir renforcer ces logiques, en mettant en place des innovations et en imaginant de nouvelles solutions incitatives et solidaires en faveur du recyclage comme le fait la startup Lemon Tri,
Finalement, le hall d’immeuble est un lieu pluriel. Il structure les bâtiments composés de logements, de bureaux, d’associations ou d’activités. Il représente la porte d’entrée d’un appartement, d’un bureau, d’une salle de danse. Dans la même logique que les sièges sociaux, au sein desquels l’entrée incarne en quelque sorte la vitrine de l’entreprise, le hall d’immeuble peut également contribuer à donner une certaine représentation de l’intérieur du bâtiment.
S’il est lugubre et vétuste, on pourra facilement imaginer que les logements qui façonnent l’immeuble sont tout autant peu attractifs et négligés. À l’inverse, si le hall est sain, agréable et bien décoré, il pourra aisément participer au bien-être, à l’apaisement de ses habitantes et habitants. Prendre soin de ces espaces, c’est donc aussi impulser une dynamique de gestion et de maintenance positive pour l’ensemble du bâtiment.
Les halls d’immeuble représentent in fine une réelle opportunité pour enrichir la mixité programmatique et fonctionnelle de nos villes et de nos bâtiments. Demain, créer des territoires vivants et appropriés devra ainsi certainement passer par une réflexion (et des actions!) en faveur d’une mixité d’usages au sein de nos halls d’immeuble.