Les gardiens d’immeubles : des alliés dans la transformation des villes ?
Alors qu’ils étaient des personnalités indispensables au bon fonctionnement des immeubles au siècle dernier, les gardiens d’immeuble ont peu à peu disparu de nos villes françaises. Éléments clés des sociabilités du quotidien, ils se révèlent pourtant de véritables atouts dans les projets de rénovations urbaines.
Un atout qu’une grande partie des bailleurs sociaux souhaite valoriser dans les projets de rénovation de leurs parcs immobiliers. Quels rôles peuvent-ils assurer pour améliorer les liens avec les résidents lors des travaux ? Quels outils sont-ils en train de se développer ? Le gardien d’immeuble est-il en train de prendre une nouvelle place dans la fabrique urbaine ?
Le concierge d’immeuble, un métier d’histoire ?
C’est au XXème siècle qu’apparaît pour la première fois le terme de concierge. Chargé de veiller à la sécurité du Palais de la Cité à Paris, il est nommé responsable de l’allumage de l’éclairage et de la police du lieu, et préfigure ainsi un rôle qui va évoluer au fil des siècles.
C’est réellement à partir du XVIIIème siècle et à la construction des immeubles d’habitation collectifs, notamment à Paris, que le métier de gardien d’immeuble se consolide. Il devient un personnage central dans les immeubles résidentiels. Logé sur place, le gardien est en charge de l’entretien général des lieux, et assure des tâches variées allant de la réception du courrier à la surveillance des locaux.
Les années 70, avec l’apparition des copropriétés et la modernisation des immeubles (interphones, digicodes), réduit drastiquement le rôle du gardien. Les réalités économiques liées aux frais de copropriété poussent ces dernières à se doter de services de nettoyage et de sécurité automatisés, supprimant peu à peu leurs missions. Le métier de gardien se fait donc de plus en plus rare.
À partir des années 2000, le métier a commencé à se moderniser et à se diversifier. Les gardiens ont été formés à de nouvelles compétences, comme la gestion des systèmes de surveillance, l’accueil des résidents, ou encore la médiation sociale. Ils sont devenus des acteurs importants de la vie communautaire, participant à la gestion des conflits et à l’amélioration de la qualité de vie dans les immeubles.
Le concierge d’immeuble, une gestion sociale ?
En 2019, ce sont 64 000 concierges qui sont encore en activité, dont la moitié en région parisienne. Même si les missions du gardien d’immeuble se sont peu à peu diversifiées, son rôle de gestion social s’est, quant à lui, largement amplifié. Fortement présents dans les ensembles de logements sociaux, les bailleurs sociaux contribuent largement au maintien du métier, limitant ainsi la présence d’agents locaux au sein des quartiers. Le gardien prend alors une place toute autre. Au-delà de ces missions quotidiennes de gestion des espaces, le gardien revêt alors un rôle de gestion social auprès des locataires des immeubles :
- Création d’un sentiment de communauté :
Le sentiment d’appartenance à une communauté unie au sein des quartiers de grands ensembles est généralement difficile à ressentir pour les habitants. Ceci s’explique par plusieurs facteurs, tels que le nombre élevé d’habitants, les différences de langues parlées, le turn-over important des locataires dans les appartements. Il est souvent difficile pour les habitants de créer des relations de voisinage et de fait, participer à la vie collective de l’immeuble. Le concierge peut alors se révéler un véritable allié dans la mise en réseau des différents résidents, mais aussi dans l’organisation de temps collectifs et festifs.
- Accueil des nouveaux locataires :
Le concierge peut également prendre en charge l’accueil des nouveaux locataires dans le parc social. En les accompagnant dans la découverte de leur nouveau cadre de vie, de son fonctionnement et le partage des services à proximité, cela permet une meilleure intégration des foyers au collectif, mais aussi à la vie de quartier.
- Résolution des problèmes de voisinage :
Les conflits de voisinage sont souvent plus nombreux au sein des grands ensembles. L’isolation entre les logements est généralement défaillante ce qui accroît le risque de nuisances sonores. Le concierge peut alors jouer le rôle de médiateur entre les différentes parties prenantes d’un litige, permettant généralement de désamorcer les situations avant qu’elles ne deviennent trop difficiles à gérer.
Ces nouvelles missions sont l’occasion pour le gardien d’élargir son champ de compétences pour adopter un rôle de garant du lien social, souvent indispensable au bien vivre-ensemble.
Le concierge d’immeuble, vers une gestion de la rénovation urbaine ?
Mais ces dernières années, les gardiens d’immeubles sont également devenus de nouveaux alliés dans les projets de rénovation urbaine des grands ensembles. Véritables intermédiaires de proximité, ils possèdent une expertise locale qui peut se révéler être un véritable atout dans la préconisation d’aménagements à réaliser, mais aussi dans la gestion à mettre en œuvre pour la réalisation des travaux. Leur présence quotidienne permet aux habitants de se sentir inclus dans le processus de transformation de leur quartier, renforçant la compréhension et l’acceptation des changements apportés par la rénovation.
Ils servent également de pont entre les locataires, les entreprises de construction et les bailleurs pour des rénovations plus inclusives. En facilitant les interactions avec les locataires et entreprises impliquées, ils peuvent non seulement informer les habitants sur les différentes étapes des travaux mais aussi faciliter l’intervention des entreprises au sein des logements et parties communes.
C’est dans le but d’accompagner les gardiens dans ce nouveau rôle que l’Ecole de renouvellement urbain (ERU) a construit une formation pour ces derniers. Pendant 4 jours, les gardiens sont amenés à devenir des conseillers citoyens pour œuvrer à la coconstruction des projets de renouvellement urbain. Gouvernance de projet, présentation des partenaires institutionnels, méthode d’implication habitante, gestion des conflits… Autant de sujets discutés pour leur permettre de comprendre de manière globale le fonctionnement d’un projet de rénovation urbaine, mais aussi pour les doter de nouveaux outils à mettre en place et à utiliser.
La professionnalisation de ces derniers comme acteurs du projet de rénovation urbain est donc en marche. Cependant, ce nouveau rôle doit être valorisé par les bailleurs sociaux, non pour pallier le manque d’effectifs de ces derniers, mais en leur donnant une place de confiance dans le processus.