Les écoquartiers, vitrines de la ville durable ?
Depuis quelques années, on voit fleurir dans nos villes des quartiers d’un nouveau genre : les écoquartiers. Bâtiments basse consommation, réseaux d’énergie propre, multiplication des espaces verts, encouragement des mobilités douces… Ces quartiers se veulent de véritables petits concentrés de villes durables. Mais sont-ils pour autant toujours des modèles à suivre ? Comment et suivant quels principes sont-ils conçus ? Quelles sont les limites dans la conception actuelle des écoquartiers ? En un mot, les éco-quartiers ne seraient-ils pas de simples vitrines de la ville durable ?
L’écoquartier : un pas vers la ville durable
BedZed au sud de Londres, Vauban à Fribourg, ZAC de Bonne à Grenoble… Ces noms raisonnent pour ceux qui s’intéressent à la ville durable comme de véritables promesses, celles de pouvoir expérimenter à l’échelle d’un quartier le développement durable de nos villes. En somme, un premier pas vers le développement d’espaces urbains durables. Ces espaces permettent de mettre en place des démarches, des techniques, des architectures, des systèmes urbains qui visent à accompagner la mutation vers un système urbain durable.
Mais attention, il ne s’agit pas à l’instar d’une bonne vieille recette de cuisine de prendre un certain nombre d’ingrédients pour en faire un écoquartier. Car le modèle n’est pas transposable partout, et c’est bien l’approche écosystémique qui doit primer. Aujourd’hui, en France, l’écoquartier est même devenu un label : 39 écoquartiers (soit 55 000 logements) ont ainsi vu le jour entre 2012 et 2015 permettant d’encourager mais aussi d’évaluer les différentes démarches.
Des limites dans la conception actuelle des écoquartiers
Si le développement d’écoquartiers semble séduire de plus en plus de villes françaises désireuses de s’engager dans un développement plus durable, il faut quand même noter que le modèle prôné est largement perfectible. Trop souvent considéré comme un kit de « quartier prêt à l’emploi », l’écoquartier a tendance à ne pas prendre en compte les singularités des espaces dans lesquels il s’insère. Car on ne peut pas décréter créer un quartier de toute pièce. Pour que les choses fonctionnent, il faut pouvoir s’appuyer sur des bases existantes, des valeurs communes autour desquelles les futurs habitants vont pouvoir se fédérer. De plus, la tendance actuelle est à l’effacement des différences : exits les particularités régionales, on peut désormais traverser du Nord au Sud une France des écoquartiers qui brille par son uniformité. Il faut également noter que bien souvent, dans ces quartiers, l’architecture et la technique prend le dessus sur l’usage. Ainsi, ils deviennent des vitrines dans lesquelles l’habitant vient jouer le rôle de perturbateur faisant un mauvais usage de son habitat. Adieu donc développement vertueux et bonjour effet rebond !
L’écoquartier du designer
Il ne s’agit pas ici de positionner le designer comme unique sachant par rapport à d’autres professionnels de l’urbain, mais plutôt d’amorcer un questionnement sur une nouvelle méthodologie de projet, l’objectif étant avant tout de tendre à la pérennisation et accroître la pertinence des écoquartiers comme modèles urbains durables. Ces quartiers doivent être le fruit de la coconception, de la mise en commun de différents domaines d’expertises : politique, urbanisme, architecture, pour ne citer qu’eux, mais aussi du design, pour sa capacité à questionner l’usage.
Les erreurs passées observées et les difficultés rencontrées dans le fonctionnement des écoquartiers actuels montrent la complexité d’une programmation en amont des usages. Cette incertitude nous mène à une notion qui semble pertinente dans l’élaboration d’une alternative à la conception traditionnelle des espaces : l’expérimentation. Réelle prise en compte de l’inconnu, l’expérimentation devient alors un outil de conception évolutive. Elle souligne une capacité à évoluer à partir d’observations, de difficultés et donc sous-entend la considération d’une donnée clé en matière de durabilité, la réversibilité. Outre son aspect technique (travail sur les typologies de matériaux, structures, etc), c’est aussi son impact urbanistique qui rend cette caractéristique intéressante. En effet, elle questionne aussi notre manière de concevoir l’urbain en matière de stratégie d’occupation des sols, de programmation temporelle des projets et de réflexion sur les typologies d’espaces à revaloriser.
C’est en s’appuyant sur ces grands axes structurants, que François Cattoni, étudiant en deuxième année de cycle master Ville durable à l’École de design Nantes Atlantique, a mené une réflexion sur le rôle de l’écoquartier (écoquartier de la Prairie-au-Duc, Nantes), au cœur d’un territoire urbain en mutation (l’Île de Nantes). L’objectif de ce projet a été de démontrer que l’écoquartier doit nourrir et se nourrir de son écosystème. Ainsi, il a concentré son travail sur la valorisation d’une parcelle en friche bordant ce quartier, plutôt que sur les parcelles formant l’écoquartier. Il a tenté par cette approche d’apporter de la porosité au quartier, d’en ouvrir sa capacité d’usages, en accentuant volontairement la liberté programmatique des infrastructures créées, leur réversibilité et leur adaptabilité.
Par Zélia Darnault, enseignante