Les digues sont-elles une bonne solution face au risque d’inondation ?

13 Nov 2023 | Lecture 3 min

Construire des murs pour lutter contre les inondations et les submersions marines, c’est l’une des principales solutions que les territoires déploient pour se protéger des risques. Mais, le succès des digues possède aussi une face cachée : des surcoûts importants pour les collectivités, un problème d’entretien et une efficacité sans cesse remise en question par les experts.

Les inondations et les submersions marines sont des menaces récurrentes qui causent des milliers de décès et des milliards de dollars de pertes à travers le monde. En France, le gouvernement a récemment établi une liste de 126 communes considérées comme étant les plus exposées à l’érosion côtière afin d’anticiper au maximum la prévention et la lutte contre les inondations dans ces territoires à haut risque.

On y trouve des villes telles que Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Arcachon ou Pornichet. Conformément à la loi Climat et Résilience, ces communes devront élaborer des diagnostics à long terme pour planifier l’aménagement du territoire en fonction du risque d’érosion.

Cependant, la montée des eaux concerne un grand nombre de communes, bien au-delà de cette liste gouvernementale. Selon une étude du Cerema, plus de 380 000 hectares de sites d’intérêt écologique et plus de 265 000 bâtiments sont ainsi susceptibles d’être affectés par l’érosion côtière dans les années à venir.

Pour faire face à ces défis, il existe deux grandes approches : les solutions fondées sur la nature et les solutions artificielles, telles que la construction de digues, d’enrochements et d’épis.

Crédits : Matauw via Getty Images

Crédits : Matauw via Getty Images

Les digues et solutions artificielles, une approche traditionnelle

L’approche traditionnelle privilégie souvent la construction de digues, qui sont des ouvrages artificiels conçus pour protéger les terres contre l’érosion côtière. Selon une étude du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), environ 20 % du littoral français est actuellement couvert par des ouvrages artificiels, tels que des digues, des épis et des enrochements. La France métropolitaine compterait environ 16 000 de ces ouvrages, représentant environ 1600 kilomètres de côtes.

Cependant, cette approche, bien que rassurante à première vue, peut s’avérer être une solution coûteuse et inefficace à long terme. Elle peut même accentuer les risques d’exposition et de pertes humaines et économiques. En effet, bien que ces structures puissent ralentir localement l’érosion, elles ne correspondent pas à la nature mobile du trait de côte et elles ont tendance à déplacer le problème plus qu’à le résoudre.

Par exemple, la construction d’ouvrages tels que les épis perpendiculaires au trait de côte peut perturber l’écosystème côtier en bloquant la sédimentation, ce qui contribue à l’érosion des sols de l’autre côté de l’épi. De plus, en cas de fortes houles, le risque de rupture de digues est accru en raison des différences de niveaux d’eau devant et derrière l’épi.

De plus, la responsabilité de l’entretien de ces ouvrages pose des questions car leur construction et leur entretien sont coûteux. Par exemple, une digue en enrochement coûte environ 1,8 million d’euros par kilomètre, tandis que la construction d’épis coûte environ 2 500 euros par mètre. L’entretien ajoute généralement entre 3 % et 5 % du coût de construction, généralement à la charge des municipalités.

Et face à l’élévation du niveau des mers et l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, la construction et la rénovation des digues va devenir un poste de plus en plus coûteux pour les communes.

Crédits : Mi_Sa via pixabay

Crédits : Mi_Sa via pixabay

Vers des solutions fondées sur la nature ?

Face à ces défis croissants, la réflexion s’oriente vers des approches plus durables, en particulier via des solutions fondées sur la nature, telles que la création de zones tampons côtières dans lesquelles on va accentuer la restauration de dunes, de marais ou de zones humides permettant d’accueillir les eaux en cas de submersion.

En lieu et place des digues, d’autres approches visent également à réduire l’exposition humaine et économique dans les zones inondables. Cela peut être accompli en limitant les nouvelles constructions dans les zones à risque. En France, certaines communes du littoral ont émis des interdictions formelles de construire de nouveaux bâtiments dans des zones particulièrement vulnérables.

Parfois, il peut être nécessaire d’abattre des digues pour laisser entrer la mer, reconnaissant ainsi que, après des siècles de lutte pour contrôler les océans, l’humanité doit désormais céder un peu plus de terrain à la nature, que ce soit de gré ou de force. C’est notamment le cas en Bretagne, dans la baie de Lancieux, où le Conservatoire du Littoral a fait le choix de préparer le territoire à l’arrivée de la mer plutôt que de réparer une digue endommagée. Cela implique de déplacer des activités d’élevage, des routes et des infrastructures.

Il est également possible de construire des bâtiments plus résilients, tels que des immeubles flottants ou d’installer des passerelles entre les immeubles pour faciliter l’évacuation en cas d’inondation. Un exemple inspirant est la ville de Charleston aux États-Unis, qui a surélevé ses maisons victoriennes de trois mètres pour faire face aux inondations.

Il existe ainsi plusieurs approches qui peuvent permettre de s’adapter aux risques de submersion marine. Et si les digues ne peuvent pas être abandonnées du jour au lendemain, il semble de plus en plus évident qu’elles ne représentent qu’un aspect de la lutte contre les inondations et qu’elles doivent être complétées par d’autres approches.

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