Les bonnes pratiques des villes françaises en matière de gestion de l’eau
Tour d’horizon des mesures prises par certaines villes françaises, à l’image de Narbonne, Mérignac ou encore Lyon en ce qui concerne la gestion de l’eau potable sur leur territoire.
L’eau est un enjeu majeur et transversal de nos sociétés puisque cette ressource touche à la fois à la santé, à l’hygiène, à l’alimentation, à l’éducation ou encore à l’environnement et au climat. D’où l’importance pour le développement des collectivités locales, que de chercher à optimiser et économiser la ressource en eau.
Cependant, et même dans les pays européens, la disponibilité de l’eau potable a tendance à diminuer en raison de deux grands facteurs : l’accroissement de la population et le changement du climat. Ainsi, par exemple, la ressource en eau renouvelable et disponible par personne et par an en France devrait se situer aux alentours 5 100 m3 en 2025 contre 17 000 m3 en 1950. Ressource qui se raréfie, l’eau est également une source de dangers pour la ville de demain comme le prouvent régulièrement les inondations qui se répètent, notamment dans le sud du pays.
Optimisation de l’irrigation, recherche des fuites dans les réseaux, contrôle des consommations, récupération des eaux de pluies, construction durable pour désimperméabiliser les villes… De nombreuses initiatives fleurissent partout en France pour permettre une meilleure gestion de cette ressource. C’est notamment le cas de Lyon, Narbonne ou encore Mérignac.
LYON, LA STRATÉGIE DE LA “VILLE PERMÉABLE”
Élue capitale française de la biodiversité en 2019, la métropole du grand Lyon se distingue notamment par sa politique de gestion de l’eau via un projet “ville perméable” inscrit dans la politique urbaine de la ville.
L’ambition de ce projet vise à répondre à quatre sujets : protéger les milieux naturels et la ressource en eau ; lutter contre les îlots de chaleur urbain ; faciliter le retour de la nature en ville ; s’adapter et réduire la vulnérabilité aux risques d’inondations. S’il inclut des dispositifs d’économies d’eau comme le fait d’optimiser l’arrosage public par des capteurs connectés, ce projet mise surtout sur une meilleure gestion des eaux pluviales pour limiter l’imperméabilisation de la ville.
Pour cela les équipes de la métropole travaillent à la mise en place de surfaces poreuses sur les nouveaux projets urbains afin d’éviter le ruissellement des eaux de pluies en surface. Ainsi, tous les projets urbains du Grand Lyon doivent désormais “inclure une réflexion sur les eaux pluviales et considérer celles-ci comme un élément structurant de l’aménagement du territoire”.
La désimperméabilisation est en effet l’une des clés de l’adaptation des villes au changement climatique. Elle permet la réduction du risque d’inondation en limitant le ruissellement de surface ainsi que le rechargement des nappes phréatiques. Enfin, cela permet de ramener de la biodiversité en ville ainsi que de créer des îlots de fraîcheur qui permettent de lutter contre les épisodes de fortes chaleurs. C’est également l’un des sujets auquel s’est attaqué l’équipe municipale de Narbonne.
NARBONNE : DÉSIMPERMÉABILISATION ET RÉUTILISATION DES EAUX USÉES
Narbonne est un bon exemple de ville ayant, comme Lyon, misé sur la désimperméabilisation, via un partenariat avec le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement).
Pour cela, la métropole a d’abord eu besoin d’identifier les zones à désimperméabiliser en priorité. Le Cerema a donc croisé les données du sous-sol (infiltrabilité des eaux) avec celles de la structure superficielle du sol (imperméabilité du sol) afin de prendre en compte la texture des sols et les critères environnementaux qui permettent d’identifier des points de vigilance pour désimperméabiliser certaines zones (zones de captage des eaux potables, sols pollués, pente trop importante…).
La métropole a ensuite travaillé à réaménager ses espaces urbains pour permettre une meilleure infiltration des eaux de pluies aux endroits les plus adéquats. Et notamment dans les zones d’activités commerciales, très imperméables. À titre d’exemple de mécanisme pour désimperméabiliser, la ville a introduit un système de récupération et d’infiltration des eaux pluviales qui peut être installé sur un rond-point.
Ainsi, les eaux pluviales sont collectées via des structures réservoirs passant sous les chaussées et sont réinjectées ensuite au sein du rond-point constitué de fossés. Sur un sol constitué essentiellement de sable, les eaux s’infiltrent donc progressivement en mettant moins d’une demi-journée à s’évacuer même en cas d’épisode pluvieux sévère. Un exemple parmi d’autres comme par exemple des systèmes d’infiltration au sol mis en place sur de larges surfaces bétonnées commes les parkings.
UTILISER LES EAUX USÉES TRAITÉES POUR L’IRRIGATION
Mais au delà de la lutte contre les inondations, la ville de Narbonne s’investit également dans la prévention des risques de sécheresse grâce à l’utilisation du traitement des eaux usées à des fins d’irrigation agricole.
Le Languedoc-Roussillon est en effet une région recconnue notamment pour produire environ 30% des vins français. Cependant, depuis une vingtaine d’années, le territoire est en déficit hydrique, ce qui impacte la production viticole et menace la pérénnité de l’activité.
Dans ce cadre, la métropole du grand Narbonne s’est investie dans le projet Irrialt’eau : utiliser pour l’irrigation des vignes les eaux usées traitées, analysées, de bonne qualité, et localisées à proximité des domaines viticoles.
Ce programme de recherche a été lancé de 2012 à 2017. Il a permis d’ajuster le process pour distribuer de l’eau en quantité et qualité compatibles avec les besoins de la vigne, tout en veillant à la viabilité économique de la réutilisation des eaux usées. Un projet qui a débouché sur l’installation d’un démonstrateur dans la commune voisine de Gruissan, et qui concerne l’irrigation de 80 hectares de vignes.
L’utilisation des eaux usées traitées comme une solution pour l’irrigation agricole est notamment une solution prônée par la FAO pour atteindre les objectifs de développement durable. D’autant que cette pratique permet en plus de réduire l’utilisation d’intrants chimiques car les eaux usées – même traitées – sont riches en fertilisants organiques.
MERIGNAC, UNE CONSOMMATION RÉDUITE DE PRESQUE 30% EN 10 ANS
Deuxième ville du département de la Gironde après Bordeaux, Mérignac accueille environ 68 000 habitants. Elle constitue un important pôle économique dans la région avec plus de 50 000 emplois, à peu près 1 500 entreprises, ainsi que l’aéroport de l’agglomération bordelaise.
Le département de la Gironde fait cependant face à une problématique en matière de gestion des ressources en eau car ce sont principalement les nappes profondes captives qui sont utilisées pour satisfaire 96% des besoins. Or la surexploitation de ces nappes anciennes et fragilisées par des excès de prélèvements commence à se faire sentir.
En 2003, année de l’un des pires épisodes de fortes chaleurs que la France ait connu, les élus de la ville de Mérignac décident d’agir pour mieux gérer la disponibilité de l’eau. Et en dix ans, la ville a réduit ses consommations d’eau potable de 230 000 à 170 000 m3 par an en agissant principalement sur l’arrosage des espaces verts, la consommation des bâtiments, mais aussi en diversifiant ses ressources en eau.
Pour réduire ses consommations, la mairie a notamment créé un emploi à temps plein “d’économe de flux” dont la mission a d’abord été d’analyser les factures d’eau afin de mettre en évidence les sites qui présentaient des surconsommations importantes par rapport aux années précédentes. Des surconsommations qui allaient jusqu’à +580%, par exemple, dans deux écoles maternelles.
Cette première étape pour identifier de potentielles fuites à été renforcée ensuite par un relevé de compteurs et l’analyse des consommations des bâtiments publics. Un travail qui a permis de mettre en évidence, par exemple, une fuite de 17 500 m3 d’eau par an à la piscine municipale de Mérignac, représentant un surcoût de 49 000 € sur la facture annuelle.
Cette identification des fuites a aussi permis de mettre en évidence les bâtiments les plus “aquavores” de la ville. Un travail qui a permis d’y installer des équipements hydroéconomes : limitateurs de débit, boutons poussoirs, robinets temporisés, mitigeurs ou encore chasses d’eau à volume réduit… Des équipements qui ont permis de réaliser environ 20 % d’économies sur les consommations d’eau et d’énergie de ces bâtiments.
Dans sa recherche d’économies d’eau, la municipalité a également modifié ses pratiques en matière d’arrosage public grâce à l’utilisation de pluviomètres et de programmateurs. Des outils qui permettent de mieux comprendre les besoins en eau des différents espaces verts et de s’orienter vers une irrigation plus précise. Par ailleurs, les pratiques ont été modifiées en privilégiant par exemple un arrosage la nuit pour limiter l’évaporation. Dans la même logique, les espaces verts des écoles ont cessé d’être arrosés pendant l’été. Enfin, la politique de gestion des espaces verts a aussi intégré des mécanismes limitant les besoins en eau des espaces verts : tondre moins ras, ne pas laisser les sols nus, pailler et biner…
Pour terminer, la ville de Mérignac n’aurait pas pu réduire sa consommation de presque 30% sans mobiliser et sensibiliser ses habitants à la question. Les équipes municipales ont notamment distribué gratuitement plus de 8 000 kits hydroéconomes, en partenariat avec le département et le syndicat mixte de gestion des ressources en eau de Gironde, pour faciliter les économies d’eau.
ET À L’ÉTRANGER
La gestion de l’eau est évidemment l’une des problématiques majeures d’un grand nombre de pays dans le monde, en particulier en Afrique, Amérique du Sud ou encore au Moyen-Orient. En 2018, c’est la ville du Cap, en Afrique du Sud, qui passée tout proche d’une véritable catastrophe sanitaire en raison d’une sécheresse plus marquée de d’habitude. Une catastrophe évitée de justesse pour cette ville de 4 millions d’habitants, principalement grâce aux efforts consentis par par population et par une politique volontariste de restrictions.
C’est notamment la sensibilisation qui a beaucoup joué lors de cette période. En particulier la mise à disposition par le gouvernement d’un calculateur permettant aux habitants de mesurer leur consommation quotidienne et de se fixer des objectifs. La ville du Cap a également fixé à cette période une limite de consommation d’eau autorisée (maximum 50 litres par jour et par personne) qui a permis d’économiser 100 millions de litres d’eau chaque jour.
Il faut savoir qu’en moyenne, en France, nous consommons autour de 150 litres d’eau par personne et par jour. Au Cap, la municipalité a également pu réduire sa consommation en identifiant, grâce à des capteurs connectés, les bâtiments les plus consommateurs en eau et en les rationnant par une gestion à distance de la pression.
Mais le risque de sécheresse ne concerne pas uniquement ces zones. En Europe, il est aussi de plus en plus présent. En Espagne, on peut par exemple citer la ville de Vitoria-Gasteiz, élue capitale verte européenne en 2012, chez qui la consommation d’eau par habitant a reculé de 20 % entre 2001 et 2009 grâce à la recherche des fuites sur le réseau ainsi qu’une forte politique de sensibilisation menée auprès des citoyens.
Aux Pays-Bas, la question de l’eau se pose autrement et concerne principalement les risques d’inondations. Comment permettre l’étalement urbain quand 25% de la surface du pays est située sous le niveau de la mer ? Pour répondre à cette problématique, la ville de Nimègue a décidé de modifier son paysage en construisant un canal supplémentaire derrière une digue existante. Un canal secondaire qui permet d’assurer une meilleure protection contre les inondations mais qui crée aussi des opportunités économiques par la mise en place d’un parc fluvial, la construction d’une île et de nouvelles offres résidentielles. Une manière de penser son urbanisme autour de l’eau et non pas contre l’eau.