Les bidonvilles, ces laboratoires urbains (2/2)
En 2030, deux milliards d’êtres humains vivront dans des bidonvilles. Même si l’existence de ces « villes dans la ville » est regrettable, c’est aussi dans ces espaces précaires que se testent des solutions inédites pour inventer la ville de demain.
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De l’acupuncture urbaine et un téléphérique
Pour réaménager le barrio de Bello Campo, un quartier défavorisé de Caracas, le collectif vénézuélien Urban Think Tank s’est appuyé sur les vertus sociales de l’architecture. Des forums de discussion avec la population locale ont permis, dans un premier temps, d’associer les citoyens à la démarche. Une forme « d’acupuncture urbaine » d’après les fondateurs du collectif, qui ont ensuite conçu dans le quartier plusieurs bâtiments originaux dont un gymnase vertical perché sur un toit et un prototype de maison évolutive abritant plusieurs logements. Mais le clou du projet d’Urban Think Tank, c’est le « Metrocable » : un téléphérique long de 2 km, qui relie depuis 2010 Bello Campo au centre-ville de Caracas. Ce « métro aérien » est apparu comme la solution idéale pour en finir avec la ségrégation urbaine dont souffrent les habitants du quartier. Ce grand projet de réinsertion sociale par l’architecture a permis de réduire significativement le taux de criminalité dans le barrio.
Des containers flottants et mobiles
Un grand nombre de bidonvilles sont situés sur des côtes, en bordure d’un lac ou d’un océan. Une localisation qui rend les habitants de ces quartiers encore plus vulnérables en cas d’épidémie ou de catastrophe naturelle. Pour lutter contre ce phénomène, le cabinet d’architecture néerlandais Waterstudio a conçu des modules d’habitation flottants destinés aux plus démunis. L’idée est de vivre non plus au bord de l’eau mais sur l’eau, dans des containers colorés baptisés City Apps. Le choix de ce nom n’est pas anodin : ces « applications urbaines » sont censées être aussi simples à installer que celles d’un smartphone. Chaque container intègre des sanitaires et des espaces pour se nourrir et se loger. D’autres sont également prévus pour filtrer l’eau ou aménager un potager. Les architectes de Waterstudio, qui ont reçu pour ce projet de « thalassophilantropie » le prix 2012 « Architecture & Sea Level Rise Award » remis par la Fondation Jacques Rougerie, tiennent à ce que les City Apps soient des espaces mobiles, pouvant être facilement déplacés en cas d’urgence. Le premier ensemble de City Apps devrait voir le jour au Bangladesh, dans le bidonville de Korail, à Dacca.
Du microciment pour sortir de la précarité
Le sculpteur mexicain Carlos Fernandez a mis au point la « masa roca » (littéralement, la « pâte roche »), un enduit qui permet de transformer des plaques de tôle ou des vieux cartons en murs aussi solides et imperméables que de la roche. Ce microciment, pensé pour améliorer l’hygiène et le confort des quartiers les plus pauvres, a déjà permis – une fois la poudre mélangée à de l’eau – de réhabiliter plus de 300 foyers dans des bidonvilles de la région montagneuse de Perote, dans l’État de Veracruz. D’après le sulpteur, recouvrir de cet enduit magique les parois d’un logement modeste coûterait 30 000 pesos, soit seulement 1700 euros. « Désormais, il est possible de créer des structures courbes ou des formes organiques sans faire appel à des processus de construction complexes », se félicite ainsi Carlos Fernandez, qui assure que sa poudre magique offre une isolation thermique et une résistance chimique équivalente à celle du ciment classique.