Les bidonvilles, ces laboratoires urbains (1/2)
En 2030, deux milliards d’êtres humains vivront dans des bidonvilles. Même si l’existence de ces « villes dans la ville » est regrettable, c’est aussi dans ces espaces précaires que se testent des solutions inédites pour inventer la ville de demain.
On l’appelle la « favela hype ». Vidigal, est l’un des bidonvilles les plus tristement célèbres de Rio de Janeiro. Ou plus exactement « était », puisque cet ancien repère de narcotrafiquants est en train de se transformer, à un an du coup d’envoi de la Coupe du Monde de football au Brésil, en quartier bobo et touristique. Chassés du centre-ville par l’explosion du prix du m² (+200% depuis 2008), les classes moyennes investissent depuis quelques mois la favela pacifiée, où les habitations insalubres laissent place à des galeries d’art et des bars lounge. Un lifting express dont ne bénéficient pas l’immense majorité des bidonvilles d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie. Le plus souvent, ces extensions urbaines incontrôlables sont encore synonyme de surpopulation, de dénuement et d’insécurité puisque les populations vivant sur place sont en première ligne en cas d’épidémie ou de catastrophe naturelle.
Une fatalité qui pousse de nombreux architectes et urbanistes à imaginer des solutions innovantes pour transformer ces zones défavorisées en des quartiers dignes de ce nom, tout en préservant leur âme et leur identité. D’après ces architectes, vider ou raser les bidonvilles est illusoire. Les favelas, townships et autres slums doivent plutôt servir de laboratoires, de champs d’expérimentations, pour sortir des millions de personnes du « provisoire permanent ».
Des maisons modulables et inachevées
« La ville est pour les pauvres une ressource stratégique. Elle permet d’améliorer leur vie et de limiter les inégalités à court terme. Il faut agir sur l’éducation, l’emploi, mais cela prend beaucoup de temps. L’urbanisme est un raccourci », déclarait en 2008 au Monde Alejandro Aravena. Convaincu que « faire mieux avec moins » est possible, l’architecte chilien a lancé en 2006 son concept Elemental. Le principe est simple : concevoir des maisons en brique et béton de 36 m², modulables et facilement reproductibles, pour un coût ne dépassant pas 10 000 dollars. La construction de ces maisons est « ouverte » : seules les pièces et équipements indispensables sont réalisés, les habitants pouvant ensuite faire leurs propres travaux, en fonction de leurs moyens et de leurs goûts. Ce système participatif et facile à mettre en oeuvre a notamment permis de résorber un bidonville installé depuis trente ans en plein centre-ville d’Iquique, dans le nord du Chili.
Une architecture low cost et participative
Spécialiste du « low cost housing », l’architecte sud-africaine Carine Smuts travaille depuis la fin des années 1980 dans les townships avec son agence CS Studio. Elle apprécie les matériaux peu coûteux et faciles à se procurer, comme la brique et la tôle. Sa démarche architecturale, souvent décrite comme « frugale », se double d’une approche résolument participative puisqu’elle associe élus, citoyens et habitants des townships au processus de décision, quitte à ralentir un projet de plusieurs mois. Les chantiers des écoles et des logements qu’elle conçoit fonctionnent comme des ateliers de réinsertion sociale, dans lesquels elle réserve toujours une place aux artistes traditionnels locaux.
Faut-il raser les bidonvilles ou bien les aménager ?
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