L’épicerie rose, ce lieu vivant entre étudiants et habitants
Implantée en plein cœur de la Cité Rose dans le quartier nanterrien Anatole France, l’Épicerie Rose anime depuis bientôt trois ans la vie du quartier, alors qu’approche une période de travaux. Créée par le Master Projets culturels dans l’espace public, à l’invitation de l’Apes, et animée quotidiennement par les étudiants et un groupe d’habitants, l’Épicerie Rose est à la fois un lieu de vie, de formation et de projets. Nous avons rencontré Pascal Le Brun-Cordier, professeur associé à l’Ecole des arts de la Sorbonne, fondateur et responsable du Master PCEP afin d’échanger sur ce lieu innovant.
L’Épicerie Rose est installée depuis presque trois ans dans ce quartier. Pouvez-vous nous partager sa genèse et les motivations de sa création ? Quelles sont ses principales missions, à la fois au sein du quartier et au sein du Master ?
Le Master Projets culturels dans l’espace public forme chaque année 20 étudiant.e.s issu·e·s de formations diverses (sciences politiques, urbanisme, architecture, design d’espace, métiers de la culture…) et 20 enseignant·e·s professionnel·le·s et universitaires. C’est un Master que nous avons créé en 2005 à l’Ecole des arts de la Sorbonne (Paris 1). Il propose aux étudiant.e.s de se former via des enseignements théoriques et un projet à l’échelle 1 imaginé puis réalisé par leur soin. Nos domaines de spécialité : l’art en espace public, l’urbanisme culturel, les tiers-lieux culturels, les projets culturels de territoire… Nous avons mis en place depuis six ans un partenariat avec l’Apes, association de développement social urbain, filiale du bailleur social Seqens, qui nous a permis de mener d’intéressants projets en situation. En 2017 et 2018, nous avons pu travailler à Clichy-sous-Bois dans deux résidences de Seqens où des travaux étaient programmés, nous avions notamment comme partenaire les Ateliers Médicis. En 2019-2020, un projet a été organisé à Montreuil. À chaque fois, L’Apes et Seqens nous ont donné les moyens d’imaginer et de mettre en place des projets.
Cette fois-ci, depuis la rentrée 2020, nous sommes installés à Nanterre, dans le quartier Anatole-France, plus précisément dans une ancienne épicerie-boucherie de 150 m2, au pied de l’immeuble Ponant de la Cité Rose, constituée de trois grandes barres HLM construites dans les années cinquante. Ce quartier tranquille est enclavé entre le campus de Nanterre, l’A86 et la ligne du RER B. Avec L’Apes, nous avons demandé au collectif Yes We Camp de nous aider à le transformer en un lieu de vie agréable : il y a une cuisine, des sanitaires, un coin bibliothèque, un espace de discussion, des tables et des bancs en bois… et deux grandes vitrines qui donnent sur les rues de la Cité. C’est ici qu’ont lieu depuis deux ans et demi, la plupart des cours, séminaires et ateliers du Master. Mais, au-delà de ça, c’est aussi un lieu de vie pour le quartier, avec des rencontres, des échanges, ainsi que de l’aide aux devoirs pour les enfants.
Au travers de ce projet, nous partageons avec l’Apes mais aussi avec la Ville de Nanterre, notre partenaire spécifique pour ce projet depuis deux ans et demi, plusieurs convictions : il est possible via des projets d’actions culturelles et artistiques de contribuer à améliorer le cadre de vie des habitant.e.s d’un quartier d’habitat social, mais aussi de favoriser leur implication dans la vie de leur quartier et dans les transformations urbaines en cours ou à venir, et enfin peut-être d’enrichir le travail des maîtrises d’ouvrage et des maîtrises d’œuvre dans les phases de diagnostic ou de conception des espaces publics.
Après avoir investi les lieux, vous avez commencé par un travail d’enquête sensible. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette méthodologie et sur les outils pédagogiques mis en pratique ici ?
Pendant les premiers mois de notre résidence fin 2020, les étudiant·e·s ont commencé par mener une enquête sensible. Je définis l’enquête sensible de la manière suivante : il s’agit d’enquêter sur la vie sensible dans le quartier (quelles couleurs, quels textures, quels sons, quel paysage végétal, quels espaces publics…), de comprendre à quoi sont sensibles les personnes qui vivent ici, ce qui fait sens pour elles ici, et aussi d’identifier le sujets sensibles, touchy…
Loin d’une enquête par questionnaire classique, d’une enquête « sur » les habitant·e·s et leur quartier, il s’agit d’une enquête menée autant que possible « avec » eux et elles. Les méthodes et outils mobilisés par les étudiant·e·s étaient très divers : des discussions, des observations, une écoute du paysage sonore, une étude des couleurs, une enquête d’archéologie contemporaine via une collecte des objets trouvés dans la rue, un atelier de cartographie sensible avec les enfants, une étude de l’histoire du quartier, un étude des arbres, un film pour capter les énergies du quartier, une enquête de psychanalyse urbaine avec l’aide de l’ANPU (Agence nationale de psychanalyse urbaine)…
Cette enquête a été partagée avec les habitant·e·s et aussi exposée à la Terrasse, centre d’art de la Ville de Nanterre dirigé par Emmanuel Posnic. Elle a été complétée lors de notre deuxième année de résidence. Nous avons réalisé un petit film avec Yann de Gaetano, financé par l’Apes, qu’il est possible de visionner sur notre blog et qui présente cette enquête et ce que nous avons fait ensuite.
Après ce gros travail d’investigation, quelle a été l’étape suivante ? Comment les fruits de cette enquête ont-ils été mis à profit ?
Nous avons proposé aux étudiant·e·s de répondre à un appel à projets écrit spécialement pour elles et eux avec l’Apes et la ville de Nanterre. Nous leur avons demandé d’imaginer, à partir des résultants de leur enquête sensible, trois projets artistiques/culturels susceptibles de favoriser l’implication des habitant·e·s dans les projets urbains à venir, afin qu’iels puissent être parties prenantes de ces projets, et non spectateurs·rices distant·e·s. Nous étions en plein COVID, rien n’était simple, mais les trois projets proposés au jury (composé d’habitant·e·s, de représentant·e·s de la Ville, élu·e·s et technicien·ne·s, ainsi que de l’AMO du projet urbain, de représentant·e·s de SEQENS et l’Apes) étaient tous les trois très pertinents. Le montant du budget mis à disposition par nos partenaires pour réaliser ce projet était de 20 000 euros.
Le projet retenu partait d’un constat : les jeux pour les enfants installés au cœur de la cité par le bailleur avaient dû être démontés, et il n’était pas prévu de les réinstaller avant la fin des travaux, c’est-à-dire dans au moins cinq ou six ans… Sur les 1500 personnes qui vivent dans la cité, environ 400 sont des enfants, donc presque un tiers ! Une situation très problématique, vivement regrettée par les enfants bien sûr, mais pas identifiée par les adultes, notamment par le bailleur. Pour y remédier, le groupe d’étudiantes à l’origine du projet a proposé d’organiser une “manif d’enfants”, pour faire entendre la voix des enfants, et rendre visible leur présence dans la cité d’une manière à la fois politique et ludique.
Des ateliers de conception de cette manif ont été organisés avec les enfants pendant plusieurs semaines, avec de nombreux partenaires dont l’association circassienne Les Noctambules et la fanfare de Nanterre. La manif a eu lieu, en présence notamment du maire et de plusieurs élu·e·s. C’était joyeux, coloré et politique. Tout s’est terminé par un spectacle et une grande fête au cœur de la Cité Rose.
Marquée par une grande volonté et une multitude de projets, votre première année de résidence dans le quartier s’est avérée très enrichissante et fructueuse. Qu’avez-vous fait par la suite au sein de la Cité Rose ?
La deuxième année a été consacrée à un approfondissement de l’enquête sensible, notamment grâce à l’installation dans le quartier de la Cocina, un container-cuisine pop-up chaleureux imaginé par Teatro Container, une compagnie de théâtre franco-chilienne créée par un étudiant du Master, Nicolas Bravo. Nous avons installé la Cocina en décembre 2021 et très rapidement, des repas partagés ont été organisés par les habitant·e·s et les étudiant·e·s, des moments chaleureux de fête, de rencontres et d’échanges dans l’espace public. Nous avons aussi proposé aux étudiant·e·s d’imaginer des « objets relationnels », pouvant contribuer à activer des échanges dans les espaces publics du quartier. Plusieurs objets ont été imaginés et réalisés : des bulles d’expression colorées sur un grillage de l’école, d’autres autour d’un jardin partagé qui racontent l’histoire du quartier, un objet totem d’information, un module nomade permettant de projeter des films et du son… L’association SuperBrutes (co-créée par Pauline Leriche, ancienne étudiante du Master qui faisait partie du groupe à l’origine de la Manif d’enfants) a aussi été impliquée pour la création de jeux. Pauline s’est d’ailleurs beaucoup investie dans le quartier depuis trois ans, dans le cadre d’une mission rémunérée, aux côtés de Nicolas Bravo, lui aussi dans le cadre d’une mission rémunérée, en lien bien sûr avec les nouvelles promotions du Master. Une précision aussi : le bailleur a finalement décidé de réinstaller des jeux !
Au printemps 2022, les étudiant·e·s avec un groupe d’habitant·e·s ont imaginé et organisé la première Fête du Printemps. Nous avions invité pour nous accompagner Florent Bergal, co-fondateur de la fameuse compagnie de cirque en espace public G Bistaki, qui a réuni plusieurs artistes spécialistes du vélo acrobatique pendant une semaine de résidence dans le quartier. Des ateliers ont été organisés avec des adolescents, un spectacle nomade contextuel de grande qualité a pris forme dans les rues alentours, suivi par une bonne centaine de personnes. Le point d’aboutissement était l’espace central du quartier, autour de la Cocina.
Cette Fête du Printemps s’est poursuivie par un repas partagé, des interventions musicales, la présence d’une drag queen, un débat sur le vélo avec le journaliste du Monde Olivier Razemon, un grand moment artistique et festif… Plus de 300 personnes ont participé à cette journée. Cet événement participatif amorcé par les étudiant·e·s a créé une réelle dynamique dans le quartier et donné envie aux habitant·e·s de monter une association qui leur soit propre, et qui soit capable de continuer à faire vivre l’Épicerie Rose et d’initier des projets après le départ du Master prévu cette année.
Et concernant votre troisième année, quel a été le programme ?
L’objectif premier était de consolider la dynamique créée, notamment avec la nouvelle association du quartier. Plusieurs actions ont été menées, notamment un grand projet artistique et culturel intitulé le Dernier Été, une installation/spectacle dans trois appartements voués à être démolis à partir des souvenirs de plusieurs habitant·e·s (avec également le soutien du Ministère de la Culture), une participation à la Nuit Blanche métropolitaine, et plusieurs temps festifs … Les étudiant·e·s ont aussi imaginé et mis en œuvre avec la nouvelle association une deuxième édition de la Fête du Printemps, avec notamment la compagnie de marionnettes géantes Les Grandes Personnes, le contrebassiste slameur improvisateur Dgiz, et beaucoup d’autres artistes… L’année n’a pas toujours été facile pour cette troisième promotion, mais cette Fête du Printemps était une nouvelle réussite : un moment de fête et de partage intense.
Entre étudiants, habitants, bailleurs sociaux, municipalité, professeurs… l’Épicerie rose rassemble une multitude d’acteurs autour de la table. Mais le contact est-il toujours facile ? Comment ce lieu mixte s’organise-t-il, comment s’articule ce dialogue ?
Le lieu est occupé par les étudiant·e·s et les enseignant·e·s dans la journée. En fin d’après-midi, quelques enfants passent le bout du nez avant de rentrer à la maison, participent à l’aide au devoirs certains jours, ou bien à des ateliers certains mercredis. Les adultes passent eux aussi à certains moments pour discuter, nous apporter des gâteaux parfois, et se réunir aussi pour des projets, notamment ceux que nous développons avec eux. Et puis, quand la Cocina était là, il y avait ces moments partagés, dehors. Et bien sûr les deux premières Fêtes du Printemps. Les rencontres avec les autres partenaires se sont faites au fil des projets, de manière assez fluide. L’Apes a toujours été très présente, très soutenante, et heureusement car l’équipe pédagogique du Master n’avait pas toujours la possibilité d’être aussi présente que certain·e·s étudiant·e·s l’auraient souhaité.
Cependant pour de multiples raisons et malgré nos demandes répétées, cela n’a pas encore été possible de rencontrer la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre chargée de transformer les espaces communs. Nous allons néanmoins transmettre les observations et suggestions de deux étudiantes. C’est déjà ça. Ces échanges entre acteurs culturels et opérateurs classiques de la fabrique urbaine se mettent en place doucement ! Dans d’autres villes, sur certains projets, cette dynamique d’urbanisme culturel est plus fluide, mieux comprise. Mais ici, je crois que nos partenaires voient que notre approche permet de compléter et d’enrichir les diagnostics classiquement réalisés dans ces quartiers, d’être au plus près de la vie des habitant·e·s, de fédérer aussi grâce à la dimension artistique et culturelle. Nos projets permettent d’aborder et de travailler des questions essentielles (comme la place des enfants dans le quartier, la qualité de l’espace public, la vie commune…) d’une façon décalée et engageante. La poésie, l’énergie artistique, l’approche culturelle favorisent les échanges, la rencontre… et contribuent à faire advenir une ville plus sensible et intéressante, une urbanité plus riche et désirable.
L’implantation d’un tel lieu peut cependant être difficile à accepter pour les habitants et les usagers du quartier, surtout dans le contexte d’un projet de rénovation urbaine majeur. Y a-t-il eu une certaine méfiance de la part des habitant·e·s ? L’intégration des étudiant·e·s dans le quartier s’est-elle faite naturellement ?
Effectivement cela ne fut pas simple la première année car il y avait des problèmes assez essentiels qui n’étaient pas résolus : des nuisibles dans les appartements, une rénovation urbaine annoncée mais retardée d’année en année, une difficulté à comprendre qui faisait quoi du fait d’une communication inadaptée de la part de la Ville ou du bailleur, et aussi sans doute du fait de la complexité du projet urbain et du jeu d’acteurs… Alors, certains habitant·e·s se sont demandés si nous n’étions pas là pour faire diversion. Le fait que l’enquête sensible nous ait permis d’identifier la question des jeux enlevés et non remplacés, le succès de la manif d’enfants, le fait que nous ayons ensuite contribué à la vie du quartier, régulièrement, que nous ayons lancé le projet du café des enfants/café des possibles, l’engagement très intense de certain·e·s étudiant·e·s, la force des relations nouées aussi entre les uns et les autres, la création d’une association de quartier avec notre soutien actif… tout cela a fait que ces doutes se sont évanouis, que tout le monde a compris que notre présence ne relevait pas du tout de la diversion.
Les étudiant·e·s, quant à eux et elles, se sont interrogés chaque année sur leur légitimité : pourquoi est-on là, pour faire quoi, servir qui, au nom de quoi… Des questions justes, essentielles bien sûr, qui leur ont permis d’avancer pas à pas. Il y a eu des débats très intéressants, des désaccords parfois, mais finalement le fait de faire avec, de leur laisser un assez grand espace d’initiative, de participer à la vie du quartier en étant présents cinq jours par semaine, voire plus, a permis chaque année que des relations vraies et fortes se mettent en place, et que des réalisations tangibles et précieuses voient le jour.
Au rythme des temps forts et des nombreux échanges qu’ont pu se faire durant ces dernières années, des relations ont certainement dû se créer. Y a-t-il eu un impact sur la cohésion sociale du quartier ? Sur son identité ?
Quand des projets culturels un tant soit peu participatifs voient le jour dans un quartier, avec des apports extérieurs, des partenaires engagés, quand tout cela se fait autant que possible en co-construction, les bénéfices sont évidents pour la vie locale. Des liens se nouent et un « nous » prend forme — ou se renforce — au fil des mois. Mais ce « nous » ne réunit jamais tout le monde ! Tout le monde n’adhère pas, tout le monde ne participe pas, des rivalités demeurent, certaines autorités peuvent même se sentir menacées par cette dynamique nouvelle. Et c’est normal. Et puis, bien sûr, tout est fragile ! La vie associative n’a rien d’évident, comme chacun sait. Il me paraît évident par contre que la réussite des temps festifs, participatifs et collectifs qu’ont été les deux Fêtes du Printemps va laisser des traces positives dans les mémoires, servir de balises pour la suite, inspirer de futurs projets.
Concernant l’identité du quartier, difficile de répondre. Depuis 1993, année où le bailleur a repeint les barres en rose, ce micro quartier est appelé par ses habitant·e·s la Cité Rose. Nous avons évidemment joué avec cet élément d’identification en baptisant notre lieu commun l’Epicerie Rose. Et en fêtant les 30 ans du rose de la cité lors de la deuxième Fête du Printemps. Mais la Ville de Nanterre a je crois décidé récemment que les bâtiments seraient repeints d’une autre couleur…
La première phase des travaux de rénovation du quartier va bientôt débuter, entraînant notamment avec elle la démolition du local de l’Épicerie Rose. Que va-t-elle devenir ? Quelles sont les prochaines étapes à venir pour l’épicerie ?
Oui, en 2024, 80 logements vont être démolis, dont ce local. Pauline Leriche, l’Apes, et les membres de la nouvelle association cherchent actuellement un nouveau local en pied d’immeuble. Ce n’est pas simple. J’espère que la Ville comprendra l’importance de permettre à cette aventure de se poursuivre dans de bonnes conditions.
En ce qui concerne le Master, il quitte Nanterre avec une certaine tristesse, mais aussi avec la joie d’avoir fait naître ce projet de l’Epicerie Rose. Deux étudiantes y restent encore quelques mois dans le cadre d’un stage. Notre partenariat va se poursuivre avec L’Apes, nous préparons déjà une nouvelle saison pour le Master, dans un lieu que je ne peux pas encore révéler, en prenant en compte les remarques et suggestions faites par les étudiant·e·s de cette année.
Une poursuite que l’on espère aussi instructive et fédératrice que ces années passées à la Cité Rose. Ce modèle de pédagogie, qui repose sur un apprentissage à l’échelle 1, reste d’ailleurs encore très peu répandu en France. Pensez-vous qu’il porte ses fruits ? Est-il la forme d’apprentissage de demain, située entre la théorie et la pratique in situ ?
Les ancien·ne·s étudiant·e·s du Master que je croise régulièrement un peu partout considèrent avoir beaucoup appris dans le cadre des cours et aussi dans le cadre de ces projets à échelle 1. Étudier à cette échelle, c’est sortir de l’espace orthonormé de la salle de cours où l’on travaille de manière « abstraite » (parce que l’on s’est abstrait du monde) pour entrer dans un réel nécessairement bigarré et irrégulier, souvent imprévisible et changeant. Étudier à l’échelle 1, c’est faire des allers-retours entre théorie et pratique, comme dans toute recherche-action, alterner engagement et distanciation. Et aussi travailler à partir des difficultés, des freins, mais aussi des énergies et des ressources inattendues qui se présentent à nous.
Les projets à cette échelle sont certes compliqués à mettre en œuvre, comme tous les projets réels, et nous les mettons en œuvre dans des conditions parfois difficiles (notamment pendant les deux années Covid…), mais au final ils s’avèrent très formateurs. Cette pédagogie du projet, fondée sur l’expérience (que le philosophe John Dewey a bien étudiée), pour nos métiers de l’urbanisme culturel et des projets contextuels, est très précieuse.
Ce format d’apprentissage nécessite cependant un réel investissement et une grande volonté de la part des étudiants, cela n’est-il pas trop lourd à porter ?
L’investissement que demande ce Master est assez important. C’est une formation à temps plein. C’est pour la plupart des étudiant·e·s, leur dernière année d’étude universitaire, et iels apprécient cet engagement et cette intensité. Cette année toutefois, à la demande de certain·e·s étudiant·e·s, nous avons allégé un peu le programme en cours d’année. L’an prochain, l’activité sera également un peu plus réduite.