Le thème : Proximité(s)
Voisinage dans l’espace, rapprochement dans le temps, lien de parenté, similitudes des modes de vie, des sensations, des jugements… ainsi se définit la proximité.
Au cours de l’histoire, la ville a su offrir, encore plus que le village, des formes variées de proximité, mais toujours la relation de face à face et l’échelle de la marche y tenaient une place déterminante.
Dans la ville contemporaine, la proximité prend des formes nouvelles et constitue un enjeu majeur, que nous nous proposons d’aborder dans le cadre de l’Observatoire de la Ville.
À l’heure de l’opposition entre global et local, l’outil internet ouvre le champ de la proximité immatérielle et la mobilité transforme la proximité physique. Christian Devillers affirme : « il n’existe pas qu’une proximité dans la ville mais des échelles de proximité qui fonctionnent simultanément ». Alors que le déclin inéluctable des énergies fossiles fait craindre un renchérissement de la mobilité, la proximité de tout ce qui constitue une ville est vécue davantage comme un privilège. 74 % des français continuent à vouloir une maison avec jardin autour, alors qu’en réalité les plus fortunés – et surtout les plus âgés – paient très cher pour habiter en centre-ville et accéder à cette proximité des commerces et des équipements. Proximité et mixité fonctionnelle sont des notions qu’il faut envisager ensemble.Françoise-Hélène Jourda considère comme primordiale « cette forme de mixité qui permet de minimiser les temps de déplacement, les risques d’accident et apporte aux espaces publics une fréquentation quotidienne. » Cet enjeu majeur s’inscrit dans une mutation du contenu même de la proximité qui conduit notamment à ce qu’elle recouvre souvent des réalités très différentes pour l’élu, l’urbaniste, l’acteur économique et l’usager citadin.
L’enjeu dans la ville de demain ? Comprendre et envisager la proximité à l’aune des mutations qui l’accompagnent. Parmi elles, les commerces et les services, la mobilité ainsi que l’impact du numérique sur les pratiques, usages et attentes en termes de proximités.
Commerces et services, vers de nouvelles proximités
Le commerce est un élément-clé de création de vie et de liens à l’intérieur de la ville. Le développement des magasins alimentaires de petit format en centre-ville induit depuis une dizaine d’années une nouvelle proximité qui est propice à la création d’une vie de quartier autour d’un petit commerce diversifié. Dans le même temps, Michel Pazoumian constate que « pour la première fois depuis 1996, la croissance des surfaces commerciales ralentit fortement en France : 2012 confirme une logique moins extensive et plus sélective ». La ville s’étend pourtant et rejoint progressivement les hypermarchés et les galeries marchandes implantés en périphérie, et leur donne ainsi un nouveau statut qui pousse à les surdensifier.
En matière de commerce, assisterons-nous bientôt à la fin d’un modèle vieux de 60 ans qui repose avant tout sur l’automobile (« no parking, no business ») ? Quelle centralité développer dans le contexte péri-urbain ? Dans la très grande périphérie, des enseignes de la grande distribution deviennent promoteurs pour équiper de surfaces de vente des communes de 10 à 15 000 habitants au détriment de leur commerce de coeur de ville.
Ces stratégies du secteur privé ne prennent-elles pas le contrepied des politiques publiques de lutte contre l’étalement urbain et son corollaire de franges urbaines ? Pourra-t-on conserver longtemps encore l’opposition entre centralité et périphérie alors que, selon une étude récente, tous les 7 ans, l’équivalent d’un département est artificialisé ? La nécessité du mouvement est une conséquence du besoin d’échanges.
La ville du mouvement, devenue l’agglomération du mouvement, est-elle pour autant la ville de l’échange ? Actuellement, la mode est au « drive », commerce sans animation opéré à partir du téléphone mobile du consommateur. Faut-il y voir le magasin du futur ? Nous allons en tout cas assister dans le commerce à la fin d’un modèle de relation au consommateur. La vente par internet, Ipad, Mobile et, bientôt, télévision, annonce des magasins différents par leur accueil, leur taille, leur implantation… l’enjeu d’une nouvelle proximité dans le rapport avec le client. Tandis que se développe le e-commerce, on constate que les marques se déplacent désormais autrement, avec la naissance par exemple de magasins éphémères. Ainsi les « foodtrucks », ces camions magasins qui viennent à domicile, sont liés au téléphone mobile et deviennent un jeu de piste avec la notion de recherche qualitative.
Distance, temps et accessibilité, enjeux de proximité(s)
L’expansion urbaine nécessite de nouvelles infrastructures pour les transports individuels et collectifs. Le développement de grandes agglomérations ou régions urbaines oblige à hiérarchiser les modes de déplacement et à créer des pôles d’échanges de transports intermodaux dans tout l’espace urbain. Aux usagers de trouver la meilleure façon de jongler avec ces composants. La mobilité est aussi une occasion de créer de nouveaux repères urbains – la station Vélib’ parisienne en est un exemple récent –.
La distance géographique n’empêche pas la proximité dans le temps grâce aux moyens de transports rapides. L’enjeu dès lors n’est pas d’être « à côté » mais d’être « connecté ». La vitesse en est un autre, elle qui permet de changer le rapport à la ville. Pour Nicolas Louvet, « la prise en compte de la proximité par le temps – la connexité – suppose aujourd’hui de s’intéresser surtout à la ville des liens », sachant par ailleurs que l’intensité urbaine joue sur les comportements de mobilité proche ou lointaine. Le rapport de l’usager à l’espace urbain dépend de la combinatoire des attributs fonctionnel, social et sensible.
Mais comment sortir du règne de l’automobile ? Sur les territoires façonnés pour l’usage de la voiture, et plus particulièrement en banlieue dense, quels modes de transport alternatifs proposer ? Le vélo électrique en libre-service a par exemple un rôle à jouer pour remédier à l’enclavement de certains quartiers périurbains. L’économie des transports passe également par des formes de circuit court de distribution, comme le système des associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, ou AMAP, qui repose sur la confiance et la responsabilité du consommateur. Peut y contribuer aussi l’autopartage qui permet de considérer en ville la voiture comme un instrument collectif de mobilité bon marché plutôt qu’un bien personnel coûteux dont la multiplication est facteur de congestion urbaine. Sur quels autres outils s’appuyer encore pour générer des espaces de proximité dans une économie décarbonée ?
Cultures du numérique, nouveaux liens et imaginaires de proximités
Alain Bourdin rappelle la possibilité de créer de la proximité en surfant sur le réseau Internet. Pour lui, « c’est une connexion qui n’engage pas », typique de « la force des liens faibles ». L’interconnected world paraît de plus en plus réduit au fur et à mesure que le Web étend sa toile. L’échange virtuel repousse les frontières de la ville et y favorise la création de nouveaux espaces de rencontres et d’échanges pour le travail et les loisirs… Quels sont les nouveaux modèles de proximité qui en découleront ? Des équipements dédiés en naîtront-ils ? Depuis quelques années, avec l’appui d’une volonté des municipalités, se développent dans au moins une bonne dizaine de pôles régionaux des lieux fédérant des initiatives numériques, baptisées les « cantines numériques ».
À partir de ces trois pistes de réflexion, l’Observatoire de la Ville souhaite partager de nouvelles définitions de la proximité et des actions qui peuvent permettre de la développer.
Frédéric Mialet
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