Le low-tech, un schéma possible pour les métropoles ?
Construire moins et mieux, tels sont les nouveaux défis de la fabrique urbaine. En opposition directe avec la notion de “high-tech”, le modèle “low-tech” s’impose en proposant non pas un retour en arrière, mais bien une avancée sociale et durable pour des villes plus accessibles. Bien que cette tendance low-tech apparaisse comme une solution idéale et vertueuse pour nos cités urbaines, son modèle est-il réellement compatible avec nos métropoles denses d’aujourd’hui ?
Le modèle high tech, incompatible pour l’avenir de nos villes
La ville high-tech est souvent perçue comme la réponse idéale aux enjeux de la croissance urbaine. Les grandes métropoles d’aujourd’hui, comme Singapour, New York ou San Francisco, suivent ce modèle pour devenir ultra performantes et ainsi améliorer la vie de leurs habitants. The Line, ville du projet Neom en Arabie Saoudite, n’en est qu’un tout autre exemple, une nouvelle forme de ville intelligente essentiellement basée sur les toutes dernières technologies.
Également appelées “smart cities”, ces villes se disent écologiques et se présentent comme la solution face aux enjeux environnementaux, mais elles ne sont pas exemptes de limites. Entre la dépendance aux technologies avancées très coûteuses et énergivores, et la tendance à accentuer les inégalités sociales et économiques, ce modèle de développement urbain pose inévitablement question. La ville low-tech se positionne donc comme une alternative de choix, une transition nécessaire pour pallier ces problématiques. Pour que la fabrique urbaine évolue durablement, “la low-tech invite simplement à chercher une juste mesure dans notre mobilisation des technologies.”
Les villes low-tech, une transition nécessaire ?
Dans un monde en pleine mutation, la manière de concevoir les villes doit perpétuellement évoluer afin de répondre aux enjeux actuels : satisfaire les besoins d’une population croissante et préserver les ressources naturelles tout en créant des environnements inclusifs et durables pour les générations futures. Dans ce cadre, le concept low-tech émerge en tant qu’alternative durable à la haute technologie et repose sur des principes simples et efficaces visant à construire des villes plus résilientes, plus inclusives et plus respectueuses de l’environnement. La ville low-tech privilégie ainsi des technologies et des matériaux simples, locaux et durables pour répondre plus spécifiquement aux besoins des habitants. Elle met également l’accent sur la participation citoyenne, l’agriculture urbaine et la réutilisation des espaces existants pour créer des villes plus vivantes et accessibles. Sans rejeter la technologie, la ville low-tech vise, a contrario, une « juste-mesure » dans son usage, en pariant avant tout sur l’intelligence humaine et un principe de sobriété.
Un modèle utopique ou réaliste ?
Ce modèle mise sur des solutions simples et accessibles en optimisant les ressources disponibles, en diminuant les coûts et en garantissant l’égalité d’accès pour tous les habitants. ”Elle pourrait se résumer par cette formule : faire mieux avec moins.” Les espaces urbains sont plus respectueux de l’environnement et intègrent une vision à plus long terme pour un avenir plus durable. Ce modèle alternatif vise notamment à renforcer la biodiversité en créant des jardins urbains pour faire naître des environnements plus sains et agréables pour les habitants.
La dimension environnementale n’est pas le seul angle d’action du modèle low-tech, la participation citoyenne est également au cœur du concept et permet aux habitants de participer activement à la conception et la gestion de leur ville, pour mieux répondre à leurs besoins tout en favorisant la cohésion sociale. Philippe Bihouix, directeur général de L’AREP nous l’explique clairement : “La vraie ville “smart”, c’est celle qui repose avant tout sur l’intelligence de ses habitants.“
Enfin, la ville low-tech qui se veut autonome et résiliente tente de répondre aux défis actuels liés aux crises environnementales et économiques en offrant une vision d’avenir certainement plus durable et plus humaine. À l’heure actuelle, le concept n’est encore qu’en phase expérimentale et émerge petit à petit aux quatre coins de la France. Certains territoires tentent ainsi d’intégrer cette approche dans leur fabrique urbaine, comme Bordeaux, Lille, Lyon, Strasbourg, ou encore Concarneau, en Bretagne, là où a été créé le Low tech Lab. Pionnière en la matière, la région bretonne souhaite d’ailleurs expérimenter la logique low-tech au sein des entreprises désirant changer leur manière de fonctionner et de produire, comme nous l’annonce Loïg Chesnais-Girard, président du Conseil régional de Bretagne : « On a tout ce qu’il faut pour former les entreprises. Maintenant, il faut intégrer ces techniques à l’industrie et voir ce qui fonctionne à taille réelle»
L’urgence de ralentir la cadence
En ces temps où les enjeux climatiques sont au cœur de nos préoccupations, les crises environnementales se multiplient sans répit. Selon le dernier rapport du GIEC, nous sommes face à un point de non-retour. “Les choix et actions mises en œuvre dans cette décennie vont avoir des impacts maintenant et pour des milliers d’années”. Les villes étant les zones les plus concernées par le développement technologique, elles sont les cibles premières de la sensibilisation à la low-tech. Sa philosophie répondrait aux défis urbains actuels, tels que la densification, l’accès au logement, la mobilité, la qualité de l’air, etc. La mise en place de politiques publiques favorisant sa diffusion semble donc inévitable afin d’agir rapidement et de sensibiliser les citoyens à ces enjeux et de les impliquer dans la construction de ces nouveaux modèles urbains.
Il est donc évident que nos modes de vie, de consommation et d’habitat doivent changer radicalement pour préserver notre écosystème planétaire. C’est ce que tente de promouvoir le Low Tech Lab basé à Concarneau. Lancée en 2014, cette association bénévole encourage l’innovation responsable en proposant des solutions techniques accessibles à tous pour réduire notre impact environnemental tout en répondant aux besoins de la vie quotidienne. Ateliers, conférences, livres, expérimentations, le low-tech lab favorise la diffusion de solutions low-tech pour construire un avenir plus sain, tout en renforçant la résilience des communautés locales grâce à une démarche collaborative et inclusive.
https://twitter.com/lowtechlab/status/1540709462800928768
Depuis juin 2022, le collectif, en collaboration avec l’ADEME et la région Bretagne, mène une expérimentation dans la ville toute entière afin de diffuser les pratiques et la philosophie low tech. Un premier atelier a eu lieu en octobre, rassemblant plus de 50 participants venant de structures candidates. Cet atelier avait pour but de définir la démarche low-tech et faire émerger une réflexion libre autour de la transition écologique et des objectifs à atteindre. Rassembler les participants et acteurs du projet était une première marche incontournable du programme afin d’instaurer de la confiance et de la communication au démarrage de cette expérience novatrice à l’échelle d’un territoire. Une démarche bien engagée mais qui reste encore à prouver son efficacité et sa durabilité au fil du temps.
Bien que la volonté humaine est grandissante et que plusieurs initiatives comme celles-ci émergent de plus en plus, le modèle low-tech peine à se pérenniser dû à son manque de prise en compte. D’après La Fabrique Écologique “Si nous sommes persuadés qu’une civilisation techniquement apaisée est possible, qu’elle s’invente déjà aujourd’hui, nous savons que les freins et les blocages au déploiement d’innovations et d’initiatives low-tech sont et resteront nombreux.” Le modèle low-tech a donc besoin de plus de visibilité, de partenaires et d’acteurs prêts à changer et évoluer pour intégrer ce modèle dans la fabrique urbaine. Vous l’aurez compris, les villes totalement low-tech ne sont pas encore pour aujourd’hui, mais quand pouvons-nous l’espérer ?