Le futur Village des Rosiers de Saint-Ouen : le symbole d’une conquête parisienne?
Bien connu pour son Marché aux Puces, Saint-Ouen développe actuellement tout un quartier en face de ce lieu emblématique. Mêlant des commerces avec des galeries d’art et d’artisanat, il vise à donner une nouvelle image de la ville avec une approche artistique et design pour créer un “village” sur le site de l’ancienne usine Wonder. Mais qu’est-ce que ce projet raconte de la transformation des communes limitrophes de Paris ?
Est-il encore possible de se loger dans le Paris intra muros ? C’est une question que de nombreux parisiens ou grand-parisiens se posent. En une vingtaine d’années, le prix de l’immobilier a explosé dans la capitale française. En cause : inflation foncière, diminution des terrains constructibles, effet Airbnb, concurrence des offres… Aujourd’hui Paris se place à la cinquième place des villes où l’immobilier est le plus cher au monde.
Parallèlement, le développement urbain de la petite couronne a également connu un grand coup d’accélérateur ces dernières décennies. Les espaces industriels et de stockage se sont peu à peu vidés de leurs activités, libérant d’importantes surfaces foncières. Les projets immobiliers y ont alors germé, transformant profondément certaines communes, accélérant également l’exode de nombreux parisiens intra-muros, à la recherche d’un immobilier plus accessible, vers l’autre côté du périphérique.
Mais qu’est-ce que racontent ces projets urbains qui foisonnent dans les villes frontalières à Paris ? Focus sur le “Village des rosiers”, vaste projet immobilier de 500 logements à 300 mètres de Paris et au cœur du quartier du Marché aux Puces de Saint-Ouen.
De l’usine Wonder à un projet immobilier haut de gamme
Tout commence comme une majorité des projets immobiliers parisiens : une friche urbaine résultante d’un déclin industriel de la ville de Saint-Ouen en attente d’un nouvel avenir.
C’est en 1918 que l’usine Wonder, fabricant de piles électriques, s’installe à Saint-Ouen. Après 66 ans d’activité, l’usine se retrouve en difficulté financière. Rachetée en 1984 par Bernard Tapie, l’usine fermera ses portes deux ans après. Nouveau retournement de situation, au début des années 90, le site est acquis par Bernard Steinitz, dit le “prince des antiquités”, figure incontournable des Puces de Saint-Ouen.
En 2012, cet acquéreur revend les bâtiments à la SNC Paris Periph, filiale foncière Volta, qui y installe un magasin Habitat ainsi que des galeries d’art et une guinguette.
BNP Paribas immobilier investit les lieux en 2017 et dépose un permis de construire pour la construction d’un ensemble immobilier de 500 logements. Sans consultation publique au préalable, le projet se confronte à une forte résistance : ce sont près de 70 recours qui sont déposés par des habitants et des commerçants. Ils déplorent la densité du projet, pointent du doigt l’omniprésence de la voiture ainsi que les nuisances liées au chantier, qu’elles soient sonores ou encore sanitaires à cause de la dépollution du site. Le permis de construire est cependant accordé en Juillet 2017 : c’est en tout 6 bâtiments de haut standing qui sortiront de terre pour un budget de 110 Millions d’euros.
Le Village des Rosiers, un nouvel eldorado à Saint-Ouen ?
Conçu dans un esprit de mixité, le Village des Rosiers accueillera dans ses 58 000 m2 une grande diversité programmatique. Autour de deux places piétonnes se déploieront 13 000 m2 de commerces, bureaux et restaurants, ainsi qu’un hôtel 4 étoiles, des galeries d’art et des ateliers faisant écho à la tradition artistique de Saint-Ouen.
📰BNP Paribas Immobilier insuffle une nouvelle dynamique au quartier historique des Puces de @villesaintouen avec le projet résidentiel « Le Village des Rosiers » aux portes de #Paris ➡https://t.co/u3FtNkQwA3 #BeyondBuildings #logement pic.twitter.com/AJiHg32SYL
— BNPP Real Estate (@BNPPRE_FR) November 26, 2019
Les 500 logements seront répartis dans 6 bâtiments assez denses et offriront une variété de typologies : plain-pied, duplex et maisons de ville accueilleront les futurs habitants. Les logements seront ouverts sur l’extérieur grâce à de larges ouvertures, terrasses et jardins privatifs.
C’est donc un projet haut de gamme, dont les espaces communs seront dessinés par la décoratrice Sarah Lavoine, qui va naître dans un quartier marqué par une identité artistique forte. Pourtant, l’arrivée de ce “village” dans le quartier n’est pas forcément acceptée par tous. L’un des arguments de contestation réside dans la construction de 750 places de stationnement, avec lesquels l’ancienne municipalité cherche à conquérir les antiquaires, en leur promettant une facilité d’accès pour les visiteurs.
Mais la plus grande crainte de la population locale est que le développement qu’un tel programme accélère l’augmentation des prix de l’immobilier à Saint-Ouen. Les appartements les plus luxueux, avec vue sur Montmartre, seront vendus à plus de 10 000 euros du m2, des prix équivalent au centre-ville parisien. Ainsi, alors même que la moyenne des prix au m2 du secteur, selon le site d’estimation immobilière Meilleursagents, est de 5 700 euros, le prix moyen de vente des logements du Village des Rosiers oscillera entre 7700 et 8500 euros du m2, de quoi faire grincer certaines dents.
Pourtant il semblerait que l’opération immobilière attire de nombreux intéressés. Fin novembre dernier, les 245 premiers logements mis en vente ont rapidement trouvé acquéreur, dont la moitié sont des parisiens en quête d’un immobilier moins cher. Assiste-t-on alors à une nouvelle forme de conquête parisienne ?
Les communes limitrophes à Paris sont-elles en passe de devenir les futurs arrondissements de la capitale ?
À l’image de Montreuil, surnommée le 21ème arrondissement de Paris, certaines communes, notamment du nord et de l’est ont connu ces dernières années une forte gentrification engendrant une hausse des prix de l’immobilier. La commune de Saint-Ouen ne semble pas échapper à cette logique : on décrit la ville comme le “nouveau Brooklyn parisien”, où art et bien-vivre se mêlent aisément.
Le développement des lignes de transport en commun vers ces communes a d’ailleurs facilité leur raccordement à la capitale. Le prolongement de la ligne 14 et de la ligne 11 dans les prochaines années appuient cette intégration. D’ici 10 ans verra-t-on une encore une réelle différence entre habiter le Paris intra muros et ces communes limitrophes ?
D’un point de vue des usages, de grands équipements culturels et sportifs tendent à se développer sur ces espaces : en sont les témoins, la construction des équipement pour les futurs Jeux Olympiques de 2024, le projet de la Seine Musicale de Boulogne-Billancourt, ou encore le futur projet de la Cité Universelle de Pantin.
Les tiers-lieux dans les friches qui foisonnent sur ces territoires activent et attirent de plus en plus de curieux, favorisant le déploiement des cultures alternatives et brouillant de plus en plus les limites entre Paris et sa banlieue.
Mais la transformation de ces territoires pose cependant une question : d’ici une vingtaine d’années, qui pourra encore vivre dans ces communes autrefois majoritairement populaires, qui pour le moment semblent encore parvenir à préserver leurs populations de l’explosion des prix de l’immobilier ?