Le fleuve : un potentiel de densification urbaine
« Sous le pont Mirabeau coule la Seine »… Source d’inspiration poétique ou picturale, le fleuve est souvent l’occasion de laisser libre court à la rêverie et à l’imaginaire. Au-delà de l’aspect esthétique, il est un élément fonctionnel et primordial autour duquel de très nombreuses grandes villes se sont bâties. Vécu à la fois comme un obstacle à franchir, une richesse naturelle ou un élément sauvage à dompter, nos rapports aux fleuves sont multiples et contradictoires. Pourquoi et comment aujourd’hui peut-on réinvestir le fleuve pour en faire un véritable potentiel de densification urbaine ?
Le fleuve : un patrimoine souvent délaissé
Si la plupart de nos villes se sont bâties autour du fleuve, aujourd’hui certaines ont tendance à lui tourner le dos. Dans des villes pensées pour la voiture, le fleuve devient plus un problème qu’il faut contourner et enjamber. Il n’y a qu’à voir les embouteillages sur nos ponts, points névralgiques sensibles redoutés par les citadins, pour s’en rendre compte. Dans une ville où l’on cherche à promouvoir la qualité de vie, retourner vers son fleuve devient une véritable nécessité. Le fleuve et la question de son franchissement en viennent à devenir un enjeu politique majeur. Pour autant, le fleuve doit-il simplement être considéré comme un axe routier de plus ? Si le fleuve est un espace public comme un autre, alors il est nécessaire qu’il soit partagé, que ses usagers puissent cohabiter et coexister. Nos ponts doivent donc être considérés comme des espaces multifonctions et pensés pour tous.
S’approprier le fleuve par l’art
Le fleuve est donc un patrimoine et bien commun où chaque citadin aspire à vivre différemment sa ville. Bien souvent, les infrastructures sont insuffisantes pour permettre aux riverains de s’approprier totalement cet espace. Pourtant, ils sont de plus en plus à avoir envie de véritablement vivre avec leur fleuve. Et comme dans bien des cas, l’artiste est précurseur de ce mouvement. Entre Nantes et Saint-Nazaire, c’est une véritable balade artistique qui s’est emparée de la Loire. Une maison dans la Loire, un bateau mou ou encore un serpent d’estuaire invitent le riverain à redécouvrir son patrimoine et à s’interroger sur son devenir. Plus récemment, l’exposition Aberrations poétiques à Mauves-sur-Loire a permis aux artistes de s’emparer d’un espace auquel personne ne prête a priori attention : les piles des ponts. En y installant des trompe-l’œil, les artistes nous permettent de regarder ce qu’habituellement nous ne voyons pas. L’artiste joue donc le rôle de médiateur entre le riverain et son patrimoine naturel et invite le citadin à se réapproprier son fleuve. Le designer, lui, va pouvoir proposer de nouveaux usages.
Pour une nouvelle approche du fleuve grâce au design
Il existe un contraste d’appréciation entre l’échelle du citadin et l’échelle urbaine. Les planificateurs urbains travaillent le fleuve comme un obstacle à franchir pour optimiser les flux et lier les quartiers entre eux. Alors que les citadins qui le côtoient au quotidien souhaiteraient faire du fleuve un espace de villégiature et de contemplation. Comment les designers peuvent participer à cette mutation souhaitée de tous ? Il ne s’agit pas là de proposer un énième ouvrage d’art mais plutôt de repenser et requalifier les infrastructures existantes. Pour Arthur Ripoche, étudiant en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique, il faut reconquérir cet espace aujourd’hui trop souvent laissé à la voiture. « Le pont est trop souvent pensé comme un ouvrage utilitariste, ses usagers doivent se plier à ses exigences. Pour moi, le pont doit pouvoir être un espace mutable où les usagers choisissent leur rythme. Pour cela, je propose de créer des espaces, escales, qui se greffent à l’existant ». Les escales d’Arthur interagissent avec l’histoire urbaine, s’animent selon les événements et révèlent des points de vue, permettant ainsi au pont de redevenir un symbole de la ville.
Par Arthur Ripoche, étudiant en 5ème année à l’Ecole de design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante (@zelia_d)