Le dresseur Pokémon est un urbaniste comme les autres

pikachu urbaniste
29 Août 2016

Difficile de passer à côté de Pokémon GO, le phénomène urbano-vidéoludique de l’été – et peut-être même de l’année. Sorti en juillet à travers le monde, ce jeu mobile marque un tournant dans la fabrique de la ville hybride – une ville dans laquelle le bit et l’humain ne font plus qu’un.

Ces derniers temps, de plus en plus de personnes traversent les rues d’un pas lent, presque flâneur… Vous en avez forcément croisés autour de vous, peut-être même sans le savoir : déambulant les yeux rivés sur l’écran, changeant parfois de trajectoire de manière désordonnée, s’arrêtant çà et là devant des bâtiments bien banals en apparence. Comment expliquer ces gestuelles étranges, qui sont apparues dans nos villes depuis quelques semaines maintenant ? La réponse tient en deux mots : Pokémon GO. Officiellement sorti le 24 juillet en France, ce jeu mobile, qui permet de capturer les monstres éponymes dans « la vie réelle » grâce à la réalité augmentée, n’en finit pas de faire parler de lui. On vous épargnera d’ailleurs la litanie de faits divers qui inondent ces derniers temps les médias pour se concentrer sur ce qui nous intéresse ici : la prospective urbaine.

pikachu urbaniste urbex exploration urbaine

Pikachu gonflable à la Parade de Thanksgiving de New York, par Angela Zhao

Concrètement, le jeu incite à l’exploration urbaine, les joueurs devant nécessairement « chasser » les créatures apparaissant aléatoirement sur la carte du monde – du vrai monde, donc. Cela se traduit par des balades au soleil car pour jouer, il faut se déplacer, redécouvrir son quartier, découvrir de nouveaux passages, de nouveaux lieux, mais aussi d’autres joueurs. De ce fait, le jeu contribue à refaçonner la ville telle qu’on la connaissait jusqu’alors, en lui appliquant une couche numérique et les pratiques qui vont avec. Dans le billet suivant, nous explorerons plus spécifiquement trois conséquences de Pokémon GO sur la vie citadine de ses utilisateurs. La première est d’abord urbaine : par différents aspects, le jeu invite à (re)découvrir son espace environnant, voire même à explorer des portions méconnues de son territoire.

Sérendipité urbaine, quand le jeu fait découvrir la ville

L’interface du jeu prend en effet la forme de la cartographie du monde réel, présentant vos alentours et se mettant à jour quand vous vous déplacez. Vous trouverez sur votre chemin plusieurs emplacements, les Pokéstops, vous permettant de vous ravitailler entre autres en Pokéballs (pour attraper les Pokémon). Attention toutefois : si les Pokéstops sont nombreux en zone urbaine, leur nombre chute drastiquement en dehors. Un véritable problème pour les joueurs en périphérie, qui a été abordé plus en détail sur Le Monde Pixels.
Se lancer dans une session de Pokémon GO équivaut donc à se balader en ville, et comme il n’est pas possible de savoir où les Pokémons vont apparaître (surtout depuis la fermeture de sites qui renseignaient leur localisation en temps réel, ndlr), naviguer de Pokéstop en Pokéstop permet d’ajouter un objectif à cette sortie, celle de découvrir de nouveaux lieux tout en étant dans le confort de la « ville ludique ». Cette démarche étrange du flâneur/dresseur, décrite plus haut, s’avère d’ailleurs tellement reconnaissable que des joueurs se repèrent du coin de l’œil à travers les rues et se mettent potentiellement à s’entraider.

Pokémon GO peut-il revitaliser les territoires ?

Pokémon GO ajoute donc à la réalité de nouveaux points de repères via les Pokéstops et les Arènes accueillant les combats de dresseurs (ceux-ci appartenant à l’une des trois « teams » du jeu – bleue, rouge ou jaune). Ces lieux virtuels ne se superposent pas qu’à des lieux touristiques ou historiques mais aussi à des endroits beaucoup plus quotidiens, voire des détails : une fresque colorée sur la façade d’un immeuble, une statue étrange, une plaque commémorative ou un arbre à la forme étrange.

Si leur identification est trop spécifique pour être due au hasard, comme en témoignent leurs noms parfois tarabiscotés, c’est parce qu’ils proviennent d’une base de données participative. Eh oui : la plupart des Pokéstops et Arènes ont en effet été créés par des joueurs eux-mêmes, et plus précisément ceux du jeu Ingress, développé par la même équipe que Pokémon GO il y a quelques années. Rien de plus logique, en un sens : qui connaît mieux la ville ludique qu’un joueur la parcourant en long et en travers ?

On imagine bien, dès lors, la manière dont les collectivités pourraient s’en inspirer. Le reportage ci-dessus le montre, les Offices de Tourisme de France et de Navarre n’attendaient que ça pour revitaliser leurs centres-villes ! Certains commerces aussi tentent de se positionner sur ce créneau. L’avenir nous dira si les Poké-leurres peuvent attirer les joueurs de manière significative. Quoi qu’il en soit, le jeu a d’ores et déjà permis de donner un nouveau souffle à certains lieux particulièrement peu touristiques : il en va ainsi de « la déchetterie et le rond-point du Super U à Châteauneuf », devenus des hauts lieux de la chasse au Pokémon rare…

La ville ludique est une ville de rencontres

Enfin, les convivialités. C’est l’un des points les plus mis en avant par la communauté depuis la sortie du jeu : sa capacité à rassembler les personnes dans la vraie vie et à pousser à la coopération, loin de l’image marginalisante habituelle des jeux vidéo. En effet, quand un Pokémon apparaît sur la carte, ce n’est pas la course au premier arrivé – premier servi mais une course contre la montre pour l’attraper. Si un Pokémon rare pointe le bout de son nez, il n’y a pas de raison de garder l’information pour soi, et l’esprit de coopération l’emporte sur la compétition. Il n’est ainsi pas rare de voir un dresseur prévenir celles et ceux qui l’entourent lorsqu’une perle arrive en ville, confortant les liens d’entraide évoqués plus haut.

Voilà ce qui arrive quand un Pokémon rare débarque à Central Park…

Cette immense chasse au trésor est d’ailleurs améliorée grâce à l’intégration d’un objet bien particulier : les « Poké-leurres », qui sont activés par un joueur pour attirer les créatures autour d’un point précis, mais qui peuvent être utilisés par les autres joueurs. Il suffit de se promener dans un parc de centre-ville pour le constater : les joueurs se rassemblent parfois par dizaines autour de ces appeaux virtuels, tissant des amitiés qui elles seront bien réelles. Certains en profiteraient même pour flirter, mais ceci est une autre histoire

Lisa Schaeffer

{pop-up} urbain
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Vos réactions

PP
30 août 2016

ça doit faire réfléchir les urbanistes, en particulier …

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