Le blog Demain la ville a soufflé sa 10ème bougie le 22 novembre
Tout au long de l’année, nous vous avons proposé de vivre à nos côtés ce 10ème anniversaire, à travers des vidéos de témoignages et prédictions, le lancement d’une nouvelle websérie La ville commence ici !, une série d’articles retro-prospectifs « Demain La ville dans le rétro ! », passant au crible du présent une prédiction énoncée il y a 10 ans, etc.
Pour clôturer cette année anniversaire, le 22 novembre, nous avons soufflé les bougies du blog Demain la ville, au Consulat, un tiers-lieu culturel qui prône l’art de vivre festif et engagé, situé en plein cœur du 11ème arrondissement de Paris.
Nous vous proposons de découvrir cela en images :
Entourés de celles et ceux qui nourrissent nos réflexions prospectives et participent à imaginer la ville de demain, 4 personnalités passionnantes et inspirantes nous ont fait l’amitié de nous en livrer leur vision.
Avec Anne Bourassé, Directrice Artistique du Consulat Voltaire nous avons plongé au cœur du projet artistique du lieu qui nous accueillait : une sous-station électrique comme un générateur d’énergie nouvelles. Lieu de création alternatif et hybride ; espace d’expositions, performances, concerts, atelier d’artiste , conférences, restaurant & bar. L’exposition collective « L’HUILE SUR LE FEU » était d’ailleurs accessible en avant-première.
Lauren Boudard, Cofondatrice de Climax, un média consacré à la révolution climatique, nous a rappelé que lorsqu’il s’agit de la crise climatique, tout aussi urgente et sérieuse qu’elle soit, on se doit aussi collectivement de tracer des horizons désirables sans être naïfs ou technosolutionnistes. Et ce constat, de se projeter dans un avenir qui ne soit pas un avenir à la Mad Max, vaut aussi évidemment pour la ville de demain. Parce qu’on a beau parler du grand départ de la ville vers la campagne, avec des reconversions spectaculaires de jeunes diplomés HEC en permaculteur, reste que la majorité de la France, 80%, vit dans des villes. Des villes polluées, bardées de pubs lumineuses et sans espaces verts. Un tableau déjà sombre, qui s’apprête à s’assombrir davantage puisqu’on prévoit que d’ici 3 décennies Bordeaux et Nice seront sous les eaux à +4°C, 10 à 25 canicules par an à Paris, le climat de Madrid à Lyon… Ça, c’est le futur tel qu’il est écrit ! Le futur tel qu’on l’entend aujourd’hui par les plus optimistes, ce sont des cités futuristes comme c’est le cas du projet délirant de The Line en Arabie Saoudite. Mais, pourquoi ne pas imaginer un futur de la ville beaucoup plus créatif ?
- Une ville qui rend les rues aux piétons
Qu’est ce qui se passerait si on supprimait la voiture individuelle des villes ? Selon une étude sortie dans le New York Times, la suppression des voitures individuelles permettrait aux piétons, aux bus et aux vélos de traverser New York à des vitesses inouïes : de Harlem jusqu’à la mairie en 30 minutes seulement contre 1h30min aujourd’hui. Le futur ce n’est donc peut-être pas la voiture électrique, mais plutôt pas de voiture du tout.
- Une ville qui réintroduit massivement le sauvage
Des villes comme Paris ou Londres ont 3 jours d’autonomie alimentaire. Aujourd’hui si on cultivait tous les toit plats de la capitale pour en faire des fermes, qu’on le faisait super bien et avec les meilleurs rendements, on couvrirait 7% des besoins en fruits et légumes des Parisiens. Réintroduire le sauvage, c’est une question d’autonomie alimentaire mais aussi d’adaptation climatique : dépolluer l’air et les sols, redonner sa place à la biodiversité ou encore mieux gérer le cycle de l’eau. Cela implique aussi de revoir nos représentations de la ville idéale, construites contre la nature et le sauvage, sur le modèle d’une forteresse, de la cité. C’est le cas avec Le Corbusier ou Ricardo Bofill, à l’origine de la cité d’Abraxas à Noisy Le Grand qui a donné l’inspiration à Hunger Games. Ce sont ces modèles qui ont forgé nos imaginaires urbains et qu’on doit aujourd’hui faire exploser.
- Une ville décroissante ?
C’est ce que Serge Latouche appelle “une ville à empreinte écologique réduite, entretenant un rapport étroit avec son écosystème”. Ce que nous dit Serge Latouche c’est que plutôt que de construire des villes nouvelles, c’est d’abord une autre manière d’habiter la ville à laquelle il faut penser.
Daphné Buiron, Glaciologue climatologue de formation, spécialiste des milieux polaires, nous a offert un récit d’approche écopoétique mettant en perspective un imaginaire positif et harmonieux de nos villes de demain, dans le contexte global de la transition climatique, de la vie dans les régions polaires, de l’interconnecté du vivant.
Daphné a proposé un récit de projection débutant au cœur des glaciers, sur les terres inuit, présentant comment les glaces polaires enregistrent l’histoire climatique de la Terre depuis des centaines de milliers d’années. Actuellement, entrer de ces lieux sauvages, nids d’espace et de calme, pour rejoindre nos villes est vécu comme une agression. La ville de demain saura-t-elle se retrouver avec sérénité? La ville demain, avant tout, existera-t-elle? Cela dépendra de notre capacité à enclencher dès aujourd’hui une transition radicale et pertinente, à transformer nos cités en lieux soigneux pour de chacun de nos sens, centrés sur l’humain et la connexion à la nature. Un patrimoine historique sauvegardé, une ouverture sur le monde. Permettons aux glaciologues de demain de lire dans les glaciers l’histoire d’une transition réussie vers une ère plus harmonieuse.
L’anthropologue urbaine, géographe et experte en mobilités Sonia Lavadinho a imaginé avec nous 4 messages cryptés pour le futur :
- Message 1 : le Grand Retournement démographique.
A l’horizon 2100, une partie du monde (dont une bonne partie de l’Europe) sera au bord de l’extinction car ces pays seront passés sous la barre du 1,0 pour le taux de renouvellement de la population. On ne naît plus, mais on ne meurt plus non plus : avec une espérance de vie d’un siècle en bonne santé, la cohabitation intergénérationnelle sur terre devient la norme non pas sur 2 mais sur 4 ou 5 générations. Comment l’immobilier, basée sur la croissance démographique et l’idée d’offrir un toit à la famille nucléaire, fera face à ce total retournement de la donne démographique ?
- Message 2 : L’habitat du futur sera Vivant ou ne sera pas.
Décarboner, végétaliser, intégrer la biodiversité « en surface » ne suffisent pas. Comment intégrerons-nous en profondeur et fondamentalement les flux et les cycles du Vivant dans nos bâtis ? Comment parviendrons-nous à respecter pour chaque m2 construit les limites planétaires ? Comment contrerons-nous l’entropie des bâtiments ? Les pistes de solution sont à rechercher du côté de la R&D de la Vie.
- Message 3 : La génomique des bâtiments
sera au cœur de la nouvelle façon de bâtir : maintenance et auto-réparation, réjuvénation et longévité, capacité d’adaptation face à un environnement qui change constamment et des modes de vie qui ne cessent d’évoluer. Le bâti ne pourra plus se permettre d’être inerte. Il aura certes un ADN de base, mais surtout un épigénome qui s’exprimera différemment au cours de sa vie. Il aura un microbiote tout autour de lui, une 2ème peau qui sera bien plus grande que lui, et il sera en symbiose servicielle et expérientielle avec le quartier et la ville, à la vie desquels il participe activement et démocratiquement, en synergie avec les autres bâtiments.
- Message 4 : La Société des bâtiments
Comment pourra naître cette intelligence collective des bâtiments qui s’associent en superorganismes ? Comment va pouvoir émerger cet internet des bâtiments qui communiquent entre eux dans la grande toile de la Vie de la ville ? Comment leurs substrats s’auto-organiseront autour de communs et d’une capacité collective à agir, à la façon du mycélium pour nos forêts ? Comment les bâtiments seront en capacité de décider eux-mêmes s’il vaut mieux se régénérer, changer de cap quant aux usages et assumer une autre vocation, ou être d’accord de mourir et être recyclés en un autre destin ?
La soirée s’est poursuivie en musique avec un concert live de Julia Jean-Baptiste et un DJ set de Eddie Megraoui.
Un grand merci à nos contributeurs, à nos lecteurs et à vous tous qui faites vivre notre blog depuis maintenant 10 ans!