Le ballon dirigeable peut-il représenter le futur du transport aérien ?

©Flying Whales
19 Oct 2022 | Lecture 3 min

Très à la mode au début du 20ème siècle avant d’être dépassé par l’avion, le ballon dirigeable est un mode de transport qui pourrait revenir sur le devant de la scène à la faveur des préoccupations environnementales. Certaines entreprises commencent d’ailleurs à en remettre en circulation, notamment pour accéder à certaines zones isolées. De quoi en faire un atout, demain, pour un transport aérien bas-carbone ?

Les récentes discussions au sujet de la décarbonation du transport aérien, par le biais de la mise en avant du nombre de trajets effectués chaque semaine en jet privé par des célébrités et entreprises, a permis de souligner à nouveau les freins qui persistent sur ce sujet. Un thème clivant, révélateur d’inégalités sociales et de biais dans notre manière de percevoir la transition écologique. Car aujourd’hui, seule 10% de la population mondiale utilise l’avion chaque année. On estime également, qu’en 2018, 1% de la population mondiale avait été responsable de 50 % des émissions de l’aviation. “En 2018, l’aviation civile mondiale a émis environ 1,1 GtCO2 , amont compris, soit ~2,56% des émissions mondiales de CO2” précise le Shift Project dans son rapport Pouvoir voler en 2050. Et la croissance mondiale du trafic aérien participe chaque année à augmenter son impact sur le climat. Ainsi, les émissions de CO2 du secteur ont augmenté de 42% entre 2005 et 2019 en raison de la croissance du nombre de passagers et de vols commerciaux.

Pour répondre à cette problématique, il existe deux voies principales qui sont celles qui s’opposent dans la plupart des débats sur ce sujet. La première serait de réduire le trafic aérien en encadrant davantage cette activité. C’était le sens de l’une des propositions de la Convention Citoyenne sur le Climat qui souhaitait, par exemple, interdire les vols commerciaux pour lesquels il existe une alternative à 2h30 de train. Récemment, c’est donc la proposition d’interdire les vols en jet-privé qui a fait son chemin, ou en tout cas celle d’encadrer davantage l’aviation d’affaires. Entre autres leviers, on peut citer le fait de densifier les cabines pour accueillir davantage de monde en vol, débat sur la taxation du kérosène où encore des mécanismes financiers proches de celui de la “taxe Chirac” qui est une taxe de solidarité sur les billets d’avion. En sus, il existe également un travail à réaliser pour valoriser davantage les offres de transport bas-carbone voire notre manière de penser les voyages.

À l’opposé – ou en complément de cette vision – une autre ligne défend les progrès technologiques qui devraient, si tout se passe bien, permettre de conserver le même niveau de fonctionnement et de service avec des alternatives bas-carbone. Beaucoup d’espoirs se tournent ainsi vers l’hydrogène. Airbus a par exemple annoncé l’année dernière qu’elle souhaitait mettre en service en 2025 un premier démonstrateur d’A380 équipé de réservoirs à hydrogène liquide. Moins clinquant et beaucoup plus original, un autre mode de transport refait surface ces dernières années qui utilise lui aussi l’hydrogène comme mode de propulsion : le ballon dirigeable.

©Julbalof90 sur Getty Images

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Une invention centenaire qui renaît de ses cendres

Inventé à la fin du 18ème siècle et développé par de grands industriels (les frères Montgolfier en France, la très célèbre firme Zeppelin en Allemagne), les ballons dirigeables ont longtemps préfiguré l’essor de l’aviation moderne. En 1910, c’est une entreprise française (Clément-Bayard) qui réalise la première traversée de la Manche (Paris-Londres) par un ballon dirigeable avec 7 personnes à son bord. En 1929, c’est un dirigeable de la firme allemande Zeppelin, le LZ 127 Graf-Zepelin, qui effectue pour la première fois un tour du monde. Au total, cet appareil totalisera plus d’un million et demi de kilomètres parcourus au cours de 590 vols, dont 143 traversées de l’Atlantique. D’une manière générale, entre 1928 et 1937, ce sont 13 110 passagers qui empruntent ce mode de transport.

Cependant, de nombreux accidents tantôt liés au mauvais temps et tantôt à l’inflammabilité de ces engins, ainsi que les progrès technologiques dans l’aviation, finiront par mettre fin à l’exploitation commerciale des ballons dirigeables au milieu du 20ème siècle. Mais dès les années 1990, l’entreprise Zeppelin est relancée et elle conçoit alors des ballons dirigeables qui ont vocation à servir de supports publicitaires. Il en existe 3 de la sorte.

Plus récemment, c’est pour le transport de marchandises et l’accessibilité des zones isolées que ce mode de transport séduit. L’entreprise française Flying Whales, basée à Bordeaux, travaille depuis 2012 sur un immense ballon dirigeable dédié au fret commercial. Capable d’emporter 60 tonnes de marchandise, il pourrait représenter une alternative pour desservir des zones éloignées des circuits logistiques classiques, pour apporter du matériel sur des zones sinistrées et isolées où pour le transport de certaines charges difficiles à manier. Signe que le sujet intéresse plus que ce qu’il n’y paraît : l’entreprise a levé 122 millions d’euros en juin dernier, accueillant notamment parmi ses actionnaires l’État français, via le fonds French Tech Souveraineté, opéré par Bpifrance, et la Principauté de Monaco, via la Société nationale de financement.

En Espagne, la compagnie Air Nostrum va plus loin et envisage de mettre en service un ballon dirigeable à destination du tourisme. Fabriqué en Angleterre, il serait capable de transporter 100 personnes sur des trajets de 300km à 400km de distance. Alors, demain, le ballon dirigeable pourrait-il représenter notre nouvelle manière de voyager par les airs ?

Pour le moment, beaucoup d’incertitudes sont encore à lever sur ce créneau. En particulier pour des questions de sécurité au vu de l’historique funeste de l’invention. Il existe aussi des réserves sur le mode de propulsion de ces engins qui est encore à améliorer, car ils mêlent généralement de l’hydrogène ou de l’hélium avec des moteurs électriques et parfois du kérosène. Néanmoins, la possibilité de recroiser ces engins dans le ciel dans quelques années n’est plus une utopie.

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