L’attractivité territoriale à la recherche des étudiants

18 Jan 2024 | Lecture 4 min

Alors que les conditions de vie étudiante se dégradent au sein des grandes métropoles françaises (coût de la vie et du logement trop élevé…), les petites et moyennes villes cherchent chaque année à attirer de nouveaux étudiants. Équilibre démographique, création de bassins d’emplois, attractivité territoriale…. Autant d’enjeux que la présence étudiante semble réguler.

Quels outils les collectivités mettent en place ? Qu’est ce que ce phénomène raconte des modes de vie estudiantins ? Demain, les grandes métropoles seront-elles vidées des étudiants ?

La précarisation étudiante, une réalité spatialisée

Depuis plusieurs années, les conditions de vie des étudiants se dégradent. La crise de la Covid-19 a été vécue comme une double peine pour de nombreux étudiants, qui se sont bien souvent retrouvés non seulement isolés, mais aussi fortement impactés financièrement avec l’arrêt soudain des “boulots étudiants”. Une première précarisation qui ne s’est malheureusement pas améliorée durant les années qui ont suivi. En effet, les étudiants sont aujourd’hui les premières victimes de l’inflation. Une réalité que l’Observatoire de la Vie Étudiante cherche à mettre en avant à travers un travail d’enquête annuel. Les résultats sont alarmants puisqu’”un étudiant sur quatre déclare ne pas avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins de première nécessité, et un étudiant sur cinq rencontre de grandes difficultés financières.”

La difficulté à se loger n’épargne également pas les étudiants. À la rentrée de septembre 2023, l’Union étudiante décompte près de “87 000 d’étudiants qui ont commencé leur année universitaire sans logement, et plus d’un étudiant sur deux, soit 1,5 millions d’étudiants est mal logé”. Derrière cette réalité, l’Union étudiante déplore le manque cruel de logements universitaires du CROUS, et appelle à la construction en urgence de 150 000 nouvelles chambres pour répondre aux besoins.

Les métropoles, où les difficultés à se loger sont intensifiées par la pression foncière, sont devenues au fil des années des territoires où les conditions de vie étudiantes sont les plus rudes. Pourtant, ce sont également elles qui concentrent la grande majorité des établissements : 70 % des étudiants sont scolarisés dans un des établissements d’enseignement supérieur se trouvant en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales. Une particularité française (en Angleterre par exemple, les grandes écoles sont installées dans les petites villes) qui pénalise les petites et moyennes villes dans le développement de projets universitaires.

Le modèle de métropolisation de l’enseignement supérieur semble aujourd’hui trouver ses limites et certaines moyennes et petites villes y voient une opportunité réelle : celle de maintenir et d’attirer des étudiants sur leur territoire en leur promettant une meilleure qualité de vie.

L’attractivité étudiante, un vecteur de dynamisme territorial ?

Mais alors pourquoi certains territoires cherchent à tout prix à attirer des étudiants ? Cela répond tout d’abord à un enjeu démographique : celui du vieillissement de la population française. Selon l’INSEE, le nombre de Français âgés de 75 à 84 ans va augmenter de 50 % entre 2020 et 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions. Pour certains territoires, où la part de personnes âgées est déjà au-dessus de la moyenne nationale, il est donc urgent d’anticiper ce phénomène en attirant des étudiants qui demain s’installeront sur le territoire, et participeront au développement économique.

Mais au-delà des enjeux démographiques, il s’agit également pour les plus petites communes de rentabiliser leurs équipements. Car accueillir des étudiants, c’est assurer l’augmentation  de fréquentation de ses équipements sportifs, bibliothèques, restaurants et bars. Un véritable enjeu pour certains territoires qui peinent à maintenir un niveau d’équipements à la hauteur des besoins des habitants.

Il semblerait donc que certains territoires aient tout intérêt à attirer un maximum de nouveaux étudiants. Car actuellement, un territoire qui accueille des étudiants est un territoire qui va bien. Une image redorée qui servirait d’autant plus à attirer investisseurs et entreprises à s’installer, et donc accroître leur attractivité.

Quand la concurrence est rude

Nombreuses sont les petites et moyennes villes qui aujourd’hui cherchent à accueillir davantage d’étudiants. Et pour se démarquer, elles n’hésitent pas à mettre en avant des arguments singuliers en mettant en œuvre des campagnes de communication et marketing territorial des plus originales. Campagnes d’affichages, réseaux sociaux, clips vidéo, tous les moyens sont bons pour attirer de nouveaux publics, ou encore pour maintenir celles et ceux qui souhaitent partir étudier dans les grandes villes.

L’agence d’attractivité Caen-la-Mer a misé sur l’humour pour faire le plein dans ses amphithéâtres pour la rentrée universitaire de 2023. Le clip vidéo de 3 minutes sort totalement des conventions de la communication institutionnelle classique et cherche à déconstruire le mythe de la déception étudiante de “finir à Caen”.

Joli coup de communication réalisé par la ville puisque ce sont les étudiants caennais eux-mêmes qui vantent les mérites de la ville et plus largement de la région Normandie.

Dans un style tout autant étonnant, la ville de Metz a choisi de mettre en valeur ses qualités, au détriment de certaines villes. Le clip vidéo de promotion illustre à travers un rap “Metz c’est mieux” l’ensemble des points forts d’une vie estudiantine messine : culture, bars, paysages, activités… Le tout avec une pointe d’humour et beaucoup de pep’s. Mais c’est surtout les conditions de vie que le coup de communication met en avant : “Trop cher d’aller à Paris, trop loin d’aller à Perpi, trop peur d’aller dans une ville pourrie […], cherche pas c’est la meilleure ville pour étudier ! ”.

Et les plus petites villes ?

Même si elles ont moins de budget, les plus petites villes misent elles-aussi sur l’attractivité pour séduire de nouveaux étudiants à travers des projets universitaires de pointe. La commune de Saint Nazaire a inscrit dans sa candidature Action cœur de ville de 2019 la dimension estudiantine. Avec l’ambition d’accueillir 1000 étudiants supplémentaires, la ville a développé un projet de Campus du numérique qui participe activement au dynamisme du centre-ville. Malgré sa proximité avec Nantes, Saint-Nazaire prouve elle aussi que les petites villes ont leur place à prendre dans le paysage universitaire français.

Le cas de Saint-Nazaire est loin d’être une exception : Roanne, Nevers, Cannes, Niort, Valence, Angoulême, Saint-Brieuc… Autant de petites communes qui ont ou sont en train de développer des projets d’enseignements supérieurs ambitieux et organisent peu à peu une concurrence réelle aux grands pôles universitaires du territoire. Sommes-nous en train d’assister à un phénomène de décentralisation de l’enseignement supérieur ? Les grandes villes deviendront-elles un jour totalement hostiles à la population étudiante ? Une chose est sûre, elles le deviennent peu à peu aux plus précaires. Comme les petites et moyennes villes, elles doivent elles-aussi chercher à innover et à offrir aux étudiants des conditions de vie plus sereine en répondant à leurs besoins et en leur garantissant l’accès aux droits fondamentaux que sont se nourrir et se loger.

LDV Studio Urbain
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