L’ASL : un outil efficace pour assurer l’émergence d’espaces et services communs

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9 Mar 2022 | Lecture 3 min

Au sein des syndicats de copropriété, il n’est pas toujours évident de gérer et de pérenniser l’élaboration d’espaces et services communs à toutes et tous. Espaces extérieurs végétalisés, cabane de bricolage, parking mutualisé, autant d’équipements qui peuvent à la fois grandement faciliter les rencontres et liens entre voisins, tout comme créer certaines difficultés.

Nous interrogeons Cédric Lefeuvre, directeur général du cabinet Lefeuvre, administrateur de biens basé à Nantes, qui s’est spécialisé dans la conception et la gestion d’espaces et services communs, via l’accompagnement d’Associations Syndicales Libres.

Pour commencer, pourriez-vous nous détailler l’intérêt et le fonctionnement de cet outil qu’est l’Association Syndicale Libre et pour quelles raisons le cabinet Lefeuvre s’est spécialisé sur ce sujet ?

L’Association Syndicale Libre est un outil destiné à mettre à disposition d’usagers, puis assurer la gestion, d’un certain nombre de services sur un territoire. Il s’agit avant tout de la création d’une association dont les membres et le mode de fonctionnement sont définis par l’aménageur d’un projet urbain et dont le statut permet une grande liberté d’actions. L’équipe du cabinet Lefeuvre est en partie dédiée à la direction de ces ASL. Le cabinet s’engage également dans des actions de sensibilisation, d’information et de formation auprès des professionnels de la fabrique urbaine, en animant des ateliers lors d’événements tels que les rencontres du Réseau National des Aménageurs.

“Nous sommes entrés assez naturellement dans ce corps de métiers. En tant que gestionnaires de biens, nous avons rapidement pris conscience d’une problématique particulière : les personnes qui construisent les bâtiments et les quartiers ne sont pas celles qui les habitent et les investissent. Depuis quelques années, il y a en effet un certain nombre d’opérations immobilières, dont les aménagements et services communs proposés aux futurs résidents sont, certes bien imaginés, mais dont la gestion n’est pas nécessairement bien définie.

Notre ambition a donc été de mettre à disposition des professionnels de la fabrique urbaine un accompagnement adapté, non plus en tant que gestionnaire mais en tant qu’AMO (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage) gouvernance et économie des services bas-carbone. Nous avons notamment travaillé avec des promoteurs dont Bouygues Immobilier, afin de leur apporter notre expertise et de les conseiller sur la pérennisation des services urbains.

Et cela, nous le mettons en place à travers deux outils principaux : l’Association Syndicale Libre et l’application numérique My Proximity. La complémentarité de ces deux outils permet de gérer de manière optimale les services proposés au sein d’un quartier, en simplifiant notamment leur mise à disposition via, par exemple, des droits d’accès temporaires à un service ou espace collectif. Cela permet également de créer de nouvelles formes de dialogue entre les parties prenantes d’un territoire, de l’usager au propriétaire en passant par le bailleur.”

©Cabinet Lefeuvre

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Vous travaillez actuellement avec Nantes Métropole Aménagement en tant qu’AMO pour la gouvernance du futur quartier Pirmil-les-Isles. Tout comme la SAMOA, NMA est un aménageur soucieux et engagé dans la création de nouveaux usages, durables et fédérateurs, au cœur de son territoire, ainsi que dans l’activation d’usagers-acteurs. Dans cette même logique, de quelle manière la création d’une ASL permet de (re)donner du pouvoir à l’habitant dans l’évolution et l’animation de son cadre de vie ?

“Je considère l’ASL comme un véritable outil démocratique. Cela permet en effet de mettre le vivre-ensemble au cœur des problématiques d’un territoire et d’organiser collectivement la vie du quartier. Les habitants peuvent ainsi (re)prendre la main sur leur lieu de vie en décidant ensemble des services à mettre en place. L’ASL étant une imbrication de la copropriété, il ne s’agit pas de construire un modèle d’adhésion et de subvention mais de gestion de biens communs. Il s’agit finalement du “chapeau de tête” des différentes instances qui gèrent et investissent un espace urbain.”

Depuis quelques années, un service de conciergerie s’est ajouté aux actions et compétences du cabinet Lefeuvre, dont les thématiques clés se concentrent autour de la mise à disposition d’espaces communs, notamment de coworking, mais aussi de parkings mutualisés.

Notre objectif est d’impliquer l’habitant dans la vie de son quartier mais également de mobiliser les structures associatives et collectifs locaux. Nous sommes devenus experts sur certains sujets, dont la gestion de parkings et d’espaces communs. En revanche, notre équipe n’a pas de compétences spécifiques dans l’agriculture urbaine ou bien dans la mobilité active. C’est la raison pour laquelle notre travail consiste aussi à identifier les acteurs locaux au sein d’un territoire, et d’assurer, avec eux, la gestion des services et espaces imaginés. Récemment, nous avons par exemple mobilisé une association locale sur un macro-lot de 400 logements afin d’animer un atelier-formation des gestes de premier secours, à la place de la Croix-Rouge. La qualité de services dépend, entre autres, de cette complémentarité entre associations engagées localement et professionnels de la fabrique urbaine”.

Justement à ce sujet, la gouvernance de projet, ou même la gouvernance de territoire, est une problématique en constante évolution. Certains pouvoirs publics souhaitent aujourd’hui légitimer l’action et le rôle des citoyennes et citoyens au sein de la fabrique urbaine. De plus, il devient de plus en plus nécessaire, dans une dimension sociale mais aussi écologique, de construire les nouveaux projets urbains avec des partenaires locaux. Comment votre fonction de “chef d’orchestre” participe-t-elle à cette dynamique ?

“Dans un premier temps, il s’agit d’assurer la fluidité et la simplicité des échanges entre chaque partie prenante. Des logiques de planification, d’organisation sont à prévoir, notamment pour préparer les assemblées générales qui définissent les futures actions de l’association. Les propriétaires étant les seuls votants au sein d’une ASL, notre objectif est nécessairement de mobiliser les locataires comme les collectifs d’habitants et de les impliquer dans l’évolution de la vie du quartier. De la même manière qu’un comité de résidents au sein d’une “résidence services”, notre rôle consiste à recueillir leurs avis, besoins et idées, de faire preuve de pédagogie afin qu’ils soient représentés pendant les AG.

L’idée est aussi de réussir à doter l’ASL de moyens de communication efficaces pour que les décisions, les services mis en place soient connus et investis par les usagers. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en phygital, c’est-à-dire que nous menons des actions à la fois en physique et via une plateforme digitale. Cela permet de cibler et de s’adresser à plusieurs tranches de la population.

Nous tenons enfin à créer des ponts entre les différentes parties prenantes qui, bien souvent, fonctionnent en parallèle, notamment celles qui sont investies en amont et celles qui le sont en aval du projet. Nous sommes convaincus, et c’est bien tout l’objectif d’une ASL, que l’intérêt commun ne peut émerger qu’à partir d’un véritable dialogue entre les ambitions des aménageurs, les propositions des promoteurs, les engagements des collectivités et les attentes des habitants.”

La direction de l’ASL agit finalement comme un tiers, prenant en charge, non plus la gestion des factures, litiges juridiques ou contrats techniques tel que pourrait le faire un syndic de copropriété, mais bien la création et gestion d’animations pouvant générer du vivre-ensemble. Ce rôle assure la mise en œuvre permanente de l’adéquation entre l’offre et la demande, ainsi que l’évolution pérenne des services proposés, et ce, pour l’intérêt général.

© Dylan Gillis via Unsplash

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Vos projets et vos actions concernent particulièrement les macro-lots. Pourquoi est-ce la bonne échelle, plus que celle de l’immeuble, pour créer et gérer des espaces et services communs ? Ces derniers peuvent-ils facilement s’ouvrir aux usagers du quartier, et non seulement aux résidents ? L’ASL peut-elle suffire à garantir l’activation et la bonne gestion d’un nouveau quartier ?

“Raisonner à l’échelle de l’immeuble augmenterait nécessairement les coûts d’exploitation de l’opération immobilière. Il s’agit d’adopter une logique de coût global d’une opération d’aménagement. Nous travaillons actuellement aux côtés de Nantes Métropole Aménagement sur la ZAC Pirmil-les-Isles, et leur réflexion à ce sujet est intéressante. Avant même le lancement des appels à projet, l’aménageur a décidé de réunir les potentiels promoteurs, coopératives et bailleurs qui pourraient demain investir le quartier, ainsi que les acteurs locaux, afin de penser les services à une échelle globale, notamment en termes de coûts d’investissement et d’exploitation. De cette manière, chaque opérateur ne réfléchit pas aux services sur un îlot en particulier mais bien sur l’ensemble du quartier et peut, de fait, commencer à l’intégrer dans son bilan financier.

Outre l’aspect économique, il s’agit également de réfléchir à l’aspect pratique. Dans une opération d’aménagement telle que Pirmil-les-Isles, il est certain que les différents îlots n’émergeront pas dans la même temporalité. Il est donc nécessaire de travailler sur une échelle globale afin que les services puissent être mis en œuvre dès l’arrivée des premiers habitants.

Concernant l’ouverture des services de l’ASL aux usagers du quartier, la dimension digitale que nous évoquions précédemment permet justement d’accompagner cette démarche. Via l’application, chaque personne peut en effet avoir un accès, plus ou moins limité selon les règles de l’ASL, aux services et animations du quartier. Cet outil permet finalement de créer du véritable sur-mesure”.

Les disciplines regroupées au sein de la fabrique urbaine ont aujourd’hui un certain devoir, notamment celui de répondre aux multiples crises écologiques, économiques, sociales et aujourd’hui sanitaire, que nous traversons. Des concepts, des innovations, des nouveaux modèles émergent quotidiennement pour tenter de relever ces défis. Quels leviers d’actions l’ASL peut-elle avoir à ce sujet ?

“Je pense que les enjeux et problématiques liés à la mobilité peuvent devenir des leviers d’actions importants pour participer à la création de villes plus durables et plus agiles, notamment autour du sujet des parkings. Demain, les fonctions que nous leur attribuons pourraient évoluer vers des mobilités décarbonées ou même vers de nouveaux usages. L’idée étant aujourd’hui, de fait, de ne pas figer la destination d’un ouvrage, mais de le rendre flexible. C’est en tout ce que nous essayons de faire avec la gestion et l’exploitation de parkings mutualisés au sein du cabinet Lefeuvre. Nous promouvons cette flexibilité du parking mutualisé qui permet, entre autres, d’optimiser le nombre de places de stationnement disponibles en fonction des besoins réels d’un quartier. Nous soutenons également cette capacité à ne pas figer l’avenir au sein d’un équipement collectif, et à réfléchir à des innovations, des opportunités d’évolution. Cela peut par exemple se concrétiser, sur le moyen et long terme, par la transformation d’un parking en entrepôt pour des solutions de stockage du dernier kilomètre.

Nous pensons également, de la même manière que nous labellisons aujourd’hui les quartiers éco-responsables, qu’il pourrait être pertinent de réfléchir à une labellisation, à un gage de qualité d’une opération immobilière reposant sur l’offre de services communs et partagés. Peut-être pourrons-nous demain accompagner le développement d’un futur label garanti par les ASL…”

 

 

LDV Studio Urbain
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