L’agriculture urbaine est-elle plus polluante que l’agriculture conventionnelle ?
Une récente étude menée par l’université du Michigan jette un pavé dans la marre : elle estime ainsi que l’agriculture urbaine émet plus de CO2 que l’agriculture conventionnelle. Des travaux qui pourraient permettre de mieux choisir les sites et les types de cultures réalisées en ville afin d’optimiser l’efficacité de cette méthode.
L’agriculture urbaine est un système reconnu par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) comme une nécessité afin de permettre le développement durable. Mais ce type d’agriculture est-elle vraiment plus vertueuse que l’agriculture en plein champ ? Une récente étude menée par l’Université du Michigan, et publiée fin janvier dans Nature Cities, se montre plutôt critique sur le sujet.
En effet, après avoir étudié 73 sites d’agriculture urbaine en Europe et aux États-Unis, elle estime que l’empreinte carbone des aliments issus de l’agriculture urbaine serait six fois supérieure à celle de l’agriculture conventionnelle : environ 420 grammes équivalent CO2 contre 70 grammes équivalent CO2 par portion.
Mais alors, faisons-nous fausse route à ce point en souhaitant cultiver les sols urbains ? Pour les chercheurs, tout dépend du type d’aliments cultivés et du type d’exploitation. Ils estiment que leurs travaux pourraient justement permettre d’optimiser et rationaliser l’agriculture urbaine afin de la rendre plus performante en matière de Développement Durable.
Une agriculture pas toujours optimisée ?
Création de jardins partagés, mise en place de potagers sur les toits, dans les parkings souterrains, création de ceintures maraîchères en zones péri-urbaines, éco-pâturage ou encore cultures dans des containers : l’agriculture urbaine est multiforme et s’inscrit comme une alternative crédible face à la raréfaction des terres cultivables et l’artificialisation des sols. Elle permet aussi de participer à la végétalisation des villes, de cultiver des produits alimentaires sans pesticides et de développer la vente en circuit-court.
Aujourd’hui, on retrouve principalement deux types d’agricultures urbaines. Il y a la culture en pleine terre, notamment via les jardins et les potagers urbains. Et puis il y a une agriculture urbaine plus technologique via l’utilisation de techniques et procédés comme l’hydroponie et l’aquaponie, ou encore ce qu’on appelle l’indoor farming qui consiste à créer de véritables “fermes verticales” dans des espaces clos (containers, caves, parkings) et hautement contrôlés par la technologie pour recréer des conditions de cultures idéales (température, humidité, luminosité).
Et c’est justement sur ce point que les chercheurs insistent pour juger de la pertinence écologique de l’agriculture urbaine, autant que sur le type d’aliment cultivé. Les scientifiques estiment ainsi que certaines cultures et certains sites surpassent l’agriculture conventionnelle.
Orienter l’agriculture urbaine vers certains types de culture
Sans atténuer les impacts négatifs de l’agriculture conventionnelle sur la biodiversité ou la qualité de l’eau et des sols, il faut retenir que ce type d’agriculture a réussi – par les quantités produites et des économies d’échelle sur les matériaux, les ressources et les transports – à optimiser leurs impacts. Au contraire des exploitations urbaines qui sont souvent plus récentes, plus petites et qui génèrent donc d’importants impacts en matériel, en ressources et en transport.
Cette différence explique en grande partie les résultats de cette étude. Mais les scientifiques ont aussi relevé des exemples contraires. Par exemple, les tomates cultivées en plein air dans les parcelles urbaines produisent moins d’émissions de CO2 que celles cultivées dans les serres conventionnelles.
Pour d’autres cultures, qui sont généralement transportées par avion, la différence d’émissions serait négligeable. Ces exemples suggèrent que les acteurs de l’agriculture urbaine pourraient atténuer leur impact sur le climat en optant pour des cultures habituellement cultivées en serre ou soumises au transport aérien.
Enfin, certains types d’exploitation présentent aussi des résultats positifs. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence que 25% des jardins potagers exploités en ville surpassent nettement l’agriculture conventionnelle. Il s’agit principalement des jardins qui ont une durée de vie importante et qui tirent partie de l’économie circulaire (notamment avec le recours au compost) pour limiter leur impact.
Ces exceptions suggèrent que les praticiens de l’agriculture urbaine pourraient réduire leur impact environnemental en cultivant des cultures généralement cultivées sous serre ou transportées par avion, ainsi qu’en maintenant les sites urbains pendant de nombreuses années et en tirant parti de la circularité.