La « forêt mosaïque », une stratégie française face au changement climatique
Pour préserver la beauté de nos forêts, mises à mal par la hausse des températures, la France s’est dotée d’une stratégie unique au monde : la forêt mosaïque. Une technique qui doit aider les forêts à s’adapter au climat grâce à un savant mélange d’essences plus résistantes au climat futur.
La forêt joue un rôle crucial dans la régulation du climat en assurant la séquestration du carbone. Grâce à la photosynthèse, elle capture le CO2 de l’atmosphère et le stocke dans ses différentes composantes, des feuilles et branches aux troncs, racines, et même le sol. Le bois, en tant que matériau, maintient également le carbone capturé pendant toute sa durée de vie, que ce soit sous forme de bois d’œuvre, de meubles, ou d’objets divers. De plus, le bois peut se substituer à d’autres matériaux plus énergivores, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cependant, malgré l’importance de la forêt en tant que puits de carbone, son état en France est de plus en plus préoccupant. Bien sûr, la forêt française s’est considérablement étendue ces dernières années, couvrant actuellement un peu moins d’un tiers du territoire. Néanmoins, avec l’augmentation des températures et des périodes de sécheresse, sa santé se détériore rapidement.
Depuis 2018, plus de 300 000 hectares de forêts publiques, l’équivalent de 30 fois la superficie de Paris, ont connu un taux de mortalité sans précédent. Ce phénomène s’intensifie, et on estime qu’à l’horizon de 50 ans, la moitié de la forêt française pourrait radicalement changer de physionomie à cause du réchauffement climatique.
Une détérioration qui se manifeste par le dépérissement des peuplements forestiers, la propagation de parasites et d’insectes ravageurs, une augmentation des incendies de forêt, et des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes et graves. À titre d’exemple, les incendies ont causé la perte de 17 000 hectares depuis 2019. C’est deux fois plus que la surface brûlée entre 2008 et 2018.
Adapter les forêts, un enjeu majeur
Face à la menace croissante du changement climatique, il est devenu impératif de ne pas seulement compter sur les mécanismes naturels de résilience des forêts. En effet, les mécanismes d’adaptation naturelle, bien que précieux, sont en moyenne dix fois trop lents par rapport à la rapidité prévisible de l’évolution du climat. Même s’il subsiste des incertitudes quant à l’ampleur et à la rapidité de ces changements climatiques à venir, l’urgence d’agir se fait sentir.
Alors, pour aider les forêts à s’adapter à ces bouleversements, les forestiers de l’ONF ont opté pour une approche proactive, en misant sur la diversification des essences et la variabilité des pratiques sylvicoles. Cette stratégie se concrétise notamment par le concept de la « forêt mosaïque » qui consiste à introduire une diversité de peuplements et de méthodes de gestion forestière au sein d’un même espace.
Cette approche diversifiée comprend des arbres de différents âges et tailles, permettant ainsi une coexistence harmonieuse de différentes générations d’arbres. La forêt mosaïque intègre également les arbres naturellement présents dans la zone, préservant ainsi la biodiversité locale, des « îlots de vieillissement » et des « îlots de sénescence » composés d’arbres qui vont continuer à mûrir jusqu’à leur effondrement naturel, contribuant ainsi à la création de niches écologiques uniques. Elle est enfin complétée par des zones humides ou encore des taillis, qui naissent à partir de souches d’arbres. Cette approche se base aussi sur deux piliers : la migration assistée des essences et ce que l’ONF appelle des “îlots d’avenir”.
Accompagner les forêts dans leur transition
La « migration assistée des essences » se présente comme une stratégie innovante pour aider les forêts françaises à s’adapter au changement climatique. Cette approche vise à maintenir au maximum les espèces déjà présentes, à l’exception de leur origine. Une illustration de cette démarche est l’implantation de plus de 7 000 chênes et hêtres du sud de la France dans certaines forêts du Grand-Est. L’objectif de cette opération est d’évaluer si ces arbres méridionaux résistants seront en mesure de se reproduire suffisamment avec les arbres autochtones et de résister à la hausse des températures prévue dans 70 ans.
Une autre expérience novatrice tentée par l’ONF est celle des « îlots d’avenir. » Ces dispositifs expérimentaux sont composés de petites parcelles, allant de 0,5 à 2 hectares, dans lesquelles les forestiers, avec le soutien des scientifiques, peuvent introduire des essences déjà présentes dans le sud de la France ou provenant d’autres pays, telles que le sapin d’Espagne ou le chêne faginé du Portugal.
Près de 200 de ces « îlots d’avenir » ont été établis en forêt publique en France. Ils ne visent pas directement le renouvellement opérationnel de la forêt, mais plutôt à mener des recherches scientifiques pour recueillir des données précises sur ce qui sera possible et souhaitable en matière de renouvellement forestier dans un horizon de 20 à 30 ans. Ces îlots apporteront des informations essentielles pour éclairer les décisions futures en matière de gestion forestière.