La ville sans voiture, une illusion ?
En ville, l’automobile n’a plus la cote. Ne jurant plus que par les transports doux, les municipalités « démotorisent » l’espace urbain. Pourtant, la voiture devrait toujours avoir sa place dans la ville du futur. À condition de s’adapter aux nouvelles normes environnementales et aux nouveaux usages citoyens.
Du Michigan, on connaît surtout la ville de Detroit, l’antre des trois légendaires constructeurs automobiles américains (Ford, Chrysler et General Motors), durement touchée par la crise au point d’être déclarée officiellement en faillite, en juillet 2013. Mais l’État du midwest abrite également Mackinac, petit village situé sur l’île du même nom, en plein lac Huron. Moins célèbre que la « Motor city », Mackinac a la particularité de ne pas avoir été traversé par le moindre véhicule à moteur depuis 1898, quand le conseil des citoyens décida, du jour au lendemain, de bannir les voitures de l’île. Cent-quinze ans plus tard, Mackinac s’apparente toujours à un petit paradis naturel, royaume des adeptes de la petite reine. Avec ses 13 km de côte, la route M-185 permet aux promeneurs à deux roues de profiter du paysage sans être contraints de serrer leur droite à tout prix. Et seules deux ambulances ont le droit d’arpenter les rues de la ville, en cas d’urgence médicale…
Paria de la mobilité
Mackinac n’est-il que le vestige d’un passé qu’on croyait révolu ? Ou bien faut-il voir dans la petite île du Michigan le signal faible d’un avenir urbain où la voiture n’aurait plus sa place ? La question est légitime, à l’heure où toutes les grandes métropoles – en particulier en Europe – lancent d’ambitieux programmes visant à réduire la place de l’automobile dans l’espace urbain.
Polluante, bruyante, épuisante… Chez nous, la voiture n’as plus la cote. Emblème des Trente Glorieuses triomphantes, elle est aujourd’hui le bouc émissaire idéal des maux de la ville, le paria des nouvelles mobilités de l’ère numérique. Portée par un certain nombre d’associations et de mouvements citoyens et écologistes (Carfree, Vélorution…), la demande pour une ville sans voiture reçoit de plus en plus d’écho. Le récent succès de la « Journée sans voiture » dans les métropoles européennes en témoigne. Les municipalités ne sont pas insensibles à ce culte du transport doux. L’automobile voit ainsi se multiplier les mesures hostiles à son égard, à l’image du péage urbain ouvert à Londres en 2005 (15 euros pour pénétrer en centre-ville), de la politique de circulation alternée mise en oeuvre en Chine, ou des milliers de pistes cyclables qui mordent aujourd’hui sur un bitume longtemps réservé aux quatre roues.
De quoi donner une certaine crédibilité à la vieille hypothèse d’un futur débarrassé de l’automobile. Une option que la Commission européenne elle-même envisageait sérieusement au début des années 1990. Un rapport commandé par le commissaire à l’environnement de l’époque laissait ainsi entendre qu’une ville sans voiture serait une solution plus écologique mais aussi plus économique : « Selon la densité de l’agglomération, la ville sans voiture coûterait de 2 à 5 fois moins que nos cités congestionnées », pouvait-on lire dans ce document, d’après l’association Carfree qui a consacré sur son site un article à ce rapport devenu aujourd’hui introuvable.
Bouchons cyclistes
Et pourtant, la voiture a encore de beaux jours devant elle. En 2013, plus d’un milliard de véhicules sont en circulation dans le monde. Un chiffre qui devrait doubler d’ici à 2020, sous l’effet notamment de l’élargissement considérable de la classe moyenne dans des pays comme la Chine, l’Inde ou l’Indonésie, où la plupart des ménages aspirent à posséder leur propre véhicule. La Chine s’est déjà imposée en 2009 comme le premier marché automobile mondial. Un marché qui a connu une croissance de 12% au cours des sept premiers mois de l’année 2013 et devrait représenter un tiers des ventes mondiales à l’horizon 2020, avec 25 millions de véhicules particuliers vendus en moyenne chaque année…
L’utopie d’une ville sans voiture n’est donc qu’un doux rêve, un vœu pieu. Et des projets comme celui de « Great City » – une écoville chinoise attendue pour 2020, où tout sera mis en oeuvre pour décourager l’usage de la voiture – s’apparentent finalement à de minuscules gouttes d’eau dans un océan de particules fines. Les mégapoles asiatiques ont bien conscience qu’elles n’échapperont pas à l’impasse écologique et logistique que représente le trafic automobile. Une lucidité qui explique leur volonté de mettre rapidement au point des véhicules propres, sécurisés et automatisés. Des modèles futuristes que ne devraient pas renier non plus les villes européennes. Lancée par Renault à l’automne 2012, la mini-voiture Twizy est souvent présentée comme le prototype du véhicule urbain de demain. Compact, silencieux, 100% électrique et pouvant se garer n’importe où grâce à sa petite taille, le véhicule préféré de David Guetta devrait se démocratiser, malgré une autonomie limitée. Autre type de véhicule en partage promis à un bel avenir : le rickshaw, plus connu sous le nom de « tuk-tuk ». Engin à trois roues typique des mégapoles asiatiques, il est déjà en train de s’imposer dans les villes africaines. Mais le tuk-tuk du futur ne ressemblera pas forcément aux voiturettes aux couleurs vives à bord desquelles on peut grimper à Bangkok ou New Delhi. Peut-être aura-t-il plutôt les courbes épurées du Den Riki Sha, rickshaw futuriste imaginé par les designers du constructeur d’automobiles de luxe Maybach.
Moins rapides, moins encombrants, les véhicules urbains devraient vite trouver leur public, même si les mobilités douces continueront demain de séduire toujours plus de citoyens. Une conversion massive aux deux roues qui ne suffira pas à régler les problèmes de circulation et de congestion, puisque des villes comme Copenhague, au Danemark, ou Groningue, aux Pays-Bas, sont déjà victimes du succès de la bicyclette : « Les pistes sont tellement embouteillées qu’il faut parfois attendre deux ou trois feux avant de pouvoir traverser un carrefour », déplore Niels Torslov, chef urbaniste à Copenhague, dans un article du Spiegel traduit par Courrier International. Les embouteillages du futur se règleront-ils à coups de sonnette plutôt qu’à coups de klaxons ?
Vos réactions
Bien qu’étant un fervent défenseur du vélo comme moyen de déplacement urbain et quotidien, il ne faut pas pour autant penser que l’on puisse se passer des voitures. Ces deux moyens de déplacement sont complémentaires.
Le problème que l’ont rencontre est que bon nombre d’automobilistes pourraient utiliser un autre moyen de déplacement (transport en commun, vélo, marche). Heureusement les mentalités changent, même si cela prend du temps.
Comme vous l’avez dit, il faut prendre exemple sur des villes comme Amsterdam ou Copenhague qui ont énormément de cycliste mais toujours des voitures. Les Amstellodamois, par exemple, utilisent leur bicyclette pour se déplacer en centre-ville et leur voiture pour se déplacer à l’extérieur sur des distances plus longues.
Je pense qu’on ne pourra pas se passer de voiture (même si je le fais depuis des années) mais les centres-villes français vont progressivement laisser la place aux piétons et aux modes de déplacements dits doux (comme j’aimerais que ce soit déjà le cas dans le marais à Paris).