La ville piétonne : à la reconquête de l’espace urbain

« Il faut adapter la ville à la voiture. » La formule, restée célèbre, est de Georges Pompidou. Et nous sommes dans le regret de constater que son injonction a été suivie d’effets. Aujourd’hui, on serait tenté d’utiliser la formule inverse : il faut adapter la ville au piéton. Car en plus des bienfaits évidents sur la qualité de l’air, limiter les voitures dans nos villes permet aussi de les décongestionner et donc de faire des économies. Et on le sait : marcher c’est bon pour la santé. Alors comment revoir la conception de nos villes pour inciter les usagers à se déplacer de la façon la plus naturelle qui soit : en marchant ?

La ville piétonne - Tours ; Crédits : Cécilia Ramos

Comment inciter les gens à se déplacer en marchant ? ; Crédits : Cécilia Ramos

Pour des villes apaisées

Nous le savons tous : revenir un maximum à la marche à pied est une étape du développement durable de nos villes. Pourtant, nous avons du mal à nous y faire. A l’heure où l’on cherche à prôner la mixité, il faut sans doute réinterroger notre modèle basé sur la séparation des flux. Car si nous sommes aussi peu enclins à pratiquer la marche, sans doute est-ce dû aussi à un problème de design urbain. La volonté d’atténuer la présence de l’automobile en ville est de plus en plus présente et certains usagers préconisent le retour à une sorte de lenteur et aux valeurs d’autrefois. Apaiser une ville consiste à éloigner les voitures du centre ou à autoriser leur accès de façon contrôlée et en réduisant leur vitesse de déplacement. La vie locale ne prédomine pas lorsque la vitesse maximale autorisée pour les véhicules est de 50 km/h car, dans cette configuration, la cohabitation entre les usagers est impossible. Le but d’une ville apaisée est donc de réussir à gérer la présence de la voiture en ville en réduisant sa vitesse et en rationalisant l’offre de stationnement. Tout ceci afin de limiter les nuisances dues au transit de véhicules et de permettre la cohabitation entre les usagers en tout point de l’espace public. Il s’agit donc essentiellement d’une articulation pertinente des différents outils de pacification mis à disposition par la réglementation. La ville apaisée vise à rendre les lieux de vie et les espaces de cohabitation harmonieux entre les différents modes de déplacements.

Vers un « pedestrian empowerment »

Se réapproprier sa ville. C’est le mot d’ordre lancé depuis une trentaine d’années par des citoyens qui s’insurgent contre le tout automobile et veulent donner jour à des villes à taille humaine. Faire du neuf avec du vieux, c’est en quelques sortes le concept proposé par le New Urbanism. L’idée est de valoriser les composantes les plus intéressantes de l’urbanisme ancien pour le développement durable et la mixité sociale : courtes distances favorisant la marche et le vélo, densification suffisante pour permettre la viabilité d’activités commerciales, mixité sociale et spatiale des habitants et des activités. Certains vont même plus loin en proposant de développer le New Pedestrianism, théorie selon laquelle l’espace urbain doit être pensé pour être praticable à pied. Par extension on commence à parler de Walkable Urbanism, qui tente de promouvoir un développement urbain basé sur la marche et où la référence même est le piéton. La notion de marchabilité a été inventée pour mesurer «le score de mobilité pédestre» d’un lieu ou d’une habitation et évaluer les actions visant à réhabiliter la marche. A Londres, par exemple, c’est la règle des 5C qui détermine la marchabilité d’un lieu : «connected, convivial, conspicious, comfor-table, convenient». Ce nouvel urbanisme conduit au concept «d’espace partagé» qui propose une autorégulation décente et intuitive de l’espace et de la chaussée notamment par un design urbain adéquat. Le morcellement de l’espace, l’utilisation de la chaussée pour la vie culturelle locale, l’abolition de la perspective rectiligne sont autant d’éléments mis en œuvre par le principe du shared space notamment à Bath (Royaume Uni), ou Drachten (Pays Bas).

Marcher ludique pour marcher plus

Si le design peut être mis en cause dans le désintérêt porté à la marche à pied, il peut également venir au secours de cette dernière. Lucie Boudet, étudiante en cinquième année à l’Ecole de Design Nantes Atlantique, en a fait l’objet de son Projet de Fin d’Etudes : « je me suis demandée comment inciter à la pratique de la marche, notamment sur les rives de la Loire ou de l’Erdre à Nantes ». Pour elle, une des solutions se résume par le terme ludique. Elle souhaite privilégier une approche par le jeu, avec une application numérique dédiée, qui pourrait permettre de redécouvrir la ville, à l’instar des geocatching. Elle travaille également sur la lumière et envisage une sorte de parcours lumineux qui permettrait de rendre les berges attractives, particulièrement de nuit. Marcher ludique, la clé du succès ? En tout cas des opérations éphémères comme Paris Plage ou la Nuit Blanche contribuent à le faire penser.

Paris plage - Paris ; Crédits : Besopha

Le succès de Paris Plage montre qu’une pratique ludique incite à la marche ; Crédits : Besopha

 Par Lucie Boudet, étudiante en 5ème année à l’Ecole de Design Nantes Atlantique option Mutations du cadre bâti, et Zélia Darnault, enseignante.

L'École de design Nantes Atlantique
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