La ville iceberg : synergie entre l’espace souterrain et la surface
9,5 milliards. Selon les prédictions de l’ONU, c’est le chiffre qu’atteindra la population mondiale en 2050, dont plus de la moitié vivra en milieu urbain. Mais dans des villes qui semblent déjà saturées, comment parviendrons-nous à vivre tous ensemble ? Sommes-nous condamnés à nous entasser les uns sur les autres ? Pas forcément, car il est des espaces encore peu ou pas exploités dans nos villes actuelles, et les espaces souterrains sont de ceux-ci. Se pose alors une question : comment valoriser au mieux ces espaces, dans une optique de ville iceberg, c’est-à-dire d’une ville où les synergies entre le souterrain et la surface sont optimales ?
Quelles fonctions pour le sous-sol ?
Vivre sous la terre peut paraître une idée saugrenue. Pourtant, force est de constater que nous passons d’ores et déjà une partie de nos journées enterrés : parkings, centres commerciaux, transports en commun, voies de circulation. On a donc aujourd’hui tendance à rejeter en sous-sol les fonctions que l’on ne veut pas en surface. Pourtant, il existe de réels potentiels à exploiter ce sous-sol autrement. Et nos voisins britanniques l’ont bien compris : dans la capitale anglaise réputée pour ses prix du foncier excessifs, quelques habitants se sont transformés en taupes, agrandissant ainsi leur habitat par le bas et créant de véritables espaces de vie sous le niveau de la terre.
Aujourd’hui, cette tendance est difficilement exportable en France, faute de réglementation et de législation claire sur le sujet, mais elle permet de démontrer que l’on peut utiliser le sous-sol de multiples façons, et pas seulement comme le réceptacle des fonctions indésirables en surface.
Favoriser les synergies entre le sous-sol et la terre ferme
Aujourd’hui, prétendre simplement occuper l’espace souterrain ne suffit plus. Car pas question de répéter en sous-sol les erreurs qui ont été faites en surface. Avant de se lancer dans une telle entreprise, une réelle connaissance du terrain, de ses spécificités et contraintes s’impose. Il ne s’agit pas d’y faire n’importe quoi, n’importe comment.
Les potentiels et atouts de l’espace souterrain sont une porte d’entrée pour une nouvelle urbanité qui partage intelligemment ses activités humaines dans l’espace urbain afin d’en optimiser les usages et la perception. Et c’est en considérant non plus l’espace souterrain et la surface comme deux espaces distincts mais bien comme la prolongation l’un de l’autre où des synergies doivent se créer que l’on pourra utiliser durablement nos sous-sols.
La ville doit donc non plus être pensée comme une simple banquise, mais bel et bien comme un iceberg où la surface immergée offre parfois un bien plus grand potentiel que la surface émergée.
Optimiser l’espace souterrain par le design
Afin d’être pertinent dans la conception des villes de demain, il est impératif de mutualiser les connaissances des acteurs urbains en cohésion avec les besoins des futurs utilisateurs. Dans ce contexte, le designer doit veiller à imaginer de nouvelles méthodologies de travail, en lien avec l’innovation, les usages, la réflexion collective afin d’aller vers une utilisation raisonnée de l’espace. L’espace souterrain est donc un défi dans la conception de projets urbains, qu’ils soient utopistes ou simplement alternatifs. Dans un objectif de valorisation de ces espaces, et afin de mettre en visibilité la nécessité d’une synergie « dessus-dessous », le designer doit avant tout gérer le passage de la surface à l’espace souterrain, c’est à dire l’immersion en sous-sol.
C’est dans cette optique que Thibaud Leduc, étudiant en deuxième année de cycle master Ville durable à L’École de design Nantes Atlantique, s’est intéressé à l’un des symboles de ce passage de la surface au sous-sol : les bouches de métro.
Pour Thibaud, « le designer dispose de nombreux outils agissant sur les différents sens humains. Il doit avant tout gérer le travail des ambiances, c’est à dire créer une dimension physique par les espaces et les objets, mais aussi une dimension humaine et sociale. Les espaces souterrains étant confinés, il devra aussi veiller à créer de l’ampleur pour pallier le sentiment de claustrophobie ». Le but du projet est alors de permettre le réenchantement de l’espace et de l’usage des transports, mais aussi de donner une dimension unique en créant une expérience lors de l’utilisation. Le travail consiste aussi à la mise en valeur des codes urbains présents à la surface afin d’accompagner le cheminement des utilisateurs à travers les profondeurs, que ce soit par la signalétique, le travail sonore ainsi que l’intégration de lumière naturelle. Cette typologie d’outils n’est qu’un exemple des possibilités d’investissement de l’espace souterrain afin d’optimiser l’espace urbain en surface. Sa mise en visibilité participe à l’ouverture de nouveaux champs de conceptions et permet d’amorcer une nouvelle forme d’urbanité qui harmonise son espace en surface en lien avec ses souterrains : la ville iceberg.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique.
Vos réactions
Certaines villes du continent nord-américain fonctionnent déjà sur 2 niveaux.
Non pour des raisons théoriques mais pour des raisons pratiques.
On connaît l’exemple de Montréal, la « ville volcan » où on se « rapproche du centre de la terre » pour se réchauffer.
Je viens de découvrir avec Houston une « ville iceberg » où du fait de la chaleur extérieure la vie quotidienne du down-town se fait en sous-sol.
Ca existe et ça s’est fait naturellement sans discours idéologique ni planification.