La ville de demain sera-t-elle blanche ?
Parce qu’ils sont sombres, les toits en zinc absorbent énormément de chaleur. Pour baisser la température et rafraîchir la ville, les élus parisiens se posent la question de repeindre les toits en blanc.
Monochrome 2035
C’est toujours pareil, à l’approche du printemps, le carnet de commande d’Abel ne désemplit pas. Lui et son équipe de couvreurs sont sur-sollicités pour intervenir sur les toitures parisiennes. Depuis la nouvelle réglementation incitant les propriétaires à repeindre leurs toits en blanc, il y a ceux qui anticipent et ceux qui s’y mettent avec les fortes chaleurs. Lui qui était spécialisé dans la pose et l’entretien de toits en zinc, il a dû s’adapter en vitesse à cette nouvelle demande. Imaginez-vous l’opportunité, tout Paris à repeindre ! Ou presque… Face à la levée de boucliers des défenseurs du patrimoine, la mairie n’a pas osé prendre des mesures contraignantes, mais d’autres solutions se sont popularisées. Certains végétalisent ou posent des panneaux solaires quand d’autres laissent leur toit intact, quitte à rendre les appartements sous les toits insalubres et interdits à la location l’été. Dans les copropriétés, on continue de s’écharper pour savoir qui finance les travaux. Les étages inférieurs rechignent à mettre la main à la poche alors que les étages supérieurs – notamment les chambres de bonne – étouffent.
Une question de santé publique
C’est une réalité, les toits en zinc parisiens contribuent à renforcer l’effet d’îlot de chaleur et sont pointés du doigt. En raison de leur aspect sombre, ils absorbent les rayons du soleil et peuvent atteindre des températures supérieures à 60°C en journée. S’ils étaient plus clairs, ils réfléchiraient davantage les rayons et dissiperaient mieux la chaleur ; c’est ce qu’on appelle l’albédo. Mais ils participent aussi à l’identité architecturale de Paris… « Le problème c’est que si on ne touche pas aux toits, une partie de Paris va devenir insalubre. Il y fera trop chaud une partie de l’année et la valeur du bien va baisser » explique Alexandre Florentin. Élu à la ville de Paris, directeur de la Carbone 4 Académie et coauteur du rapport Paris à 50°C, il résume les différentes options au micro du podcast Demain et durable. « Peindre en blanc ça marche bien mais ça change l’aspect et il faut refaire tous les dix ans ; changer de matériau, ça change l’aspect et le poids ; isoler par l’intérieur, ce n’est pas toujours satisfaisant sur le long terme. La solution qui me plaît le plus, c’est de rajouter des terrasses légères sur les toits, comme à Venise. »
L’heure des choix
Selon les prévisions, Paris pourrait connaître des vagues de chaleur en moyenne 34 jours par an d’ici 2080, contre 14 jours par an dans les années 2010. Selon la revue scientifique The Lancet, Paris est la ville d’Europe où le risque de mourir en cas de canicule est le plus élevé, à cause de la forte densité de population. Premier adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, Emmanuel Grégoire confirme l’importance du débat pour la ville de Paris et la nécessité de faire des arbitrages. Il affirme d’ailleurs son attachement au style parisien en zinc. La question se pose aussi pour les toits des voitures ou pour le goudron des rues. Les élus parisiens recommandent de le remplacer par des surfaces claires et poreuses, où s’infiltrerait l’eau, comme dans les cours Oasis. Pour Alexandre Florentin, « c’est un débat à la fois politique, technique et organisationnel ». Mais pour l’instant, rien n’est tranché.