La Traverse, un podcast sur la résilience des territoires
Dans le prolongement du cycle d’articles sur l’association Villes et Décroissances, nous découvrons le podcast La Traverse qui depuis plusieurs mois sillonne le territoire français à la recherche des bonnes pratiques d’aménagement durable.
“Transitions en terrain connu”
« Le projet que nous portons, c’est aussi un projet pour la ruralité, un projet pour nos campagnes », lançait le candidat Macron à pleine voix lors du meeting à Châtellerault pendant l’entre deux tours de 2017. C’est sur cette phrase que commence le générique du podcast La Traverse, dans un collage sonore qui superpose aux chants d’oiseaux des bruits de réacteurs d’avion.
Essentiellement tourné vers les métropoles, l’aménagement du territoire en France mène à une impasse. La compétitivité et la globalisation accroissent les inégalités en ignorant les enjeux environnementaux. Dans l’ombre des pôles urbains, la ruralité est abandonnée à son sort. Parcourue de nombreuses initiatives en faveur de l’environnement, elle est pourtant un élément clé de la transition écologique.
Dans l’ombre des métropoles
Voilà le postulat des auteurs du podcast, Alexia, Maxime et Solène, que Demain la Ville connaît puisqu’ils sont déjà passés par notre site. Étudiants en 2018, ils s’impatientaient que leur enseignement n’approfondisse pas sérieusement les problématiques écologiques. Diplômés, ils sillonnent maintenant la France à la rencontre des territoires oubliés par la croissance. Plus qu’un catalogue d’initiatives, il s’agit de décrypter les stratégies mises en place par des élus et habitants pour s’adapter au changement climatique et améliorer leur résilience.
Certains territoires sont directement impactés par le changement climatique, lorsque les sécheresses successives inquiètent les éleveurs, comme dans le Boischaut-Sud, à cheval sur les département de l’Indre et du Cher. D’autres le sont de manière plus indirecte : à Coaraze dans l’arrière pays niçois, le tourisme est une source de revenu autant qu’un risque durable pour les écosystèmes naturels. La primauté accordée aux activités destinées aux habitants a permis d’épargner cette commune médiévale du tourisme de masse qui sévit sur la Côte d’Azur, mais elle continue à poser question.
Quelle résilience exactement ?
« Le terme de résilience s’est imposé comme notre grille de lecture explique Alexia Beaujeux. Mais c’est problématique, il est repris par tout le monde et on ne sait plus très bien de quoi il s’agit. » Pour tenir leur cap, les auteurs du podcast identifient cinq axes de résilience : les trois axes de l’autonomie développés par Rob Hopkins (alimentation, énergie, solidarité) auxquels s’ajoutent la santé et l’économie.
Ça s’est affiné, les deux derniers axes ont été ajoutés parce qu’ils sont souvent ressortis sur le terrain. Maxime avait travaillé à Dunkerque à l’intégration de la variable santé dans le PLUI, c’est une variable très utile pour allier enjeux écologiques, économiques et sociaux. Comme on est allés dans des endroits qui étaient des déserts médicaux, cet axe s’est imposé de lui-même.
Pour l’économie c’est la même chose, c’est le terrain qui parle. Faute d’activité, certaines régions ont subi un exode rural fort. « Pendant des années les parents disaient à leur enfants : « ne restez pas ici, ils n’y a pas d’avenir » » raconte Alexia Beaujeux. « C’est là qu’il faut prouver, non pas qu’on est capable d’inventer des modèles qui génèrent de la croissance, mais qu’on est capable d’inventer des modèles qui génèrent une capacité de réponse aux besoins de base et des emplois. C’est un vrai défi pour les mouvements écologistes. Si on continue à bouder le sujet, on laisse d’autres personnes qui ne partagent pas nos idées prendre la place. »
Les 500 milliards
Publiée en avril, une pétition rédigée par le collectif la Fabrique des Transitions espère justement fédérer les différentes initiatives locales, qu’elles soient issues des milieux écologistes ou de l’économie sociale et solidaire. À l’heure où les gouvernements français et allemands discutent d’un plan massif de relance post-coronavirus (de 500 milliards d’euros), le collectif espère réussir à diriger une partie des fonds vers des initiatives locales durables. Une façon de les pérenniser et d’éviter un retour en force des énergies fossiles.
Aux manettes de la Fabrique des Transitions, Jean-François Caron est le maire de Loos-en-Gohelle qui compte parmi les communes étendards de la transition en France. Pour Alexia, « Un aspect très positif de ce tour c’est qu’on a pu rencontrer les acteurs du milieu de la transition écologique des territoires. C’est un petit monde qui est en train de se structurer autour de la Fabrique des Transitions, notamment des générations qui faisaient bande à part jusque là. »
Guider les municipales
À terme, Alexia, Maxime et Solène veulent faire du conseil aux collectivités, et les accompagner dans leurs démarches de transition. Alors que les élections municipales ont été suspendues par le Covid-19, plus de 30 000 communes ont pu élire leur maire dès le premier tour, et ce, essentiellement en zone rurale. Autrement dit, un terrain de jeu gigantesque pour activer la transition écologique.
De la communauté urbaine de Dunkerque, où Arcelor Mittal fait planer la menace de la délocalisation ; à la lutte contre le Grand Contournement Ouest (GCO) dans la région de Strasbourg ; en passant par la sauvegarde du patrimoine culturel breton, le podcast prend le pouls des territoires. En train et en stop, toujours le micro à la main, il nous rappelle que le monde rural a encore son mot à dire.