La smart city vue par le design 1/2
Les étudiants du China Studio de l’École de design Nantes Atlantique ont eu une semaine pour plancher sur les applications de la smart city dans l’espace public. Et quoi de mieux comme terrain de jeux qu’une mégalopole de plus de 23 millions d’habitants : Shanghai. En analysant la ville, ses points de friction, ses usages et mésusages, les étudiants ont fourni des propositions de projets permettant de montrer des applications concrètes de la smart city. Retours sur leurs travaux encadrés par Mathieu Bernard, responsable pédagogique du China Studio, Christine Vignaud, responsable pédagogique du Design Lab Ville Durable, en collaboration avec l’UTSEUS (Université de Technologie Sino Européenne de Shanghai).
Art et smart city : le projet Art cell
Friche urbaine. Voilà un terme qui n’a pas réellement lieu d’être à Shanghai où déconstructions et reconstructions se suivent à un rythme incessant. Rares sont donc ces espaces en transition, espaces de pause dans une ville en perpetuel mouvement. Et parmi ces petites perles rares l’ancienne usine M50 située le long de la Wusong River près de la gare est plus qu’une simple friche. Elle est en effet devenue un véritable lieu d’expression, certes encadré, pour les artistes de la ville avec un mur sur lequel les graffeurs peuvent laisser libre cours à leur imagination. Mais dans une ville où l’éphémère règne en maître ce genre d’espace ne dure jamais longtemps. La municipalité, dans son désir de devenir plus verte, prévoit en effet de transformer l’espace en parcs et promenades laissant plus de place à la nature mais effaçant le caractère artistique du lieu.
Les étudiants du China Studio de l’École de design Nantes Atlantique ont imaginé un projet qui pourrait réintégrer l’aspect artistique dans le futur parc. Son nom : Art cell. L’idée est de créer des micro-architectures dans lesquelles les artistes pourraient exposer leurs oeuvres. Mais, comme l’explique Christine Vignaud, responsable pédagogique du Design Lab Ville Durable, « ces structures ne sont pas de simples présentoirs, elles fonctionnent aussi comme des capteurs qui mesurent la popularité des oeuvres grâce à des critères préétablis ». Ce sont ces données fournies par les visiteurs qui vont pouvoir déterminer la durée d’exposition de l’oeuvre : plus celle-ci sera populaire plus elle pourra rester visible longtemps. Et les étudiants sont allés encore plus loin imaginant que cette popularité pourrait être représentée par l’éclairage de l’oeuvre : plus fort selon son taux d’engouement.
Dans le contexte de Shanghai, il faut également rappeler la difficulté que peuvent avoir les artistes débutants à exister. Le pragmatisme économique chinois impose en effet une rentabilité dès les débuts : pour qu’un artiste puisse s’exprimer, il faut qu’il rapporte. Le projet « Art Cell » propose donc d’offrir une visibilité et un moyen d’expression à ces artistes débutants. Le côté financier pourrait être assumé par la Ville et par le financement participatif (via un système de business angels spécifique au milieu artistique) afin de pouvoir miser sur un talent en devenir. L’art sort ainsi des traditionnelles galeries peut-être un peu trop inaccessibles afin de s’ouvrir au plus grand nombre.
Au-delà de proposer d’animer un parc de friche, le projet Art Cell est avant tout là pour nous interroger. Une société où les réseaux sociaux sont rois et où le « like » a valeur d’universalité est-elle transposable à tous les domaines ? Combien de commentaires positifs aurait reçu Van Gogh pour sa Nuit étoilée ? La popularité est-elle le seul critère pour déterminer la qualité d’un projet, comme le laisse à penser la mode des émissions de télécrochet ? Volontairement provocateur, Art cell propose donc de redonner une place à l’art dans un pays où l’epression artistique n’est pas toujours aisée. Preuve également que art et smart city peuvent tout à fait cohabiter.
Par Zélia Darnault, enseignante.