La place publique dans la ville

Le Conseil de Paris a approuvé le 29 mars dernier le réaménagement de sept grandes places de la capitale. Pour la maire Anne Hidalgo, il s’agit de « donner plus de place à celles et ceux qui ont envie de vivre dans une ville plus pacifiée, avec moins de voitures et moins de stress ». L’occasion pour Demain la Ville de s’interroger sur le rôle de la place publique dans l’espace urbain.
Sept grandes places parisiennes vont changer de physionomie entre 2017 et 2019. Les places de la Nation, du Panthéon, d’Italie, de la Madeleine, Gambetta, des Fêtes et de la Bastille vont être réaménagées en vue de redonner du sens à ce qui s’apparente aujourd’hui « à de simples giratoires » selon Christophe Najdovski (EELV), adjoint à l’espace public et porteur du projet.
Une place pour tout le monde
« Il faut reconsidérer l’espace public non comme un seul tuyau à voitures mais aussi comme un support de la vie sociale. » Aujourd’hui, les places concernées par le projet évoquent le bruit, la distribution du trafic ou le stationnement des véhicules. Lieu de convergence ou de divergence, les places ont pourtant un rôle nécessaire dans la vie citoyenne de la ville. Pour Yoshihara Akiko, de l’Institut d’urbanisme de Paris, « la place est à tout le monde, on peut se l’approprier – se sentir chez soi –, cependant elle n’appartient jamais à personne ».
Retrouver un contact direct avec le cœur des places
Le changement le plus spectaculaire concernera la place de la Bastille, dont l’histoire demeure peu lisible d’après la Ville. « Il est prévu de supprimer le giratoire autour de la Colonne de la Bastille. La proposition consiste à dégager une grande esplanade, comme place de la République, et donc de raccorder la Colonne à la partie qui mène vers le bassin de l’Arsenal. »
Le Conseil de Paris souhaite que les Parisiens retrouvent « le contact direct avec le Panthéon, la Madeleine, les bronzes de la Nation ou la colonne de Juillet à la Bastille. En moyenne, ces réaménagements prévoient 50 % d’espaces supplémentaires pour les piétons et les cyclistes ». La présence du végétal sera également largement renforcée. Les travaux devraient coûter 30 millions d’euros pour l’ensemble des sept places.
La République : un mémorial, un poumon
La place de la République telle que nous la connaissons aujourd’hui a été livrée en 2013. Pierre-Alain Trévélo et Antoine Viger-Kohler, architectes du cabinet TVK, ont conçu son réaménagement : « La statue est un symbole extrêmement puissant, située au centre du double rond-point qui existait auparavant. Elle était inaccessible, sauf en cas de manifestation. Notre idée c’était de pouvoir s’asseoir aux genoux de la République. Le socle de la place a été depuis utilisé comme mausolée. Il fallait faire de cette statue le point central d’un espace démocratique, disponible, libre ».
Depuis le 7 janvier et le 13 novembre 2015, la place de la République a en effet permis aux citoyens de se recueillir et de se mobiliser. Elle est devenue un poumon, un mémorial, un endroit qui contient les larmes. Le mouvement Nuit Debout qui s’y est installé depuis le 31 mars entend désormais en faire un symbole. Pour la journaliste Aline Leclerc, « on peut parler de mythologie autour de la place de la République ». Chaque place a son histoire et pour le photographe Meyer, du collectif Tendance floue, la place de la République est celle du « pour » : on s’y rassemble pour le progrès, pour la liberté…
Plate-forme de médiatisation globale
D’autres places publiques dans le monde ont valeur de symbole fort. C’est le cas de la place Taksim à Istanbul, du Maïdan à Kiev, de la place Tahrir au Caire, du Zócalo à Mexico ou de la Puerta del Sol à Madrid. Elles ont chacune vu passer des contestations politiques de très grande ampleur, à l’image du printemps arabe.
Le mouvement Occupy, né en 2011, a fait école dans le monde entier. La place devenait « siège d’une action située et plateforme de médiatisation globale » selon Michel Lussault, géographe et professeur d’études urbaines à l’ENS Lyon. « Les occupations sont des expérimentations, afin de refaire société dans une période d’incertitude. Il s’agit d’investir l’espace et d’y vivre vraiment en commun. »
La place Tian’anmen est également entrée dans l’Histoire lors des manifestations de 1989. L’armée chinoise y défile chaque année dans une volonté d’afficher sa puissance. C’est le cas aussi en Russie. Le samedi 9 mai 2015, la place Rouge à Moscou a vu défiler une parade militaire jugée « démesurée » pour commémorer le 70e anniversaire de la victoire soviétique sur les nazis.
Célébrations, contestations populaires ou défilés militaires, les places publiques continuent de cristalliser l’attention en cette période de crise. Partout dans le monde, elles sont devenues le symbole de toutes les célébrations et de toutes les revendications et retrouvent leur rôle de cœur battant de la cité.
Le projet en quelques chiffres
La place de la Nation (11ème et 12ème arrondissements)

« Une grand-place de la Nation ouverte à tous avec un jardin central, agrandi. Une couronne désencombrée transformée peu à peu avec les riverains, les habitants, les étudiants et les lycéens. »
1 kiosque
3700 véhicules le soir en heure de pointe
201 arbres
12 axes de circulation majeurs
8 files de circulation
4 lignes de métro
1 ligne de RER
La place du Panthéon (5ème)

« La place du Panthéon, cœur du Paris des savoirs, retrouve sa splendeur au centre d’un espace unique, partagé, qui évolue selon les rythmes de la ville. Le pavé, débarrassé des voitures, unifie l’espace. La circulation des riverains et des services est préservée car une coproduction des nouveaux usages préfigure les dispositions futures. »
3 cinémas
1 bibliothèque
1 mairie à proximité
1 université
1 église à proximité
2 lignes de bus
1 lycée
Place Gambetta (20ème)

« Témoin parfait du XIXe siècle, la place Gambetta agrandit ses trottoirs, désencombre l’espace et retrouve la cohérence de son paysage historique. »
5 axes de circulation majeurs
18 arbres
2 lignes de métro
7 lignes de bus
2100 véhicules entrent sur la place à l’heure de pointe du soir
Place de la Madeleine (8ème)

« Le monument retrouve son écrin historique souligné par l’alignement des arbres. La circulation est réduite et les espaces dégagés permettent une installation plus lisible du marché aux fleurs, du marché alimentaire et du kiosque culturel. Les commerçants et les riverains sont invités à programmer les nouveaux espaces. »
1 monument structurant pour la voirie
66 arbres
3 lignes de métro
5 lignes de bus
Place des Fêtes (19ème)

« La place des Fêtes tisse des liens. Le marché est réinstallé, des traversées sont facilitées par la démolition partielle d’auvents, l’espace central est 100 % piéton. »
1 square avec une fontaine
750 véhicules sur les axes nord le soir en heure de pointe
400 véhicules sur les axes sud le soir en heure de pointe
1 manège
2 lignes de métro
2 lignes de bus
Place d’Italie (13ème)

« Le cercle central de la place d’Italie facilitant les traversées piétonnes et offrant la possibilité de terminer le square souhaité par Haussmann lors du dessin de la place ; c’est l’occasion d’une coproduction citoyenne autour du jardin en ville avec les habitants, l’école du Breuil et l’école Estienne. »
1 jardin
1 mairie
151 arbres dont 56 sur le terre-plein central
1 centre commercial
5 noctilien
3 lignes de métro
6 lignes de bus
Place de la Bastille (4ème, 11ème et 12ème)

« Comment se donner rendez-vous au pied du génie de la Liberté ? Une grande esplanade est libérée pour les piétons, esplanade sur laquelle sera disposé du mobilier selon les usages souhaités. »
1 opéra
3 cinémas
5600 véhicules le soir en heure de pointe
43 arbres
7 axes de circulation majeurs
1 centre hospitalier à proximité
3 lignes de métro
8 lignes de bus
Vos réactions
bonjour, je souhaite connaitre l’auteur de cet article.
bonne journée.
Bonjour,
Merci pour l’intérêt que vous portez à notre article.
L’auteur est l’un de nos blogueurs, Usbek et Rica.
Cordialement,
Demain La Ville