La Part Dieu : un nouveau concept de centre commercial
Quartier sur dalle emblématique de la métropole lyonnaise, Lyon Part-Dieu est aujourd’hui en pleine restructuration urbaine. L’une des étapes qui structure actuellement le projet urbain global concerne la transformation du centre commercial de La Part-Dieu, élément clé au cœur de ce quartier.
Par le déploiement de nouvelles boutiques, la création de percées paysagères, la requalification du bâtiment mais aussi par un ancrage plus prononcé du projet dans son environnement urbain, l’ambition portée par la SPL Lyon Part-Dieu est de développer un centre commercial urbain dit de “nouvelle génération”. Déjà développé dans d’autres villes d’Europe, ce modèle est-il un exemple pertinent ? Que dit-il de l’évolution des centres commerciaux et des dynamiques urbaines qu’ils engendrent ?
Depuis le début des années 1970, de nouveaux lieux de consommation ont émergé en France : les centres commerciaux à l’américaine. Inspirés par les malls américains, les architectes de l’époque s’emparent du concept pour le développer en France. Parly 2 à Chesnay, Cap 3 000 à Saint-Laurent-du-Var, La Bourse à Marseille, Mériadeck à Bordeaux ou encore La Part Dieu à Lyon, s’implantent progressivement sur le territoire français et associent galeries marchandes et hypermarchés au sein d’imposants bâtiments.
Bousculé par l’évolution de la fabrique de la ville, le modèle des centres commerciaux est aujourd’hui en pleine mutation. La transformation des mobilités, l’éloignement des lieux de consommation des centres urbains par une urbanisation des périphéries croissante et la mise en place de nouvelles contraintes législatives et réglementaires engagent ces derniers à réinventer leur modèle.
Entre défis économiques et concurrentiels, nouvelles attentes des utilisateurs et enjeux urbains et immobiliers, de nouveaux objectifs structurent actuellement nos centres commerciaux et entraînent leur nécessaire transformation. C’est notamment le cas du centre commercial de La Part Dieu qui se transforme aujourd’hui dans le cadre d’un projet urbain plus global : la restructuration du quartier de Lyon Part-Dieu.
Un projet urbain d’envergure
“affirme l’ancien maire Gérard Collomb. Quartier emblématique de la ville de Lyon et de sa métropole, La Part-Dieu a marqué l’histoire et l’attractivité lyonnaises depuis des décennies. Deuxième quartier d’affaires français, première gare de correspondance en Europe, ce quartier symbolise la croissance urbaine lyonnaise des années 1970. Situé dans le 3ème arrondissement de la commune, La Part-Dieu a la particularité de représenter conjointement un pôle d’échanges multimodal, un centre tertiaire et une zone résidentielle. Considéré par certains comme le deuxième centre-ville de Lyon, il reste pour autant davantage un lieu de trafic qu’un lieu de destination. Et c’est la raison pour laquelle le quartier est actuellement en pleine réinvention !
”En une année, La Part-Dieu accueille 30 millions de voyageurs en train, 35 millions de visiteurs au centre commercial et 1,2 millions aux halles Paul Bocuse. En une journée, ce sont donc 500 000 déplacements, 20 600 habitants et 56 000 emplois qui rythment le quotidien du quartier. Dans une démarche de co-production inédite, portée par la SPL Lyon Part-Dieu ainsi que diverses équipes pluridisciplinaires guidées par l’agence d’architecture et d’urbanisme L’AUC, le projet urbain global a été pensé autour de trois enjeux principaux.
Dans un premier temps, l’identité tertiaire et économique du quartier devra être préservée et renforcée par l’augmentation du nombre d’emplois sur le territoire et la diversification des activités. L’idée est par exemple de centrer de nouvelles activités sur des thématiques liées à l’aménagement du territoire telles que la ville durable ou l’ingénierie urbaine, de manière à adapter ce lieu de vie aux enjeux actuels. Dans un deuxième temps, afin de consolider le pôle d’échanges multimodal existant, l’objectif est de faciliter les mobilités durables. Dans ce quartier initialement pensé pour les voitures, l’ambition est aujourd’hui de favoriser la création de liaisons douces et de faire émerger une gare européenne contemporaine. Enfin, la mutation de Lyon Part-Dieu est rythmée par le nécessaire développement d’une réelle qualité de vie. L’enjeu est d’en faire un lieu de vie investi et approprié par une grande diversité de personnes, qui ne sera plus perçu, ni vécu, comme un espace de transition, de simple passage et de consommation.
Le centre commercial : un outil de revitalisation urbaine ?
Ces divers aménagements, des infrastructures de mobilité aux immeubles de bureaux en passant par les équipements et espaces publics sont en effet pensés à travers une ambition forte : celle de revitaliser le territoire et de reconnecter chaque bâtiment à la vie du quartier, et plus largement à la vie de la ville. Et bien que ce vaste projet englobe de nombreux aménagements urbains, la métamorphose du centre commercial est au cœur des réflexions de la SPL Lyon Part-Dieu et de L’AUC.
Inauguré en 1975 et symbole d’un patrimoine métropolitain et d’une architecture brutaliste, la reconfiguration du centre commercial La Part-Dieu devrait, d’ici la fin de l’année 2021, participer à réinventer ce quartier emblématique de la ville de Lyon. Porté par le renommé groupe d’immobilier commercial Unibail-Rodamco et conçu, entre autres, par l’agence MVRDV, ce projet prévoit la construction de 32 000 m2 supplémentaires, 80 nouvelles enseignes commerciales et l’implantation d’un cinéma multiplex de 18 salles.
Bien que, naturellement, le renforcement de la vie commerciale du quartier soit l’un des enjeux phares de la transformation du bâtiment, ce projet porte en réalité des ambitions multiples et diverses. La conception architecturale est par exemple au cœur du projet, notamment par la liaison entre le passé et le futur du bâtiment. Winy Maas, le fondateur et associé de l’agence MVRDV, tout comme L’AUC et la SPL tiennent en effet à conserver et valoriser les caractéristiques remarquables de l’architecture brutaliste du bâtiment d’origine. Par le concept du “drapé”, la façade existante est rénovée et le motif d’origine réinterprété. De cette manière, la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre valorisent l’héritage patrimonial et architectural du site, tout en lui donnant une nouvelle dimension par un design contemporain.
Les problématiques environnementales et de durabilité structurent évidemment elles aussi le projet. Un travail a ainsi été mené sur l’intégration de la lumière naturelle au sein du bâtiment et sur ses performances énergétiques. Le développement de liaisons douces, notamment en hauteur, et l’élaboration d’escaliers de grande envergure devraient permettre de créer un maillage piéton conséquent autour du centre commercial. Cela permettra aussi de relier les différents bâtiments du projet urbain global.
Enfin, le projet cherche à développer un parti-pris plus humain, autour de la thématique du vivre-ensemble et de l’émergence d’un lieu de vie convivial, accessible et agréable. Plus qu’un lieu de consommation, l’idée est d’y intégrer des espaces de culture et de détente. L’aménagement d’un toit-terrasse dédié aux loisirs et à la restauration, inspiré de l’ambiance des quais lyonnais, apportera une nouvelle identité mais aussi une nouvelle fonction et différents usages au centre commercial.
Les centres commerciaux 2.0, nouvelles tendances urbaines
Ces divers aménagements vont ainsi engendrer la transformation d’un espace initialement dédié au commerce, vers un lieu créateur de liens entre consommateurs, usagers, habitants et voyageurs, mais également entre le bâtiment et la ville. Ouvrir et reconnecter le centre commercial au quartier, à la ville et à la métropole lyonnaise, c’est bien là tout l’objectif du projet. Par les travaux énoncés précédemment, tous les acteurs et actrices à l’initiative de ce projet aspirent à développer un centre commercial nouvelle génération, au service du rayonnement métropolitain, ouvert sur son environnement urbain.
Cette logique est novatrice et des dynamiques similaires sont déjà durablement implantées dans de nombreux territoires. Aux Etats-Unis, le développement du “retailtainment” (contraction de retail park et de entertainment) fait ses preuves depuis maintenant de nombreuses années. En France, ces modèles de centres commerciaux qui associent commerces et loisirs émergent dans les années 2000 et répondent à l’évolution des demandes des consommateurs qui recherchent progressivement une forme d’expérience urbaine, un lieu de divertissement autant qu’un lieu de consommation.
À Cagnes-Sur-Mer par exemple, le Polygone Riviera propose, en plus de ses 150 commerces, une galerie d’art contemporain, au sein de laquelle visiteurs, usagers et consommateurs ont la possibilité de partager une déambulation urbaine et artistique en plein air ! Encore plus ancré dans l’expérience urbaine, le centre City-Place, à West Palm Beach (Etats-Unis), a été pensé et conçu de la même manière qu’un centre-ville. Des rues pavées, des places “publiques”, des maisons d’inspiration architecturale toscane et vénitienne, font en réalité intégralement partie du centre commercial.
L’expérience utilisateur serait-elle finalement devenue une nouvelle façon de consommer ? Et les centres commerciaux “nouvelle génération” ne deviendraient-ils pas, en fin de compte, de nouveaux centres urbains, ouverts sur la ville ? Un constat est certain : les constructeurs et exploitants de centres commerciaux redoublent actuellement d’efforts pour innover, pour se différencier, pour inventer de nouveaux modèles et de nouveaux concepts. Et cela dans l’objectif de répondre à la demande des consommateurs, mais aussi des habitants et usagers d’un territoire, en quête d’un certain renouveau urbain et pour lesquels le centre commercial s’éloigne peu à peu de sa fonction première, la consommation, pour évoluer vers de réelles expériences urbaines.