La nouvelle gare du Pont de Bondy : une nouvelle centralité pour accompagner les mutations d’un territoire ?
Lieu majeur du département de Seine Saint-Denis, l’actuel pont de Bondy est situé entre trois communes : celle de Bondy évidemment, implantée de chaque côté de l’Ourcq, mais aussi de Noisy-le-Sec et de Bobigny, qui se font face. Incontournable, le pont bondynois est en effet l’une des rares infrastructures qui permet aujourd’hui de franchir le canal de l’Ourcq. A ce titre, c’est donc l’un des lieux de passage quotidien pour les automobilistes ainsi que pour toutes les personnes destinées à se déplacer dans le département.
Au cœur d’un territoire en mutation, sa position stratégique prendra bientôt de l’ampleur. Ces prochaines années, le secteur se transformera avec l’arrivée d’une nouvelle gare multimodale au pied du Pont de Bondy. Elle sera alors l’embouchure de deux nouveaux moyens de transport : la ligne 15 du métro Grand Paris Express dont l’arrivée est prévue en 2030, ainsi que le TZen3, moyen de transport proche du tramway, en 2024.
Une fois en service, ces nouvelles infrastructures influenceront considérablement la question des mobilités à l’échelle de ce quartier. Une dynamique qui vise à revaloriser certaines communes excentrées, puisqu’en prévoyant de nouvelles gares et lignes de transport en commun, celles-ci se retrouveront à quelques stations seulement de la capitale et du Grand Paris desservi. Un pari qui nécessite de mettre en action l’ensemble des territoires à proximité des nouvelles gares.
Les trois communes concernées, Bondy, Noisy-le-sec et Bobigny feront donc d’ici quelques années, partie intégrante de la dynamique métropolitaine. Mais de quelle manière le projet de la future gare de Bondy pourra-t-il créer une nouvelle centralité dans un quartier dévalorisé jusqu’alors ?
Une gare vitrine du renouveau au cœur d’un territoire en pleine mutation
En accueillant la ligne T1 du tramway, la très empruntée RD933 et tout en étant un centre névralgique du réseau de bus départemental, le secteur du pont de Bondy est déjà un hub de transport multimodal bien concret. Le maillage de transport régional est complété par les différentes gares du RER E réparties dans le centre-ville de chacune des communes qui l’entourent. Au centre de trois territoires de Seine-Saint-Denis, le pont de Bondy est donc déjà un maillon essentiel de la chaîne de mobilité du nord-est-parisien.
Le futur accueil de la nouvelle gare de métro du Grand Paris Express et avant cela, de la ligne de bus en site propre TZen3, renforce cette position stratégique. Afin d’accompagner cette mutation du territoire, c’est dans cette optique que le Conseil de Territoire d’Est-Ensemble s’est montré favorable en juin 2019 au lancement d’un projet de rénovation de grande envergure autour de la gare en devenir. Dans le cadre de ces travaux prévus, l’aménagement du Pont de Bondy et de ses berges se retrouve donc au centre de trois Zones d’Aménagement Concerté : une à Noisy-le-sec (ZAC du quartier durable de la plaine de l’Ourcq), une autre à Bobigny (ZAC Ecocité du canal de l’Ourcq) et celle de Bondy (ZAC des rives de l’Ourcq).
Une mutation territoriale déjà enclenchée. Inscrites dans une dynamique commune, les villes de Bobigny, Noisy-le-sec et Bondy font toutes trois partie depuis 2016 de deux intercommunalités : la Métropole du Grand Paris (MGP) et l’Établissement Public Territorial Est-Ensemble regroupant 9 communes et réunissant 408 000 habitants. Elles s’inscrivent donc déjà dans la dynamique de reconquête du Canal de l’Ourcq dessinée depuis plusieurs années par le projet “Plaine de l’Ourcq”. Ce dernier a été initié en 2007 avec la création du Grand Paris, par l’association de la Communauté d’Agglomération Est Ensemble, l’aménageur Séquano Aménagement, l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) et quatre architectes urbanistes – Christian Devillers, Antoine Grumbach, Bernard Reichen et Myriam Swarc. Un projet métropolitain d’ampleur qui visait la requalification de ce secteur au passé industriel et une vision d’ensemble autour du Canal, tout en créant un lien avec la capitale.
Si les infrastructures sont déjà nombreuses (autoroutes, RER, métro…), l’annonce des travaux du Grand Paris Express est pour le secteur du Pont de Bondy un “véritable coup de projecteur”[1]. L’arrivée de transports plus rapides et plus directs pourrait permettre de joindre deux cœurs, celui de la capitale et celui de la “vie de banlieue”, pour une harmonie métropolitaine. Les grands travaux d’aménagement associés à l’arrivée d’une nouvelle gare de métro, visent ainsi à rendre les territoires attractifs et à les inclure plus en profondeur dans le Grand Paris.
Un cadre de vie à reconfigurer
Cette dynamique de transformation cherche donc à créer une nouvelle impulsion positive pour le territoire métropolitain : grâce à la gare, les trois territoires concernés participeront à désengorger Paris, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, habiter Paris est devenu aussi cher que prisé, alors face à ce constat, on suppose que bien vite une fois les travaux achevés visant à créer cette nouvelle centralité, la population des alentours tendra à se densifier. Et à ce propos, pour accompagner cette nouvelle dynamique, près de 4 000 logements seront créés par les travaux d’aménagement des différentes ZAC.
Par ailleurs, malgré l’arrivée de nouveaux transports en commun, la voiture circulera encore aux abords de la gare du Pont de Bondy, imposant d’imaginer dès maintenant un nouveau schéma de circulation, dans le but d’éviter la congestion automobile et de valoriser des chemins dédiés aux déplacements doux. À travers cette gestion repensée du flux automobile, l’objectif est aussi d’améliorer le cadre de vie afin de créer une identité propre au quartier et un lieu de vie agréable.
Pour ce faire, le canal de l’Ourcq est un véritable atout. Si depuis plusieurs années, le territoire tend à s’ouvrir sur le canal, ce projet vise à amplifier son appropriation en y multipliant les usages. Le secteur a longtemps tourné le dos à ce point d’eau sur lequel donne la RD933 et en transformant l’autoroute qui longe le canal en boulevard urbain, le cours d’eau sera revalorisé pour devenir la pièce-phare du quartier. Ainsi, de nouveaux franchissements seront mis en place pour permettre de relier des espaces publics entre eux. Une requalification des berges du canal est prévue et les riverains pourront désormais se rendre sur les bords de l’eau par une voie verte agréable. Des ports de plaisance et d’activité seront aussi déployés avec l’installation d’infrastructures de sports nautiques pour créer des aires de loisirs.
La proximité avec le canal de l’Ourcq de ce projet permet aussi d’exploiter des espaces naturels avec respect afin de créer un territoire de grande qualité écologique. Les berges du canal notamment, vont pouvoir être investies par l’aménagement de zones piétonnes pour un confort de vie plus abouti pour les habitants. Les équipements économiques, scolaires (écoles, collèges, lycées, universités…) ou sportifs (stades, piscines, complexes sportifs…) sont déjà nombreux et se verront ainsi remis en valeur.
Aussi, les dessous du Pont en lui-même seront revalorisés en développant des rues en rez-de-chaussée actives et passagères. On programme également l’utilisation de ces espaces pour des commerces, des espaces verts, ainsi que le développement d’actions culturelles et artistiques à grande échelle. En mai 2019, déjà, le pylône d’une des bretelles de l’autoroute A3 fut recouvert d’une fresque murale conçue par l’artiste Batsh ainsi que des élèves du Lycée Madeleine Vionnet de Bondy.
Mais si l’une des finalités du projet est de proposer à des classes moyennes supérieures un cadre de vie agréable dans la périphérie de Paris, un des obstacles à surmonter sera de faire en sorte que les prix restent accessibles, afin de ne pas exclure une population aux revenus modestes déjà présente sur le territoire et éviter tout phénomène de gentrification.
Entrée de la passerelle piétonne ©️Société du Grand Paris / BIG & Silvio d’Ascia
Une impulsion commune pour les projets de renouvellement urbain
Même si chacune des communes de la plaine de l’Ourcq possède ses propres spécificités, elles ont un passé et des enjeux en commun. Au début du XIXème siècle, les nombreux espaces agricoles exploités par des agriculteurs chassés de Paris, sont remplacés par une gare et des premières industries censées transformer la population agricole en une population ouvrière majeure pour le territoire. Les communes de Seine-Saint-Denis connaissent alors l’arrivée de nombreuses phases d’immigration. Après la guerre, comme dans beaucoup de villes en périphérie des métropoles, l’accroissement de la population entraîne la construction de grands ensembles et des premiers HLM. Aujourd’hui, ces territoires connaissent sur leurs territoires différents quartiers prioritaires définis comme “Zones urbaines sensibles” (ZUS), pour leurs populations défavorisées et fragilisées.
Par sa centralité, le projet de la future gare permet la mise en valeur de ces quartiers prioritaires de la politique de la ville inscrits au Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU). Modernisation des logements, travail sur les espaces publics pour une meilleure cohabitation entre les moyens de transport, ouverture vers le Canal et le reste du territoire, redynamisation des équipements, aménagement de commerces de proximité et d’autres équipements, l’aménagement du Pont de Bondy représente ainsi une convergence commune à tous les programmes de renouvellement en cours. En lien avec le projet du Pont de Bondy permettant l’accès à des bâtiments neufs et de qualité, le programme de renouvellement urbain permettra ainsi d’équilibrer l’offre des bâtiments et de requalifier le bâti limitrophe au projet. Le NPNRU s’inscrit ainsi dans la lignée d’un renouveau culturel.
Le Pont de Bondy, une centralité en devenir ?
Le Pont de Bondy, souvent défini comme “un secteur n’accueillant que des activités au profit des autres territoires”[2], devrait donc dévoiler, d’ici 2030 une nouvelle identité bien à lui. La création d’un nouveau quartier autour du pont, vise en effet à revaloriser cet espace délaissé, en créant une nouvelle centralité.
Mais pour cela, le premier défi est de parvenir à proposer un cadre de vie animé et vivant pour ses habitants, qui puisse favoriser leur attachement à leur quartier. La future gare sert alors de trame de fond pour le développement d’un espace attractif et aéré. Simple lieu de passage, le secteur du Pont de Bondy devrait, avec le renforcement de son hub multimodal, devenir une réelle destination. La gare à l’architecture sobre et empreinte de modernité, enjambera le canal de l’Ourcq, permettant ainsi de réunir deux territoires séparés par le canal en un seul point central. Au-delà de la seule utilité liée aux mobilités, la nouvelle gare a donc vocation à créer des liens. Pour cela, l’ambition du projet de la nouvelle gare est non pas de tourner le dos au quartier mais au contraire, d’être la vitrine de l’attractivité et de la richesse culturelle et sociale de son territoire.
Le défi sera de créer des liens entre les populations des quartiers populaires et les futurs habitants qui s’installeront dans les quartiers nouvellement créés. À l’image de ce qui est souhaité pour le projet de la gare du Nord à Paris, la gare du Pont de Bondy tend à devenir un lieu de vie et de rencontre à l’échelle de son quartier. La dynamique de l’amélioration de l’habitat, du développement de commerces, d’espaces de loisirs et des mobilités douces, ainsi que la requalification des autoroutes, le tout ouvert sur le canal de l’Ourcq, est une étape importante de la revitalisation de ce territoire. Celle-ci a vocation à “nourrir le sentiment d’appropriation et de fierté des habitants”.[3]
Une des autres finalités est de tisser des liens avec les territoires voisins. Noisy-le-Sec, Bondy et Bobigny ayant chacune leurs infrastructures de transport propres, chaque commune semble en quelque sorte repliée sur elle-même. La nouvelle gare amorce ainsi l’éventualité d’un centre commun pour se déplacer. Et dans cette même dynamique d’ouverture, enfin, l’autre lien évidemment est celui créé avec Paris. La livraison prochaine de deux types de transports en commun viendra considérablement gommer la distance reliant Paris à ces communes de Seine-Saint-Denis. La phrase-clé du projet est d’ailleurs la suivante : “Réinventer la ville dans la métropole”. Tout en renouvelant l’identité d’un espace, le quartier du Pont de Bondy sera-t-il alors un moyen efficace d’intégrer les territoires de Seine-Saint-Denis à la métropole ?
Pôle multimodal aux multiples problématiques, la création du nouveau quartier du Pont de Bondy devra donc accompagner étape par étape, ce qui est envisagé comme “le passage d’un espace longtemps resté en déshérence et objet de nombreuses nuisances à un quartier de vie attractif, diversifié, habité et productif.”[4] Pour cela, la gare de Pont de Bondy, n’est donc pas seulement destinée à être un nouvel espace de mobilité. Bien au contraire. Tout comme les nombreux projets d’urbanisme actuels, elle peut avoir un impact particulièrement positif pour le quartier, en étant elle-même créatrice de nouveaux usages. C’est sans doute là, tout l’enjeu de cette centralité en devenir.
[1] EPT Est-Ensemble Grand Paris
[2] Est-Ensemble Grand Paris
[3] Ibid.
[4] Ibid.