La médiation paysagère, un enjeu pour reconnecter les citadins à la nature en ville

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28 Avr 2023 | Lecture 3 minutes

Contrairement aux projets urbains, le dessin et la gestion des espaces verts des villes ne sont que très peu concertés. Dans certaines situations, ce manque de médiation peut amener à des incompréhensions habitantes importantes. Certains s’énervent face à l’abattage d’un arbre sans pour autant savoir que ce dernier était malade. Manque de connaissances, faible transmission de la part des services techniques, autant d’éléments à travailler pour faciliter la compréhension habitante autour des enjeux de gestion de la nature en ville. Comment certaines collectivités innovent pour communiquer et sensibiliser les habitants ? Quels outils de concertation et de médiation classique peuvent être mobilisés pour faciliter l’accroissement des connaissances habitantes ?

Après deux milles ans de sédentarisation et une urbanisation accrue depuis plus d’un siècle, la majorité des femmes et hommes vivent désormais en ville. Leurs modes de vie ont évolué, passant alors d’une logique d’interactions profondes avec la nature (travail agricole, nourissier et quotidien) à celle d’une distanciation de cette dernière. Artificialisation des sols, productions agricoles reléguées en arrière campagne, appauvrissement de la biodiversité, autant de constats qui ont fait qu’aujourd’hui la ville et la nature apparaissent comme deux entités incompatibles. Et c’est cette incompatibilité qui a longtemps guidé l’aménagement végétal des villes, éloignant peu à peu les habitants de leurs connaissances végétales et animales.

D’une nature urbaine ornementale à une nature urbaine utile. Et pourtant, la nature a toujours été présente dans nos villes. Parcs, jardins, squares, ont depuis tout temps été aménagés pour embellir les villes et accueillir pratiques sportives et de détentes des citadins en manque d’espace. Pendant très longtemps la nature a été dessinée de manière contrainte, afin de répondre à des attentes esthétiques : alignement d’arbres et massifs fleuris, pelouses tondues se sont installés de manière durable dans nos villes.

Mais depuis quelques années, la tendance s’est peu à peu inversée. La présence de la nature en ville est intrinsèquement liée à une gestion durable urbaine : les enjeux écologiques se révèlent aux yeux de tous comme des invariants à prendre en compte dans l’évolution des villes face à un changement climatique de plus en plus visible et à un contexte urbain en crise. Plus que pour faire joli, les aménagements végétaux sont aujourd’hui au service d’un confort urbain devenu indispensable : on cherche à diminuer les effets d’îlots de chaleur en plantant davantage. Apport d’ombre ou support de biodiversité, la présence de la nature n’a donc plus à faire ses preuves dans l’absolue nécessité d’appartenance à l’écosystème urbain pour la rendre plus vivable.

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Les effets visibles du dérèglement climatique, et la dégradation du confort urbain estival, poussent les habitants des villes à se préoccuper davantage des enjeux de développement durable et, derrière-eux, de la végétalisation de leur cadre de vie. De plus en plus de municipalités communiquent sur leur volonté d’aménager davantage des espaces de verdure pour permettre à leur ville de se doter de véritables espaces de respiration. Forêts urbaines, plan de plantation ambitieux, végétalisation des cœurs d’îlots… Autant d’éléments de communication qui séduisent les habitants et qui les conscientisent sur la nécessité de renaturation urbaine. Pourtant, derrière ces grands projets, peu de concertation habitante est effectuée.

À contrario des projets urbains où l’implication habitante est valorisée, le volet paysage ne reste que très rarement concerté : essences choisies, modèle de plantation, usages associés ne rentrent que peu en jeu dans les échanges avec les habitants. car ce sont rarement des sujets contestés. Pourtant, il serait tout autant intéressant d’impliquer les futurs habitants dans l’aménagement des espaces végétaux car cela augmenterait non seulement leurs connaissances et renforcerait leurs liens à la nature, mais favoriserait également leur participation à leur futur entretien. Une importance clé au vu de la perte de connaissance que les citadins ont peu à peu subi, et qui produit bien souvent des incompréhensions sur l’aménagement et l’entretien des espaces végétalisés.

  • En apprenant à observer la nature en ville. Car bien souvent, happés par leurs quotidiens rythmés, les citadins ne prennent pas le temps de se rendre compte de la biodiversité qui les entoure. Il est donc nécessaire de prendre le temps de se rendre compte de l’écosystème naturel dans lequel notre cadre de vie s’inscrit. Balades urbaines, diagnostics végétaux participatifs, autant d’outils mobilisables pour pousser les habitants à observer leur environnement naturel et découvrir l’ensemble des espèces végétales et animales qui le compose.
  • En améliorant la connaissance du végétal et de l’animal du citadin et en le rendant actif dans sa protection et son déploiement. C’est l’objectif que s’est donné l’association naturaliste Des Espèces Parmi’Lyon : à travers de la sensibilisation, de la conduite de diagnostic de biodiversité participatif, ou encore de la réimplantation de lieux de vie, c’est l’ensemble du patrimoine végétal de la ville de Lyon que l’association souhaite mettre en avant, et ce à différentes étapes de projets. En leur apprenant à observer, diagnostiquer, mais aussi favoriser le végétal et participer à son entretien futur, les habitants sont davantage attentifs et se connectent de plus en plus facilement aux écosystèmes naturels présents en ville.

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  • En sensibilisant à la vie de cette biodiversité. Les choix d’entretiens et de gestions sont souvent méconnus des habitants, ce qui peut entraîner des quiproquos, voire de l’énervement. L’abattage d’arbres est par exemple souvent source de tension pour les habitants qui n’en comprennent pas la raison. Par absence de communication, mais aussi de sensibilisation à la gestion des arbres en espaces urbains, il est alors quasi impossible de comprendre que l’abattage d’arbres se révèle quelquefois obligatoire (maladie, fin de vie, régulation…). Certaines communes font alors le pari de la médiation pour partager leurs connaissances et informer de manière transparente les habitants. C’est le cas de la commune de la Flèche (Sarthe), qui lors de l’abattage de dix platanes de l’avenue Maréchal-Foch à organiser une campagne de sensibilisation au cycle de vie des arbres et la nécessité de les couper pour cause de maladie transmise par un champignon invasif. Une pratique peu onéreuse qui est pourtant rarement mise en place.

Les liens entre nature et habitants sont donc à retisser et cela doit venir de plusieurs acteurs clés. Tout d’abord la collectivité, chargée de la gestion des espaces verts, doit être en capacité d’informer les habitants sur ses choix mais aussi de les sensibiliser aux questions environnementales. Les associations ont également pleinement leur rôle à jouer : grâce à leur connaissances à la fois techniques mais aussi locales, elles sont en capacité de fédérer les citadins et de mettre en place des actions qui leur permettront de devenir eux même actrices dans le déploiement de la biodiversité en ville.

De la médiation à l’action ?

Les actions de sensibilisation et de médiation autour des enjeux de nature en ville ont pour impacts de renforcer les connaissances des habitants mais également de les pousser à devenir eux-mêmes acteurs de cet enjeu. Des actions de quartiers voient de plus en plus le jour : mise en place d’un jardin partagé, de micro-plantations aux coins des rues ou aux pieds des arbres, ou encore la plantation des balcons et jardins particuliers.

Autant de petits projets qui aident la biodiversité à s’épanouir en ville. Même si ces actions sont encore peu nombreuses, elles pourraient bientôt devenir une généralité, et pour cela, la sensibilisation dès le plus jeune âge est essentielle. Du travail en milieu scolaire à la mobilisation adulte, la médiation paysagère participe pleinement à la sensibilisation des citadins et les pousse à devenir eux même les initiateurs d’actions en faveur du déploiement de la nature en ville. À l’heure où les enjeux environnementaux sont et vont devenir primordiaux dans les aménagements urbains, les liens entre habitants et nature, tant dans la protection que dans les usages doivent être une priorité, et c’est le rôle de tous de les consolider.

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

Christine Bérodier
29 avril 2023

Article intéressant mais qui ne précise pas que dans nombre de communes, les espaces verts sont considérés comme du mobilier urbain, massacrés, taillés, soufflés, en pleine période de nidification. Quelle exemplarité, quelle transmission alors aux habitants qui n’ont parfois aucun autre « message » de prise en considération, du respect et de la reconnaissance de la nature en ville. Nous sommes pourtant à des décennies du playdoyer pour l’arbre et la « maladie ou les parasites » sont bien trop souvent une opportunité fallacieuse à couper et à Abattre nos meilleurs alliés pour l’avenir.

Alors sensibiliser, initier, former les citoyens oui, mais que les équipes des espaces verts et les politiques des villes soient déjà à la hauteur.

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