La lumière au cœur de l’espace public
La Ville Lumière. Cette expression employée pour désigner la capitale française montre la fascination qu’a pu exercer la lumière sur les usagers de l’espace public. Mais pourquoi ce surnom ? Si l’on en croit la légende, ce seraient les Anglais qui, impressionnés par l’éclairage public naissant, auraient octroyé ce doux nom de City of Lights.
Mais l’envers du décor est moins glamour, car l’éclairage public n’a pas été créé simplement pour des raisons esthétiques mais bien pour répondre à un besoin sécuritaire. En effet, la hausse de la criminalité dans le Paris du XVIIIème siècle aurait poussé les autorités de l’époque à sécuriser l’espace public en demandant une contribution aux habitants : déposer une bougie ou une lampe à huile sur le rebord de leurs fenêtres. Aujourd’hui, l’éclairage s’est généralisé et ses usages se sont diversifiés. Pourtant, la question de la lumière en ville fait toujours débat : entre source de pollution et trop peu de présence, difficile de trouver un juste équilibre. Alors pourquoi et comment repenser les usages de la lumière dans l’espace public ?
L’éclairage public français en chiffres
On l’aura compris avec l’exemple de Paris, les Français ont été des précurseurs en matière d’éclairage public. Peut-on encore se vanter de cette primeur aujourd’hui ? Pas vraiment si l’on en croit les chiffres. Car notre éclairage public est généralement vieillissant, dépassé et polluant. La France compterait 9,5 millions de points lumineux sur son territoire, dont 80% sont aujourd’hui jugés obsolètes. Car nous avons tendance à peu investir dans l’éclairage public, et ça se ressent sur la facture : l’éclairage public représente 44% de la consommation d’électricité des collectivités françaises, auxquels il faut ajouter les 85 000 tonnes de production de CO2 par an. Et ces chiffres pourraient augmenter avec le développement des villes 24/24. Il s’agit donc de trouver des solutions pour garantir la sécurité et l’attractivité du territoire tout en réduisant la consommation d’énergie pour des bienfaits économiques et environnementaux.
Repenser l’approche lumière dans l’espace public
La lumière n’est plus seulement utile, elle génère des activités et devient une composante patrimoniale du territoire. Si auparavant la lumière permettait la tenue d’événements nocturnes, aujourd’hui c’est elle qui fait l’événement. On pense bien sûr à la célèbre fête des Lumières de Lyon qui attire chaque année des millions de visiteurs. La ville d’Amsterdam a elle aussi misé sur la lumière avec la tenue du Amsterdam Light Festival qui invite les visiteurs à découvrir différentes installations lumineuses autour d’un thème principal. Et plus simplement, la tenue de fêtes comme Noël s’accompagne d’un éclairage de l’espace public qui contribue à l’aspect chaleureux et émerveille petits et grands. Parfois, la lumière vient même participer à la construction de nouveaux quartiers, comme c’est le cas à Montréal où le désormais fameux quartier des spectacles doit, entre autres, son identité à son activité lumineuse. La lumière ne doit donc plus être pensée que comme éclairage mais également comme outil de scénarisation de l’espace urbain.
Maîtriser la lumière
L’éclairage public de la ville de demain devra donc allier les aspects sécurités et divertissements tout en prenant en compte des enjeux environnementaux. De nombreux projets d’éclairages intelligents et moins polluants voient le jour, mais dans une ville où les usages sont amenés à changer, ce n’est pas que notre mobilier urbain qui doit évoluer mais aussi notre façon de le penser. En effet, l’un des défis de la ville du futur concerne les mobilités. Or, aujourd’hui notre éclairage public est majoritairement pensé en fonction de la voiture, qui, par ailleurs possède son propre mode d’éclairage. Peut-on alors envisager un éclairage davantage adapté aux mobilités douces ? C’est ce qu’a envisagé Luana Jacq, étudiante en deuxième année de cycle Master Ville durable dans le cadre de son Projet de Fin d’Études. Pour Luana, adapter l’éclairage aux mobilités douces c’est « prendre en compte les parcours, les distances, les intensités lumineuses, pouvoir anticiper et adapter son trajet en fonction de l’espace, penser un éclairage sensible, dynamique et durable ». Parmi les concepts proposés, Luana a envisagé un parcours lumineux permettant d’éclairer les mobilités douces par une lumière continue et attractive. Ce dernier est conçu comme un espace partagé pour faciliter l’accès de ces usagers dans le paysage urbain. Sur une distance de 100 mètres, deux voies différentes ont été créées : une voie piétonne et une voie bi-directionnelle, pour cyclistes et autres mobilités électriques. Une ligne continue lumineuse vient arborer ce parcours pour dynamiser l’espace, tout en le sécurisant. D’autres sources d’éclairage permettent d’accentuer et différencier les usages, et ainsi d’envisager une accessibilité plus efficace. Différents espaces se déclinent : des jardins luminescents, un espace d’assises et d’observation, un espace de jeu pour enfants et un espace immersif. La lumière doit donc également favoriser l’intégration de tous les usagers dans l’espace public.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique